La conseillère municipale d’opposition (ex-RN) Isabelle Surply a déposé trois plaintes depuis septembre – et menaçait en mai d’une 4e – contre l’exécutif municipal de Saint-Chamond. Elle assure que depuis le début du mandat, la majorité serait derrière environ 300 000 € – « au moins » – de factures injustifiées allant jusqu’à parler d’un véritable « système mafieux »… Hier, le maire Axel Dugua, estimant qu’une ligne rouge avait été franchie vis-à-vis de la diffusion de ce qu’il qualifie de « purs mensonges » à basses visées politiques, a annoncé qu’il portait plainte à son tour. Lui et deux conseillers délégués pour diffamation et dénonciation calomnieuse. 

L’entrée de l’Hôtel-de-Ville de Saint-Chamond. ©If Media / Xavier Alix

Accusatrice ou accusés par celle-ci : à ce stade, aucun n’a de nouvelles de la procureure de la République nous indiquent en cette fin de semaine les deux « parties », le parquet stéphanois ayant été sollicité en septembre dernier par Isabelle Surply. « Nous sommes sereins et à la disposition de la Justice », commentait à ce sujet Axel Dugua. Et si la Police Judiciaire a fait irruption surprise jeudi 12 juin à sa mairie, « cela n’a rien à voir », affirme-t-il avec les accusations réitérées à plusieurs reprises auprès de la presse et relayées régulièrement sur les réseaux sociaux par la conseillère municipale d’opposition d’extrême droite (ex-RN). La venue de la police le 12 juin s’inscrit « dans le cadre de vérifications engagées à la suite du rapport établi par la Chambre régionale des comptes, portant sur les heures supplémentaires effectuées par certains agents municipaux », assurait le jour même un communiqué.

« Une dizaine d’agents sur un effectif de 800 agents employés. La Ville réitère sa pleine confiance en l’intégrité de ses agents et la sincérité du comptable public. Les services administratifs coopèrent pleinement avec les autorités judiciaires et mettent à leur disposition l’ensemble des éléments et documents requis afin de permettre le bon déroulement des investigations. Conformément à ses engagements en matière de transparence, la Ville de Saint-Chamond tient à informer sereinement les habitants de cette démarche de contrôle. Il s’agit d’une procédure classique de vérification, dont la municipalité suit l’évolution avec responsabilité et sérénité. » Isabelle Surply, elle aussi, reste droite dans ses bottes. Depuis 2023, la conseillère municipale d’opposition pointe ce qu’elle a d’abord estimé être des petits arrangements, des utilisations d’argent public suspectes (avec les vœux puis une fête privée interne à la majorité mais dans les murs de la mairie) mais relativement mineures mâtinées d’incompétences.

Les graves accusations d’Isabelle Surply

Le ton et le niveau d’accusation se sont ensuite fortement amplifiés, en particulier devant la presse en octobre avant, le mois dernier, de lui exprimer carrément sa conviction que la majorité était dans la pratique d’un « système mafieux », utilisant l’argent public couramiaud pour des achats abusifs ne relevant pas de l’intérêt général ainsi qu’alimenter en marchés publics des commerces, un restaurant, des concessions automobiles appartenant chacun à des conjoints, sinon à des proches d’adjoints. Cela pour un total désormais de 300 000 € depuis 2020. « Au moins », précise-t-elle puisqu’Isabelle Surply dit continuer à chercher et suspecter avantage. A la base de ses déclarations, le fait d’avoir, assure-t-elle scrupuleusement épluché et de continuer à éplucher des milliers de documents comptables maladroitement écrits selon elle puisque démontrant des illégalités flagrantes. Documents, précise-t-elle très difficilement obtenus auprès de la mairie à la suite de ses premiers soupçons, jusqu’à passer par la Cada.

De quoi la pousser à se constituer partie civile et cumuler trois plaintes distinctes (pour détournement de fonds publics et de prise illégale d’intérêts) déposées auprès du parquet. Une 4e serait dans les tuyaux pour « corruption d’élus ». La réaction de la mairie, sans doute calibrée dans un premier temps par l’idée de ne pas donner la réplique et ainsi contribuer au feuilleton, donc de minimiser l’accusation et sa publicité, avait fermement démenti mais seulement via un communiqué plutôt laconique cet automne. Et alors sans suite juridique. RAS ou presque après la seconde salve médiatique de mai. Seulement sur le coup car la donne vient juste de changer : après réflexion avec « ses conseils », l’exécutif municipal saint-chamonais a organisé hier une conférence de presse pour annoncer que le maire et deux conseillers délégués – Florence Vanelle et Raphaël Bernou – dernièrement mis en cause allaient porter plainte à leur tour.

