Le 25 juin aura lieu, comme chaque année, la draft de la NBA. Cérémonie charnière du basketball américain, elle verra 60 des meilleurs espoirs mondiaux être affectés dans les clubs de la ligue américaine et (peut-être) évoluer dans le championnat le plus prestigieux. Parmi eux figure Joan Beringer, jeune prodige strasbourgeois, et l’histoire qui l’a amené là est déjà hors norme.
Le 25 juin prochain, sur la scène du Barclays Center à Brooklyn, ils seront 30 à avoir le privilège d’être sélectionnés au premier tour de la draft (puis 30 au second tour), grand-messe du basketball américain.
Ce soir-là, serrer la main d’Adam Silver, le big boss de la NBA, devant plusieurs millions de téléspectateurs/rices, c’est avoir l’opportunité d’intégrer le plus grand championnat de basketball au monde et marcher dans les pas des plus grands.
1. Adam Silver. © Eric Holcomb – domaine public / Photo d’illustration ; 2. © Jimmy Lao – Pexels / Photo d’illustration
Comme chaque année, les meilleur(e)s analystes s’en sont donné à cœur joie pour nous livrer leurs pronostics les plus aiguisés, au travers de ce que l’on nomme les « mock draft ». Et il se trouve que parmi les favoris pour le premier tour, il y a un Strasbourgeois.
« Il jouait plutôt au basket pour déconner »
Ce qui fait la magie de cette histoire, c’est que Joan Beringer s’inscrit pour la première fois dans un club de basket il y a seulement un peu plus de trois ans.
Lors de ses années au collège Kléber, Joan fait la rencontre d’Ulysse. Dans leur classe, pas mal d’élèves jouent au basket. Alors, lorsqu’ils ont des trous dans leur emploi du temps, ils en profitent pour mettre des paniers. Ulysse se souvient : « Joan nous suivait, sauf qu’il était focus sur le foot. Il jouait plutôt au basket pour déconner, il n’était pas très bon au début. »
Ulysse et Joan se sont rencontrés au collège. 1. © Saint-Joseph Basket / Document remis ; 2. © Ulysse Salanon / Document remis
Sauf qu’un détail vestimentaire vient corser les choses : Joan fait plus de deux mètres et, forcément, il a les pieds qui vont avec. C’est là que le bât blesse : trouver des crampons en taille 51, ce n’est pas une mince affaire. En fait, la production s’arrête à 50,5.
Alors Joan abandonne le football. Fervent catholique, il fait la rencontre d’un homme, à l’église, qui lui conseille de tenter sa chance au basket, du fait de sa taille impressionnante.
© Nicolas Kaspar / Pokaa
C’est son ami Ulysse, licencié à Saint-Joseph Strasbourg – Saint-Jo pour les intimes – à l’Esplanade, qui lui donne le contact de Lilian, son entraineur de basket. Puis il l’amène aux entrainements.
« On a un phénomène »
Lilian Oumiloud entraîne alors l’équipe des cadets – dont les joueurs sont âgés de 15 à 17 ans. Il se souvient de la fois où il a vu arriver ce grand gaillard qui n’avait jamais joué sérieusement de sa vie : « Moi je l’ai pris avant tout parce qu’il faisait deux mètres cinq, je ne pouvais pas lui dire rentre chez toi. » Il faut alors tout lui apprendre, comme on le fait avec les plus petit(e)s.
Lilian garde en tête les premiers pas de Joan dans le gymnase Louvois, à l’Esplanade : « De temps en temps, lorsqu’il faisait les entrainements individuels avec moi, il allait sur les côtés avec les poussins. Donc il était là, deux mètres cinq, et faisait les mêmes exercices à côté des poussins qui faisaient un mètre. C’était marrant, tout le monde le regardait. »
© Saint-Joseph Basket / Documents remis
J’ai bossé avec lui comme un débutant : les mêmes entrainements que les poussins qui ont 8-10 ans, donc les fondamentaux, les dribbles etc.
Lilian Oumiloud, entraineur à Saint-Joseph Strasbourg
Si ce genre de situation a pu faire sourire, c’est sa progression fulgurante que retient l’entraineur : très vite, l’adolescent montre des capacités suffisantes pour jouer avec les cadets du club à un niveau régional. « Il progressait tellement vite qu’on a ensuite appelé la SIG et on leur a dit : on a un phénomène. Prenez-le, il n’a plus rien à faire chez nous. »
Moins d’un an après avoir vraiment touché un ballon de basket pour la première fois, Joan Beringer intègre alors la SIG. Il joue à un niveau national, ça y est : la machine est lancée.
© Compte X de Cedevita Olimpija / Capture d’écran
Tout s’accélère : l’année suivante, le jeune joueur strasbourgeois signe en pro et s’envole pour la Slovénie où il rejoint le Cedevita Olimpija à Ljubljana. Là-bas, il évolue sous la direction de Mitrovic, entraineur de réputation internationale, reconnu pour son exigence.
Tandis qu’il ne doit intégrer que l’équipe de réserve, ses performances impressionnantes lui offrent une titularisation en quatre mois seulement. Deux ans après Saint-Jo, il brille en Ligue Adriatique et en Eurocup. En 2024, il intègre l’équipe de France en championnat d’Europe.
Tout ce petit chemin nous amène au printemps 2025. Joan Beringer prend la décision qui pourrait bouleverser son destin et annonce son inscription à la draft de la NBA. On est à peine un peu plus de trois ans après l’histoire des crampons trop petits.
© Compte X de Cedevita Olimpija / Captures d’écran
La Cedevita Olimpija évoluant en ABA League. © Marko Stanojević – Licence CC / Photo d’illustration
Dans les pas des géants
Chaque année, les analystes les plus redoutables décortiquent les performances de chacun des joueurs inscrits pour livrer des prévisions généralement fiables. Selon toutes les tendances, les pronostics sont clairs : Joan Beringer se verra drafté au premier tour… et ça, ça va bouleverser sa carrière.
Être drafté, c’est marcher dans les pas de Tony Parker – pris par les San Antonio Spurs en 2001 ; c’est suivre Nicolas Batum, Evan Fournier, Rudy Gobert ou plus récemment Victor Wembanyama au panthéon des joueurs français qui ont fait vibrer les stades américains.
En 2017 déjà, tout Strasbourg était derrière Frank Ntilikina, drafté en 8e position par les New York Knicks. Et celui qui s’est depuis imposé comme un symbole de réussite pour les jeunes basketteurs/ses français(es) a aussi mis ses premiers paniers dans cette petite salle au fin fond du quartier de l’Esplanade, à Saint-Joseph.
Petit club familial et d’esprit formateur, Saint-Joseph est « le seul club en Alsace, voire en France, qui peut dire qu’en moins de dix ans il a envoyé deux joueurs en NBA, même les clubs pro ne peuvent pas dire ça », revendique Lilian Oumiloud avec une fierté non dissimulée.
Lui a déjà prévu de passer la nuit du 25 juin prochain sur son canapé pour suivre la probable consécration de son ancien joueur, fierté du club et de la capitale alsacienne. Tout comme Ulysse, qui suivra la cérémonie à distance, car la NBA a restreint les invitations à la famille proche, apparemment à la suite des nouvelles réformes… d’un certain Trump.
On a hâte de connaître le prochain chapitre de cette belle aventure !
© Corleone Brown – Pexels / Photo d’illustration