Par
Cédric Nithard
Publié le
21 juin 2025 à 16h31
Ce lundi 23 juin, les Écologistes à Montpellier espèrent franchir une étape importante vers les municipales. Leur assemblée générale doit adopter une motion et une liste avec un objectif : se mettre en ordre de marche. Loin d’être une évidence chez des Verts tiraillés entre différents courants, position vis-à-vis de la majorité, alliances potentielles et surtout constats sur la ville. De quoi, presque, donner l’impression que plusieurs partis cohabitent en un.
De trois motions à deux
À Montpellier, la vie des Verts n’est pas un long fleuve tranquille. Elle s’apparente plutôt à une rivière sauvage propice à pratiquer le rafting. À neuf mois des municipales, c’est déjà une première cascade d’un niveau élevé qui se présente devant eux avec le même enjeu que lors de la préparation des précédentes. Avec l’assemblée général de lundi, une nouvelle fois le rassemblement est espéré par les, entre 400 et 500, militants appelés à voter pour la motion dont le texte orientera la stratégie des municipales.
En janvier, les Écologistes avaient déjà élu leur comité d’animation parmi les trois motions, « Rassembler » portée par Jean-Louis Roumégas et Coralie Mantion arrivée en tête (47%, 5 sièges), suivie de « Faire ensemble » portée par Marie Massart et Stéphane Jouault (31%, 3 sièges) et « Montpellier collectif » portée par Julia Mignacca (21%, 2 sièges) donnant ainsi une tendance des forces en présence. Pour cette AG, il n’y en aura finalement que deux, laissant peu de doutes quant au résultat, après que Julia Mignacca se soit entendue avec Jean-Louis Roumégas. Le député défend ainsi « une stratégie de rassemblement écologiste, sociale et citoyen pour créer une alternative à la majorité actuelle basée sur un projet cohérent » quand sa camarade complète : « On s’est mis d’accord sur une ligne politique. Si on souhaite faire l’unité, c’est important de le faire à l’intérieur. L’enjeu de cette AG est de se mettre en ordre de marche pour pouvoir mener des échanges avec d’autres potentiels partenaires politiques pour créer un large rassemblement à gauche et municipaliste ».
Un problème de calendrier
La ligne est différente du côté de la motion portée par Marie Massart, présente dans la majorité municipale. « C’est une question de méthode et de timing. C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé notre secrétaire nationale Marine Tondelier. D’abord on travaille sur le projet, on discute, on fixe une stratégie et on passe à l’incarnation. Là, on n’a même pas fait le bilan du mandat. Nous l’avons fait mais ils ont refusé de le faire avec nous alors qu’ils n’ont pas l’ombre d’un projet ou d’une méthode. On trouve que c’est vraiment beaucoup trop tôt. C’est quelque chose imposée à marche forcée ». Pour autant, celle-ci assure : « On va jouer le jeu de l’AG parce qu’on est dans le parti mais ce n’est pas comme ça qu’il faut s’y prendre. Il faudrait d’abord savoir ce que l’on veut, ce que l’on met en avant, discuter avec toutes les composantes de la gauche et ensuite prendre une décision pour des alliances de premier tour ».
Jean-Louis Roumégas ne partage pas cette vision du calendrier. « On est à neuf mois des municipales. Il ne va rien se passer durant l’été et cela va attaquer à la rentrée. Notre idée est de rassembler plus largement. Nous voulons créer une dynamique collective, donc il faut déjà se mettre en ordre de marche chez les écolos quelque soient les sensibilités pour ensuite pouvoir rassembler et discuter avec d’autres. Cela va aller très vite ». Et encore plus pour le député si une dissolution de l’Assemblée survenait d’ici là.
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Au-delà de la méthode, ce qui serait un moindre mal pour les écologistes s’il n’y avait que cela, il existe une vraie fracture entre les deux motions sur fond d’entente avec le PS et de participation à la majorité municipale quand certains en sont partis. « La fracture est là depuis un moment et le mandat a été compliqué. Des accords électoraux et des élus n’ont pas été respectés dans la pratique de l’exercice du pouvoir. Cela nous semble très clair qu’il faut proposer autre chose. Sur notre courant, partir avec Michaël Delafosse n’est pas envisageable » juge Julia Mignacca dont la motion tire à boulets rouges sur la majorité municipale dont font partis les écologistes de la motion adverse.
