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Jimmy est sur le qui-vive. Le samedi 7 octobre, ce secouriste bénévole était l’un des premiers à arriver sur les lieux de l’attaque du Hamas. Ce jeudi 19 juin, il s’est de nouveau mis en ordre de marche lorsque les sirènes ont retenti à Holon, ville située au sud de Tel-Aviv. « Lorsque les sirènes retentissent, les premiers intervenant doivent monter dans leurs véhicules et attendre que les appels du centre de contrôle commencent à arriver », explique-t-il à Euronews.

« Alors que nous nous dirigions vers le site touché, j’ai réalisé que nous approchions de mon immeuble. Lorsque nous sommes arrivés, j’ai réalisé qu’effectivement, c’était mon immeuble qui avait été détruit par un missile », raconte cet arabo-israélien de 36 ans, qui a grandi en Jordanie et à Jérusalem-Est.

Jimmy avait emménagé la veille, son ancien appartement, dans lequel il vivant depuis quatre ans à Revohot, ayant été détruit par un missile iranien en début de semaine. « Tous les vêtements sont détruits, tout comme les quelques meubles qu’il me restait. »

« J’ai vu beaucoup de choses ces dernières années », explique celui qui a appris à « déconnecter » ses sentiments, « car sinon je resterais assis à pleurer devant cette guerre sans fin ».

« Le plus dur pour moi, c’est que j’ai un fils de huit mois que je n’ai pas vu depuis des mois, parce que ma femme et lui sont à Eilat, dans le sud d’Israël, où ils sont beaucoup plus en sécurité qu’ici », poursuit celui qui dirige une entreprise de livraison. « Le fait est que je dois continuer à travailler quand je le peux, et j’ai aussi l’impression qu’on a besoin de moi en tant que volontaire. »

« Je ne crois pas que ce que fait le gouvernement soit juste »

Bien que l’État hébreu soit en état d’alerte depuis mercredi, près d’une semaine après son offensive surprise sur l’Iran, les restrictions imposées aux civils ont été assouplies et les activités professionnelles ont pu reprendre.

Cependant, la vie quotidienne n’a pas totalement repris. Les écoles sont toujours fermées et les rues restent vides. Pour de nombreux Israéliens, il est de plus en plus difficile d’élever des enfants. « Je ne serais pas aussi inquiète si je ne l’avais pas », a reconnu Emma, une Américaine de 30 ans.

« Nous n’avons pas d’abri anti-bombes dans notre immeuble parce que nous vivons dans un quartier arabe et que mon mari est arabo-israélien. Beaucoup des appartements abordables en Israël ne sont pas équipés, alors la nuit, nous prenons notre bébé et allons dormir chez ma belle-mère », a expliqué celle qui vit à Jaffa, dans le sud Tel-Aviv, avec son mari et leur fils de 10 mois.

Pour elle, si son pays est dans cette situation, c’est de la faute du gouvernement. « J’ai la conscience plus tranquille que la plupart des Israéliens, parce que je ne crois pas que ce que fait le gouvernement soit juste. Je comprends donc pourquoi nous sommes dans cette position », assure la mère de famille.

« Je me sens incompris »

Nizan a la chance de pouvoir se réfugier dans un abri quand les sirènes retentissent. Cet entrepreneur de 34 ans, qui attend son premier enfant, réside habituellement à Tel-Aviv, mais a décidé de déménager à Haïfa, dans le nord du pays, depuis le début des frappes israéliennes en Iran.

« Les bruits que nous entendons depuis l’abri sont très différents de ceux que nous entendons lorsqu’il s’agit de missiles tirés par le Hamas ou le Hezbollah. Même avec le Dôme de fer, on a l’impression qu’un camion passe dans un tunnel juste au-dessus de nos têtes », assure-t-il.

« Si vous êtes à l’extérieur, les instructions sont de vous allonger sur le sol avec les mains au-dessus de la tête, mais je ne pense pas que cela serve à grand-chose », lâche Nizan, qui roulait vers Haïfa lors de la première attaque iranienne. « Nous avons vu le ciel s’illuminer », poursuit-il. « Nous ne savions pas s’il fallait s’arrêter, parce qu’il y avait des alarmes dans tout le pays et que nous ne savions pas si la zone dans laquelle nous nous trouvions était concernée. Nous ne savions pas s’il était plus sûr de continuer à rouler ou de s’arrêter sur le bord de la route », ajoute Nizan.

Comme beaucoup, Nizan craint désormais les missiles. Sortir dans la rue ou faire ses courses est devenu anxiogène. Et pour cause : quelque 24 Israéliens ont été tués et 2 400 autres ont été blessés par des tirs de missiles iraniens au cours de la première semaine du conflit, selon les autorités israéliennes. En Iran, au moins 657 personnes ont été tuées par les frappes israéliennes, affirment des groupes de défense des droits iraniens.

Alors situation exceptionnelle oblige : Nizan gère désormais son équipe, composée de douze personnes, à distance. « Tous les matins, je reçois des appels inquiets de mes collègues, qui me disent qu’ils ont des enfants, qu’ils ont peur à cause d’un missile ou d’autre chose, qu’ils ont du mal à se concentrer », souffle le chef d’entreprise.

« Je me sens incompris par les gens qui vivent en Europe. Israël a intensifié le conflit parce que l’Iran a déclaré à plusieurs reprises qu’ils voulaient effacer Israël de la surface de la Terre », conclut Nizan.

« Les gens souffrent tellement »

Un sentiment d’épuisement partagé par beaucoup. Oriella, 59 ans, est enseignante à Tel-Aviv. « Il n’y a plus de nuit. Votre tête est remplie d’inquiétudes et d’insécurités, parce que vous êtes mentalement épuisé, parce que nous sommes en guerre depuis des années », assure-t-elle.

« Dans mon immeuble, il y a un abri. Les gens discutent, mais ils n’ont pas vraiment envie de parler. Ils sont fatigués d’avoir à converser au milieu de la nuit, ils veulent dormir », poursuit-elle, décrivant les enfants qui sont « soit en train de discuter, soit en train de pleurer ».

« Je n’aime pas les guerres, je crois aux solutions diplomatiques, je pense que c’est ce que nous devrions faire avec l’Iran. Les gens souffrent tellement et pour quoi faire ? Pour avoir des guerres encore, et encore, et encore », soupire Oriella.

Zohran, 35 ans, vit à Tel Aviv et travaille dans le secteur de la nuit. Mais depuis quelques jours, il se retrouve au chômage technique. Il attend désormais de savoir s’il recevra une compensation financière de la part du gouvernement. « Je dirais que je suis habitué à ce que ma vie soit suspendue », a-t-il déclaré.

« Le fait de ne pas avoir d’abri dans son immeuble est un souci majeur », reconnaît-il, expliquant se réfugier dans un parking souterrain se trouvant à deux minutes de son appartement. « Je vais m’y réfugier avec beaucoup d’autres personnes. »

« Bien que je sois un fervent opposant à Benjamin Netanyahu, la plupart d’entre nous sommes avec le gouvernement. Il s’agit d’une guerre contre un pays dont les dirigeants disent vouloir nous détruire », conclut Zohran.