« Un tissu de mensonges complet »

Individuellement et non collectivement « selon les avis de nos avocats après réflexion », nous précise le maire Axel Dugua. Lui et ses deux adjoints porteront ainsi plainte dans les jours qui viennent contre Isabelle Surply pour « diffamation publique aggravée », doublé, pour les deux seuls adjoints, d’autres  plaintes pour « dénonciation calomnieuse au sens de l’article 226-10 du code pénal, susceptible d’une condamnation de 5 ans de prisons et de 45 000 € d’amende ». Cela, au titre de leurs fonctions d’élus. Ce qui fera, du coup, l’objet d’une demande de protection fonctionnelle – des frais de Justice pris en charge par la mairie – à voter au prochain conseil municipal. Sur le fond, Axel Dugua dénonce « un tissu de mensonges complet », justement mis en évidence par les documents transmis eux-mêmes parfaitement dans la régularité, dit-il, assurant que tout ce qui relevait des appels d’offre, des marchés publics était conformes et qu’aucun favoritisme ne guidait la moindre des dépenses publiques communales.

Saint-Chamond est un terrain de jeu pour Mme Surply qui porte plainte comme on va faire les courses.

Axel Dugua, maire de Saint-Chamond

« Les appels d’offre ont leurs résultats. Des entreprises de Saint-Chamond les obtiennent ou pas. Et hors de ce cadre, quand il faut faire travailler des commerces de la commune, nous faisons bien sûr attention à faire travailler tout le monde. » Sur la forme, c’est sur un ton marqué de colère froide qu’Axel Dugua a longuement pointé ce qu’il considère comme une ignoble manipulation : « Saint-Chamond est un terrain de jeu pour Mme Surply qui porte plainte comme on va faire les courses. Elle applique là les méthodes de caniveau de Reconquête (elle a un temps été proche de ce parti, Ndlr). Il s’agit juste de faire le buzz, semer la zizanie, le discrédit, pourrir le climat pour des visées politiques, sûrement pas au bénéfice de Saint-Chamonais avec qui elle n’habite pas. Le soir, ensuite, sans s’occuper des politiques publiques que nous menons, elle rentre dans sa villa lyonnaise… » Les propos tenus face à la presse le mois dernier et une ardente activité sur les réseaux sociaux où son nom et celui des adjoints l’ont fait franchir une « ligne rouge ».

Un impact sur les familles des mis en cause

« Moi, j’ai décidé d’être maire de cette ville et je le suis bien sûr à plein temps. Alors, c’est très dur d’être attaquer sur sa probité, d’être interpellé à un dîner de familles parce que quelqu’un vous traite de mafieux. Mais je dois être en mesure de faire face, de digérer ça psychologiquement même si ce n’est pas évident. C’est beaucoup plus dur pour des conseillers, investis, en plus de leur travail, dans la vie publique, au service de cette vie publique, donc des Saint-Chamonais pour quelques centaines d’euros par mois, de voir leur nom trainé dans la boue : pour eux et leurs familles, dur de retrouver votre enfant en pleurs parce que sur TikTok Isabelle Surply vous accuse injustement de corruption ! Ils sont très, très touchés et c’est dégueulasse. Cela a assez duré, ça suffit ! On a pas voulu agir de suite, on n’a peut-être eu tort. Mais le déclic, là, c’est l’impact sur les familles. » Axel Dugua insiste sur le fait d’être parfaitement serein si une enquête venait à être déclenchée.

Ces plaintes m’arrangent en fait, elles vont peut-être permettre d’accélérer les choses.

Isabelle Surply, conseillère municipale d’opposition (ex RN)

Sereine, Isabelle Surply, contactée dans la foulée de la conférence de presse du maire, affirme l’être aussi et ne change pas un mot de sa version. « Cette réaction est un contre-feu. Comme par hasard, juste non pas une mais deux perquisitions (une seconde sur le matériel informatique aurait eu lieu mardi dit-elle ; la mairie confirme une « suite » pour récupérer des disques durs, mais pas une autre perquisition Ndlr), comme ils ne l’ont pas précisé, dans les locaux de la mairie. Ils disent que cela n’a rien à voir, que c’est à la suite du rapport de la CRC ? A voir oui… Je n’infirme ni ne confirme. Si cela est vrai, en tout cas, ils viennent au moins de violer le secret de l’instruction sur donc, une – autre – affaire. Ils sont clairement dans la panique continuent à s’enfermer dans le mensonge. » Avant de carrément conclure : « Ces plaintes m’arrangent en fait, elles vont peut-être permettre d’accélérer les choses. Pas de nouvelles de la procureure, non mais la Justice est forcément lente avec un cas comme celui-ci. Regardez Perdriau. »

Le maire de Saint-Etienne et d’autres protagonistes avait cependant été placé en garde-à-vue trois semaines après la publication de Mediapart et la plainte de Gilles Artigues. Il est vrai, aussi, pour des accusations d’un degré supérieur où le détournement présumé d’argent public ne serait alors qu’un « outil ». Mais aussi avec une foule d’éléments clé en main rapidement fournis par des acteurs de l’affaire…