Un tirage record pour Franck Thilliez. À l’occasion de la sortie d’À retardement, le dernier roman de Franck Thilliez, sa maison d’édition a imprimé 200 000 exemplaires. Le maître du thriller français captive toujours ses lecteurs avec les enquêtes du commandant Sharko et de son équipe.

Comme souvent chez Thilliez, l’intrigue soulève des questions de société. Ici, il est notamment question de schizophrénie et de santé mentale. Un roman psychologique aussi efficace que passionnant, mené d’une main de maître. Avant de rencontrer ses lecteurs à Toulon et Cagnes-sur-Mer le week-end prochain, l’auteur nous livre ses secrets d’écriture.

Vous êtes encore sur les routes pour rencontrer vos lecteurs. Ce sont des moments que vous privilégiez ?

Ça fait presque 20 ans que j’écris, et dès le début, je suis toujours allé à leur rencontre. C’est un moment de libération, car le livre est terminé et appartient désormais au public.

C’est aussi l’occasion de remercier les lecteurs de leur fidélité, de discuter avec eux. J’accorde beaucoup d’importance à leurs retours. Ils sont directs : certaines choses leur plaisent, d’autres moins. Cela peut m’aider dans l’écriture de mes futurs romans.

Existe-t-il toujours une forme d’appréhension au moment de « lâcher » le livre aux lecteurs ?

L’attente est toujours plus grande. Les lecteurs attendent aussi le suivant. Alors, j’ai cette volonté de les surprendre, et surtout que le livre leur plaise. Il faut avant tout raconter une bonne histoire, et qu’elle soit à la hauteur. Pour À Retardement, j’étais assez confiant : il y a pas mal de choses qui fonctionnent…

La schizophrénie est au cœur de votre livre. C’est visiblement un sujet que vous aviez en tête depuis longtemps…

Les maladies mentales et la psychiatrie sont des sujets qui m’intéressent depuis longtemps. J’écris des romans policiers, il y a des crimes, donc des gens qui passent à l’acte. Pourquoi le font-ils ? Pourquoi basculent-ils ?

J’essaie de comprendre ce qui se passe dans leur tête. Là, je voulais traiter la psychiatrie comme un sujet de fond. Je connaissais l’existence des UMD (unités pour malades difficiles), ce sont des lieux qui m’interpellaient, car très inquiétants. Je savais que si je mettais cela au cœur de mon roman, les gens seraient intéressés. J’ai eu l’occasion de visiter une UMD, et cela a été le déclencheur du livre.

Être confronté à la réalité a-t-il changé votre perception de la maladie ?

On a souvent une image très sombre de ces établissements. Dans certains reportages, on nous montre des lieux d’enfermement, de violence, de folie pure, où l’on enferme des « monstres ».

Mais la réalité est très différente. Il y a beaucoup d’humanité. Ce sont des personnes qui souffrent, qui n’ont pas choisi d’être malades.

Personne ne veut avoir un cerveau dysfonctionnel. Ces gens souffrent, et on essaie de les soigner, de les aider à aller un peu mieux. Ils ne sont pas abandonnés, c’est ce que j’ai voulu transmettre dans le livre. Aujourd’hui, on essaie de dédiaboliser les images que l’on a des malades mentaux, de la psychiatrie, de la schizophrénie. Beaucoup de personnes ont peur, pensent que tous les schizophrènes sont dangereux, alors qu’en réalité, moins de 1 % le sont.

Vous posez également une question de société avec le sujet de l’irresponsabilité pénale…

Il y a toujours de l’incompréhension lorsque des crimes terribles sont commis, que l’on attrape le coupable, et qu’il est finalement déclaré irresponsable. Les gens ne comprennent pas, ils veulent un procès, que la personne paie sa dette – ce qui est normal.

On peut penser qu’être interné est plus simple que la prison, mais la psychiatrie est très contraignante et difficile. C’est un double enfermement : physique et psychique, avec les traitements. Les patients n’ont aucune perspective, ils ignorent quand ils sortiront. Il y a beaucoup de souffrance. Je voulais prendre le temps d’expliquer cela dans le livre.

La santé mentale est au cœur du livre, au-delà de la schizophrénie, avec des moments difficiles pour Sharko mais aussi pour son adjoint Nicolas…

Quand je choisis un thème, j’essaie qu’il soit omniprésent. Sharko est particulièrement touché, car il a lui-même souffert de troubles mentaux dans le passé, avec des visions…

Nicolas, lui, est atteint d’un syndrome de stress post-traumatique. C’est aussi ce qui fait que les lecteurs s’attachent à ces personnages : ils ont des failles, des problèmes à surmonter. C’est pour cela que lire des polars nous fait du bien. Les gens se rendent compte qu’ils ne sont pas seuls à avoir des soucis – et parfois, en comparant avec ceux des personnages, on relativise !

Vendredi 20 juin à 18 h 30 à la Librairie Charlemagne de Toulon.

Samedi 21 juin de 10 h à 12 h à la librairie La Pléiade à Cagnes-sur-Mer.

Un thriller sans Sharko en préparation

Si la série de romans consacrée au commandant Sharko et à son équipe passionne les lecteurs de Franck Thilliez, l’auteur aime aussi prendre des respirations et explorer d’autres territoires. Il y a les bandes dessinées (notamment La Brigade des cauchemars), mais aussi des romans qu’il qualifie de one-shots, autrement dit des récits autonomes, sans suite. « C’est une vraie liberté. Je suis heureux de pouvoir faire cela depuis le début.

L’histoire avec Sharko implique des contraintes, un schéma narratif à respecter, qui peut devenir assez répétitif, même si les intrigues changent à chaque fois. Les autres romans sont une bouffée d’oxygène : je peux écrire à l’époque que je veux, dans l’environnement que je choisis… et surtout, cela permet à Sharko et à son équipe de se reposer ! Je ne me vois pas repartir sur une enquête avec eux sans avoir laissé passer un peu de temps. Quand j’y reviens, c’est avec envie. »

Actuellement, l’auteur travaille justement sur un nouveau one-shot, dont l’intrigue devrait à nouveau provoquer quelques nuits blanches chez ses lecteurs. « Le thème tourne autour des traumatismes et de la mémoire. Il y a un peu de somnambulisme, des personnages manipulés… On reste dans la veine du thriller, avec un personnage central pris dans une mécanique effrayante  », promet Franck Thilliez.

« Norferville » adapté en sériepar Zabou Breitman

Franck Thilliez voit régulièrement les droits de ses romans achetés pour des adaptations au cinéma ou à la télévision (La Chambre des morts, Syndrome E, Puzzle…). Norferville, paru en 2024, va ainsi être adapté en série, avec Zabou Breitman à la réalisation.

«C’est en cours, ce sera une production franco-québécoise. C’est toujours très long, mais cela promet d’être une belle série. Ils prévoient de tourner dans le Nord canadien, avec des décors incroyables et cette ambiance nordique, froide», précise-t-il.

S’il a lui-même écrit des scénarios, Thilliez confie préférer aujourd’hui laisser la main. «Je suis toujours très heureux à chaque adaptation : cela fait vivre l’histoire différemment. J’ai aimé écrire des scénarios, j’y ai pris du plaisir, mais il y a aussi beaucoup de contraintes… et ça m’a un peu lassé.»