Les Vérificateurs lancent une série autour des plus folles rumeurs de l’Histoire.L’objectif : rétablir la vérité historique en partenariat avec l’essayiste Philippe Valode et son ouvrage « Les Grandes rumeurs de l’Histoire ».Épisode n°4 : la prétendue existence du cabinet érotique de Catherine II, impératrice de Russie.

Suivez la couverture complète

L’info passée au crible des Vérificateurs

La figure de Catherine II et son règne à la fin du XVIIIe siècle ont laissé une marque indélébile dans l’Histoire russe. Mais souvent, l’impératrice était présentée comme libertine, voire collectionneuse de meubles érotiques. C’est ainsi qu’une rumeur est née : celle de l’existence d’un cabinet secret, installé au sein du palais de Gatchina, à côté de Saint-Pétersbourg, et dans lequel Catherine La Grande recevait ses amants en toute discrétion. 

« Un inventaire daté de 1939 »

Il faut remonter à 1941 pour aller aux origines de la légende. Cette année-là, l’opération Barbarossa prend forme (nouvelle fenêtre) : les soldats nazis attaquent l’URSS et occupent plusieurs palais impériaux. Deux officiers de la Wehrmacht mettent la main sur des pièces de la collection royale, et notamment un fauteuil et un guéridon aux détails plus que suggestifs. 

Des clichés du mobilier se retrouvent alors aux archives, comme on peut le voir ci-dessous. Les vrais meubles, eux, ont depuis disparu et ont été détruits en 1950 sous ordre de Staline. Dans son livre Les Grandes rumeurs de l’Histoire (nouvelle fenêtre), publié aux éditions Opportun, l’historien Philippe Valode revient sur les traces laissées par ce fameux cabinet érotique : « Il existe un album de photos du mobilier avec un inventaire daté de 1939. Mais les meubles eux-mêmes ont tous disparu. »

Des archives du mobilier érotique attribué à Catherine II de Russie. Ici un fauteuil et un guéridon.Des archives du mobilier érotique attribué à Catherine II de Russie. Ici un fauteuil et un guéridon. – DR

La rumeur est propagée depuis l’Allemagne, visant à dénigrer Catherine II, qui régna sans partage sur la Russie de 1762 à 1796. Avec une vingtaine d’amants et un mobilier érotique à son actif, l’impératrice de Russie serait tout simplement nymphomane. C’est sans compter le peuple russe, qui réussit à s’approprier la légende et à glorifier leur régente. « Pour les Russes, c’est une rumeur positive qui démontre la vigueur de l’impératrice », estime ainsi Philippe Valode auprès de TF1. « C’est sain que l’impératrice de toutes les Russies soit en bonne santé parce qu’elle a un tel travail à accomplir (…) que je dirais que c’est une bonne rumeur. » 

Un style anachronique

Reste que la légende pourrait être montée de toutes pièces. Des historiens se sont penchés sur le mobilier érotique et en ont relevé l’anachronisme. Par exemple, le spécialiste des arts décoratifs russes Emmanuel Ducamp affirme que le style correspond plutôt à de l’art nouveau, datant du XIXe siècle… soit plus de cent ans après le règne de Catherine La Grande. L’historien s’interroge dans la revue Connaissance des Arts (nouvelle fenêtre) : « Et si ces pièces étaient russes, mais pas de l’époque de Catherine II ? On ne parle jamais d’Alexandre II, qui vivait à Tsarskoie Selo, dans l’aile Zoubov du palais où le cabinet érotique est supposé avoir existé ».

En 2011, la manufacture française Henryot & Cie s’est lancée dans le projet de reproduire à l'identique des pièces du cabinet érotique attribué à Catherine la Grande. En 2011, la manufacture française Henryot & Cie s’est lancée dans le projet de reproduire à l’identique des pièces du cabinet érotique attribué à Catherine la Grande. – Henryot & Cie

Cela étant, ces meubles érotiques continuent de nourrir des fantasmes. Deux pièces inspirées de ce cabinet attribué à Catherine II ont même fait l’objet en 2011 d’une reproduction à l’identique par une manufacture française. Interrogé par TF1info, Henryot & Cie défend « une démonstration de savoir-faire » et indique être allé exposer le fameux fauteuil jusqu’en Russie. Une pièce qui reste à ce jour la plus chère de son catalogue, juste derrière le lit de reproduction de Marie-Antoinette. 

La semaine prochaine, retrouvez notre cinquième épisode des « Grandes rumeurs de l’Histoire », consacré à Roger Salengro, premier homme politique français à être tué par les fausses informations. Et si vous souhaitez que nous parlions d’une rumeur historique, écrivez-nous à l’adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur X : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.

Caroline QUEVRAIN