Par

Anne-Sophie Hourdeaux

Publié le

21 juin 2025 à 9h14

Porteur de handicap et artiste, c’est rare. Jusqu’au 27 juin 2025, Cliff Chan expose dans son atelier à Lille (Nord). Vidéos, peintures avec les roues de son fauteuil, objets médicaux détournés : il interroge sur la beauté dans une expo très intimiste. Il veut montrer qu’on peut être en fauteuil et être artiste !

Découvrez les œuvres incroyables de Cliff Chan à Lille

Artiste professionnel depuis 2018, Cliff Chan, 32 ans, utilise plusieurs outils artistiques : vidéo, photo, toiles et même objets. Plasticien, il a une particularité qui s’exprime dans son art : il est porteur de handicap. Ce qui donne un univers personnel très fort. Une mise à nu qui devient démarche artistique, qui montre que la faiblesse assumée peut être une force.

C’est d’abord par la photographie qu’il a débuté son parcours, en section photo-vidéo à l’institut Saint-Luc de Tournai en Belgique. « Une passion qui est devenue démarche artistique » dit-il. Puis, il se met à la peinture avant de diversifier les supports artistiques. Il a déjà exposé plusieurs fois à Lille, Croix, Paris, et a même participé à une résidence d’artiste à la Pouponnière à Lille.

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Cliff Chan utilise plusieurs médias artistiques : ici des peintures au mur ; et sur un socle un os en céramique, cassé puis recollé avec une préparation en poudre d’or, la technique japonaise dite « Kintsugi ». ©Anne-Sophie Hourdeaux/Croix du Nord

Sa nouvelle exposition est au « Feu Foyer » du 20 au 27 juin 2025. La salle n’est pas très grande, mais elle a du sens pour Cliff Chan : vous découvrirez pendant quelques jours ses œuvres dans son lieu même de création, à Lille. Ce sont une quinzaine d’œuvres qui sont proposées, et elles sont très variées. Et elles interpellent. Au mur, des toiles colorées avec des lignes courbes : « Il s’agit de traces de mon fauteuil roulant ! J’installe la toile au sol et je roule dans la peinture ».

Un pot de fleurs, un os, des radios

Une plante intrigue : elle ne fait pas partie de la déco, mais elle est une œuvre d’art à part entière, « j’ai utilisé un corset médical en plastique pour en faire un pot ! ».

Sur un socle, on trouve même un os, avec des fils d’or. « C’est un fémur moulé en céramique, que j’ai cassé puis recollé avec de la poudre d’or, c’est une technique japonaise dite kintsugi ». Une manière de montrer que de la fragilité peut naître la beauté.

La dorure révèle la faiblesse et la rend belle, sans la cacher. C’est un chemin de résilience et une invitation à cultiver sa singularité.

Cliff Chan, artiste plasticien

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Un corset médical détourné en pot de fleurs. ©Anne-Sophie Hourdeaux/Croix du Nord

Autre détournement d’objet : des radios médicales collées au mur pour représenter un grand personnage. « Ce sont mes propres radios ! J’en ai un dossier complet. Il y a une qui a été prise un jour après ma naissance ».

Deux vidéos présentent aussi des morceaux de vie de l’artiste, avec le témoignage de sa maman, et ses radios tremblotantes au vent.

Interroger le handicap

Cette exposition est donc très intimiste. « Pendant longtemps, j’ai rejeté mon identité d’handicapé. Mais je me suis rendu compte que c’était ma singularité, qui consistait ma vision du monde ». Il décide donc d’explorer cette particularité dans son travail artistique, « qui est une introspection ».

J’interroge la notion de corps, de beauté. Je veux inscrire le handicap dans un autre cadre que cela médical. On peut trouver une forme de beauté dans ce côté disgracieux. Avec ce travail, j’ai envie que les gens y trouvent de la résilience, de l’espoir.

D’ailleurs, son exposition a ce titre choc : « Ecce Monstro ». « Le monstre au Moyen Âge il a une fonction sociale, il montre la différence, avec ce mouvement fascination, répulsion. Il est aussi sorte de miracle. Monstrare en latin, c’est montrer. Je montre cette différence ».

Aider d’autres artistes handicapés

Il ne veut pas forcément « être un modèle », mais il sait que son histoire peut en inspirer d’autres. « Si je peux aider à ce que d’autres personnes porteuses de handicap se projettent artistes, c’est important. Je cherche à mettre en place des ressources pour de futurs artistes qui ont cette particularité, notamment un label d’accessibilité artistique, j’y travaille avec la Malterie et l’Institut pour la photographie. Car répondre à un appel à projet pour une résidence d’artistes pour un handicapé, c’est très difficile car on ne sait pas si le lieu sera accessible… »

Lui-même tire sa force « du soutien de mon entourage, de mon optimisme, je suis un battant ! »

Il remarque que les artistes porteurs de handicap sont très rares. « En art contemporain, beaucoup de choses sont possibles. J’ai des limites physiques et techniques, mais je m’adapte, c’est mon langage artistique. La singularité doit être cultivée ». Son message aux jeunes handicapés intéressés par le monde artistique ? « C’est à soi-même de créer son chemin ».

Au « Feu Foyer », 33 rue Christophe Colomb à Lille. Ouvert du 21 au 27 juin 2025 : mardi 24, mercredi 25, jeudi 26, samedi 28 de 13 h à 17 h, vendredi 27 de 16 h à 22 h, fermé dimanche 22 et lundi 23. Vendredi 27 juin : le dernier jour de l’exposition sera festif, avec de 16 h à 22 h, flash day tattoo par Olyvona et Klaeg, DJ set avec Onziememois et petite restauration vegan avec Superdaddycooks. Infos : cliffchan.fr

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