DÉCRYPTAGE – Après avoir remporté la Champions Cup, l’UBB est en quête d’un premier sacre en championnat et défie Toulon ce samedi en demi-finale.

Un premier chapitre de l’histoire est déjà écrit. Un verrou a sauté. En remportant, fin mai, la Champions Cup face à Northampton, l’UBB est devenue la cinquième équipe tricolore à inscrire son nom au palmarès de la compétition continentale après Toulouse, Brive, Toulon et La Rochelle. Mais, comme les Corréziens et les Maritimes, les Bordelais ont désormais la particularité d’être champions d’Europe mais pas (encore) de France. Une « bizarrerie » que la troupe de Yannick Bru est bien décidée à corriger. Deuxième de la saison régulière, le club girondin s’avance en favori, ce samedi soir (21 h 05, Canal+), face au RC Toulon, pour sa cinquième demi-finale de Top 14 consécutive.

Avec des certitudes. Contrairement aux quatre dernières saisons, Bordeaux s’est évité la case barrages et a donc bénéficié d’une semaine de repos et de travail supplémentaire pour se préparer. Un atout fraîcheur pas négligeable dans une saison à rallonge, selon le manager Yannick Bru : « On a pu se reposer après treize semaines d’affilée avec les phases finales de Coupe d’Europe, car on arrivait à un point où ça tirait sur les organismes. C’était un luxe par rapport aux saisons précédentes. On a vu les matchs de barrage, la tension monte. On espère ne pas être dans le dur au niveau du rythme. »

Dans le sprint final, il y a eu de la casse. Louis Bielle-Biarrey, « serial scoreur » (33 essais en 29 rencontres cette saison, toutes compétitions confondues, en club et en sélection) a été victime d’une commotion et manquera le rendez-vous lyonnais du dernier carré. Tout comme le solide deuxième ligne Adam Coleman, touché à l’épaule. Points positifs, deux internationaux touchés lors de la finale européenne à Cardiff sont de retour : le demi de mêlée et capitaine Maxime Lucu (béquille), remarquable depuis le dernier Tournoi des six nations, et l’arrière Romain Buros (ischio-jambiers).

Nouveau statut à assumer

Le tout sera de savoir si l’Union Bordeaux-Bègles en veut encore plus ou si elle aura encore la tête aux longues fêtes qui ont suivi ce premier sacre continental. « J’ai le sentiment que les joueurs ont envie de prolonger l’aventure de quelques semaines et de garder cette atmosphère qui est un mélange de bonheur, d’insouciance et, aussi, d’esprit de compétition », confie Yannick Bru. Du côté de son rival, Pierre Mignoni, qui était déjà dans le staff de Toulon à l’époque de l’historique triplé entre 2013 et 2015, rappelle qu’il a déjà connu des relâchements après des sacres continentaux : « Quand tu es champion d’Europe, je sais la force et la puissance que ça peut te donner, et aussi la faiblesse. »

Dans leur progression express et leur volonté de mettre toutes les chances de leur côté, les Girondins se sont attaché les services, cette année, d’un préparateur mental, Éric Blondeau. Créer une culture de la gagne. Réduire tout ce qui peut parasiter la performance. « On a travaillé sur nos comportements après des essais ou des cartons jaunes concédés, par exemple… Ça nous a permis de progresser sur de petits détails qui sont importants en phases finales, détaille le capitaine Maxime Lucu. Il nous a également inculqué des manières de nous rassembler, pour transformer le négatif en positif, ou, au contraire, de penser à l’action d’après quand il y a du positif. On reste une équipe jeune, on a besoin de progresser là-dessus. »

Les Bordelais sont certes « jeunes » (le club a été créé en 2006 avant d’être promu en Top 14 en 2011), mais ils ont désormais un nouveau statut à assumer. De chasseurs ils sont devenus chassés. Tout le monde veut s’offrir le scalp du tout frais champion d’Europe. Le faire rapidement redescendre de son piédestal. « Ce serait très dangereux de penser que, parce qu’on est champions d’Europe, quelque chose nous est dû en championnat », prévient le pilier Jefferson Poirot. Et de poursuivre, méfiant : « Nous n’avons pas plus de certitudes, à part un peu de fraîcheur. Aujourd’hui, on est encore des puceaux en Top 14, on n’a rien gagné. Et on va jouer une équipe de Toulon qui a marqué l’histoire de ce championnat, contrairement à nous. »

La quête d’un incroyable doublé

Dans la fournaise du Groupama Stadium (plus de 30 °C annoncés à l’heure du coup d’envoi), les Bordelais, avant de songer à déployer leur flamboyant jeu offensif, vont devoir enfiler le bleu de chauffe. Batailler ferme, devant, contre les gros bras du RCT. En demi-finale de la Champions Cup, ils avaient réussi à faire dérailler les Toulousains en livrant un furieux combat sur tous les points d’affrontement. Contre des Toulonnais revenus à leurs ancestrales valeurs de combattants, il faudra à nouveau faire front. « On est une équipe qui a besoin de batailler dans les zones de rucks (pour sortir rapidement les ballons, NDLR). Quand on passe à côté de cet aspect-là du jeu, les matchs sont très compliqués pour nous et on subit beaucoup », reconnaît le talonneur girondin, Maxime Lamothe.

Dans la quête d’un incroyable doublé Coupe d’Europe-championnat que seuls Toulouse (1996, 2021, 2024) et Toulon (2014) ont accompli, il faudra en passer par là. Le troisième ligne Bastien Vergnes-Taillefer trace la route : « Il faut se servir de ce titre européen pour réitérer ces performances en Top 14. Il faut se rappeler ce qu’on a vécu en Champions Cup. Il nous reste deux matchs pour vivre les mêmes émotions. » L’UBB n’est pas rassasié. L’appétit vient en mangeant avec un dévoreur d’espaces hors pair, Matthieu Jalibert. Son compère Maxime Lucu balise le chemin : « Le travail du huit de devant lui permet d’avoir des ballons dans les bonnes dispositions. Plus on arrivera à le faire et mieux Matthieu se sentira. Il est dans sa meilleure année depuis qu’il est professionnel à l’UBB. »