Des critiques que n’admet pas Marie Massart. « C’est plus que des critiques. Si c’étaient des critiques constructives, on les accepte, rien n’est parfait. Mais là, c’est vraiment caricaturale et démagogique. C’est même à la limite du populisme que de simplifier les choses à outrance en disant que la majorité est écocide et productiviste. Où sont les nuances ? Trump, il est quoi alors ? Dire que l’on est antisociale et anti-écologiste, c’est d’une violence extrême et c’est faux. Nous on travaille sur le fond du projet et nous sommes extrêmement fiers de ce que nous avons fait au sein de la majorité. Bien sûr qu’il y a encore des choses à faire et que tout n’a pas été parfait mais, globalement, pour nous la direction est bonne » objecte la déléguée municipale à la politique alimentaire et à l’agriculture urbaine qui met en avant « la préservation de 20ha au coteau de Malbosc, la révolution des mobilités, le travail sur l’alimentation, la végétalisation des cours d’école… c’est incroyable tout ce que l’on a fait durant le mandat. Il n’y a jamais eu de politiques publiques écologiques aussi fortes et aussi fortement portées à Montpellier. Les électeurs voient que cela va dans le bon sens comme avec la place des Arceaux, un super symbole de ce que l’on veut faire où 140 arbres sont plantés. Ce n’est pas en étant dans l’opposition que l’on agit, c’est en étant dans la majorité ».
L’entente malgré les différences ?
Outre l’argumentaire déployé par chaque motion, la différence semble se cristalliser autour de Michaël Delafosse pour les uns et La France Insoumise pour les autres. Pointée du doigt pour pousser les écologistes dans les bras de ces derniers, Julia Mignacca défend: « Ce que nous avons dit depuis le début ce n’était pas LFI à tout prix, c’est que nous voulions, dans la perspective de se renforcer et de proposer autre chose à Montpellier, la plus large alliance possible à gauche de l’aile droite du PS en place aujourd’hui. Évidemment, nous étions pour une alliance avec LFI, mais pas que, et sur une base programmatique ». Jean-Louis Roumégas est pour l’heure plus mesuré : « En l’état du débat et vu leurs positions, c’est peu probable qu’il y ait un accord avec LFI parce qu’on veut un projet cohérent. On part du principe que pour gagner une élection, il faut bien se rassembler et il faut être cohérent sur le projet ». De l’autre côté, Marie Massart plaide : « Nous ne sommes pas du tout fermés à LFI. C’est le Nouveau Front Populaire en fait. Cela fait 23 ans que je fais des campagnes, j’ai traversé des déserts, et celle-là a été incroyable. Les gens avaient l’espoir que la gauche pouvait enfin s’entendre et travailler ensemble. Se taper dessus sur des choses caricaturales et démagogiques cela n’est pas à la hauteur des enjeux. Ce serait trop dommage de partir séparés et de se taper dessus les uns sur les autres alors que nos ennemis ne sont pas à gauche ».
Alors une entente est-elle quand même encore possible entre les motions ? Les deux semblent vouloir y croire. « J’imagine que oui cela dépendra, à la fois de ce que les adhérents choisissent, et, aux autres, de leur capacité à revenir sur des choses sur lesquelles ils se sont engagés. C’est encore possible, on verra la ligne qui est choisie et chacun prendra ses dispositions en fonction de ça » confie Julia Mignacca désormais en position de force. En face, on est forcément plus amer même si rien ne semble inéluctable. « Il y a des divergences de fond qui ne sont pas si importantes que cela. Je trouve que c’est plus une question de posture. On est aux responsabilités, dans la majorité, on agit avec les contraintes que nous avons. Nous ne faisons pas exactement ce que l’on veut car il ne suffit pas de claquer des doigts pour mettre en oeuvre des politiques publiques. Et c’est finalement plus facile d’être dans une posture d’opposants et critiquer en commentant » regrette tout de même Marie Massart. Gommer les différences pour s’entendre sur une orientation stratégique ne sera pas le seul obstacle de la soirée. Ce serait là aussi trop simple.
