Djésia Arnone est responsable de la recherche fondamentale MICI, comme la maladie de Crohn par exemple, pour l’IHU Infiny – CHRU de Nancy, au sein du Labo NGERE, Nutrition Génétique Exposition aux Risques Environnementaux. Ce dernier est une unité mixte de recherche INSERM/UL. L’équipe de Djésia Arnone est composée d’une postdoctorante, deux ingénieures et trois étudiantes en thèse, une sur les microplastiques, une sur les PFAS et une sur la modélisation in vitro des MICI.

Djésia Arnone est titulaire d’une thèse de pharmacie sur l’influence de régimes hypercaloriques sur l’inflammation intestinale et une thèse de science qui s’est focalisée sur le sucre, dirigées par Laurent Peyrin-Biroulet.

Vous étudiez le MICI depuis longtemps, que cherchez-vous ?

« Nous cherchons à comprendre les mécanismes qui amènent à la maladie pour les prévenir. On ne soigne pas les MICI, elles sont incurables, mais on les prend en charge pour réduire les symptômes pour une meilleure qualité de vie. L’idée est de prévenir l’inflammation pour qu’elle ne se déclenche pas. Mais pour le moment, on ne sait pas quand elle arrive ».

À quoi sont dues les MICI ?

« C’est un ensemble de facteurs : le stress, le mode de vie, les pollutions environnementales, les plastiques, les PFAS, les additifs alimentaires comme les émulsifiants. C’est une maladie de pays riches, ça n’existe pas en Afrique. Pour l’heure, on observe et on associe, par exemple, l’allaitement maternel qui réduit le risque de MICI, comme l’activité physique ».

Y a-t-il tout de même des recommandations nutritionnelles ?

« Oui, elles datent de 2020. Il faut consommer davantage de fruits et légumes, de poissons riches en oméga 3 et moins de viande rouge. Il faut aussi éliminer les aliments très transformés ».

Comment voyez-vous les solutions dans l’avenir ?

« Sans doute avec un test du microbiote intestinal. En le séquençant, on pourra dire si le patient est sensible à tel ou tel produit. Il y a encore plein de choses qu’on ne maîtrise pas. Il y a un écosystème à l’intérieur de notre intestin et il y a des conséquences qu’on n’avait pas imaginées sur certains organes. La dysbiose, le déséquilibre quantitatif ou qualitatif du microbiote, a un impact sur le cerveau, l’autisme, la maladie de Parkinson, Alzheimer, la peau, l’humeur… Mais est-ce la maladie qui provoque la dysbiose ou est-ce la dysbiose qui provoque la maladie ? Un peu des deux sans doute ».

Les MICI touchent-elles beaucoup de personnes en France ?

« Il y a 300.000 patients en France et il y a un pic de détection avant l’âge de 18 ans. Les cas pédiatriques sont plus sévères avec des retards de croissance ».

Vous étudiez aussi l’effet des microplastiques ?

« Je me suis longtemps intéressée à l’alimentation ultratransformée et à la notion de contenants. Donc, est-ce que les microplastiques auraient un impact sur la santé ? Il y a eu beaucoup d’articles sur la santé des animaux qui ont ingéré des microplastiques et comme on consomme ces animaux… Un récent article chinois montre que les patients MICI ont plus de microplastiques dans leur intestin que les patients sains et ce ne sont pas les mêmes polymères chez les patients MICI. Est-ce pour cela qu’ils ont développé la maladie ? Y en a-t-il un en particulier : polystyrène, PVC… ? C’est sans doute un cocktail ».

Il faut donc se passer du plastique ?

« Je n’ai pas dit qu’il ne fallait plus de plastique. Le but n’est pas de faire de l’antitout. C’est une question d’équilibre. Par exemple, tout ce qu’on passe au micro-ondes, on élimine, c’est là que le contenant plastique rejette le plus ».

Vétérinaire, pharmacie, recherche et enseignement

Djésia Arnone a grandi en Lorraine. Elle se destinait à faire des études de vétérinaire, mais s’est finalement dirigée vers la pharmacie par « passion pour l’enseignement et la recherche ». Le Dr Arnone a, en effet, enseigné « pendant mes études de ma 2e année de thèse ». Elle est même qualifiée maître de conférences.

Sa thèse de science a été financée par la Fondation pour la recherche médicale (FRM) et tout récemment, 600 000 euros de cofinancement FRM « a été obtenu pour l’IHU », confie-t-elle. Un financement « pour le projet FoodHabits, qui vise à évaluer les profils socio-économiques des patients au regard de leurs habitudes alimentaires ».