Une liste, deux points de vue
Une fois la motion stratégique d’orientation adoptée, les adhérents choisiront entre deux listes proposées par ces mêmes motions. Le gagnant devant franchir 50% et un système de proportionnelle permettra ensuite de répartir les places. Pour la motion « Rassembler pour une alternative écologiste, sociale et citoyenne », Jean-Louis Roumégas sera tête de liste, suivi de Julia Mignacca, Nordine Maktoubi et Coralie Mantion. Des positions, soumises ensuite au jeu des alliances et complétées également par des personnalités de la société civile non adhérentes au parti à l’instar de François Vasquez dont il serait étonnant au final de ne pas voir figurer en bonne place, vu sa voix contre le CSR aujourd’hui défendu par l’Insoumis René Revol. « Quand on discutera du rassemblement avec les autres forces politiques, on discutera de tout, de toute la liste et de la proposition de tête de liste commune. L’idée importante de notre motion ce n’est pas les Verts qui ouvrent leur liste, l’idée est de créer une vraie dynamique de rassemblement » argumente Jean-Louis Roumégas qui espère toutefois dans neuf mois porter le fer au nom des écologistes. « Cette liste désigne les douze premiers écologistes et, si on arrive à composer avec d’autres forces politiques, ce qui est notre souhait, cette liste sera enrichie par ces partenaires. Après, y compris la tête de liste, tout est ouvert à discussion » nuance Julia Mignacca.
Là encore, selon Marie Massart, ce n’est pas le bon moment. « Pour nous, ce n’est pas du tout la liste définitive, c’est une liste qui va oeuvrer à travailler sur la suite et rencontrer les différents partis. De notre point de vue, c’est trop tôt pour fusionner les listes de deux motions » explique-t-elle. Sa motion a tout de même présenté une liste de seulement cinq noms, conduite par Guilhem Vern, collaborateur des élus de la majorité qui eux n’y apparaissent pas. Si certains évoquent un contentieux administratif portant sur le reversement des élus au parti, Marie Massart balaye les accusations. « À plusieurs reprises, nous avons demandé à être remis à jour et on nous a annulé trois rendez-vous. C’est vraiment une question de méthode et de timing. Se mettre aujourd’hui sur une liste, alors que nous n’avons aucun projet, avec des gens qui critiquent la majorité alors qu’on est encore dedans, c’est trop tôt ». Sa motion devrait d’ailleurs, en réunissant 30% des militants, obtenir la tenue d’une nouvelle AG en septembre afin de travailler un projet et un accord à gauche tandis que la motion adverse en envisage une en octobre pour compléter la liste en fonction des discussions menées. Des discussions menées localement car mieux vaut ne pas évoquer d’éventuels accords entre les partis au niveau national…
Les graines de la discorde
Rien n’est donc simple et cela se corse d’autant plus si l’on ajoute l’histoire des écologistes. La motion conduite par Marie Massart a l’avantage d’être uni quand celle de Jean-Louis Roumégas agrège le courant de Julia Mignacca, celui de Nordine Maktoubi et les anciens élus de la majorité. Le passé montre que travailler avec le PS n’est pas impossible pour Jean-Louis Roumégas qui fut allié à Georges Frêche de 2001 à 2008 même si la relation a été conflictuelle jusqu’à la rupture avant de revenir, par l’intermédiaire de Mustapha Madjoul, avec Jean-Pierre Moure en 2013. Son accord avec Julia Mignacca semble aujourd’hui lui interdire toute option avec Michaël Delafosse, qu’il ne se prive d’ailleurs pas de critiquer et ne qualifie pas de « maire écologiste ». Mais en politique tout est possible. La preuve ? L’ancien vice-président à la métropole délégué à la gestion des déchets François Vasquez, opposant historique à l’usine de méthanisation Ametyst que poussait les écologistes dont Jean-Louis Roumégas, se retrouvent aujourd’hui à ses côtés.
Julia Mignacca porte par ailleurs un intérêt au mouvement Cause Commune, émanation du mouvement Nous Sommes dont est issue Alenka Doulain, aujourd’hui à LFI et qui porte le même intérêt à la démarche. « Dans notre courant, ce qui nous intéresse, d’autant plus à une échelle locale comme la municipalité, c’est l’implication des habitants et des citoyens, dans le choix des politiques publiques. Cause Commune participe de ça notamment dans les quartiers populaires, c’est à dire des personnes qui ne sont plutôt oubliées des politiques publiques et plutôt invisibilisées dans l’espace public, en voulant leur redonner toute leur place. Je trouve que c’est une très belle initiative pour mobiliser les habitants et les impliquer dans les municipales ». De là à être soupçonnée, comme pourrait l’être Alenka Doulain au sein de LFI, de courir la même course dans deux couloirs différents ? « Non parce que c’est le même objectif. Les gens préfèrent parfois une porte d’entrée à la politique qu’une autre. Je pense que notre enjeu, et encore plus en tant que responsable politique, c’est de faire des ponts et de permettre à ces gens de se rassembler autour d’un objectif commun. Et, à mon avis, cet objectif commun on l’a » plaide-t-elle.
Écolos rassemblement ?
Quant à la motion « Écologistes pour Montpellier, l’écologie des solutions », sur laquelle l’ombre de Manu Reynaud, dans l’attente d’une décision juridique quant à sa réintégration, plane toujours avec le PS jamais très loin, son bilan et sa position dans la majorité, qui expliquerait aussi la logique de ne pas apparaître sur une liste interne avec une tête de liste, pourrait induire de se ranger d’ores et déjà derrière Michaël Delafosse. Et donc d’oeuvrer à cela. « Nous n’avons pas de position par rapport à cela. On pense que cela se passe plutôt bien et que c’est une option envisageable. Aujourd’hui, rien n’est fait. En tout cas, nous ne nous positionnerons pas contre Michaël Delafosse » rejette Marie Massart. Regrettant que « la situation actuelle affaiblisse l’écologie politique », cette dernière affirme que, quels que soient les résultats de l’AG, « il n’est pas question pour nous de quitter le parti. Notre option est l’alliance de la gauche, sans exclusion aucune, avec la majorité, quitte à l’élargir ». Encore faudra-t-il que le patron de cette majorité accepte… Dans la logique de soutien au sortant comme c’est généralement le cas, Michaël Delafosse il serait étonnant de le voir ouvrir les bras à certains… Alors les Écologistes sont-ils une composante d’une équation à trois inconnus avec le PS et LFI ou sont-ils coincés entre Charybde en Scylla au grès des uns et des autres ?
C’est donc une nouvelle fois un sacré défi qu’abordent les écologistes montpelliérains qui vont tenter de faire du carrefour de leurs courants, un rond-point fédérateur… dont il y a fort à parier qu’il se transforme en trois fois une voie. Une ironie quand on milite, pour une fois ensemble, contre les projets routiers. Et ce n’est pas le seul sujet sur lesquels ils se retrouvent s’il concède à un constat objectif. Comme quoi, les écologistes peuvent encore se retrouver alors pourquoi pas pour la bataille finale. Avec qui la mener c’est une autre question qu’ils ont choisi d’aborder avant le reste. Les résultats sont attendus mardi matin avec l’espoir de proclamer « Écolos rassemblement ! ». À eux de faire mentir le passé… Dernier élément enfin, il ne devrait pas y avoir d’intervention de Paris qui préfère laisser la main aux militants locaux. Du moins, pour cette AG. Suivant la situation dans quelques mois, comme cela avait été le cas lors des précédentes municipales, il serait étonnant que des cadres ne s’en mêlent pas. Vu l’éternel capharnaüm à Montpellier, et ce n’est pas propre aux écolos, faut-il qu’ils en aient encore envie…
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