Par

Louise Boutard

Publié le

22 juin 2025 à 18h48

1 personne sur 200 est touchée par cette maladie et pourtant, elle reste très peu connue. Les tremblements essentiels ont été mis en lumière par la chanteuse Clara Luciani qui a évoqué être concernée, lors d’une interview pour Konbini le 14 mai 2025. Mais en quoi consiste précisément ce trouble ? Sandrine Cochennec s’est faite opérer deux fois à Rouen (Seine-Maritime) car ses tremblements devenaient trop invasifs. Elle nous a raconté.

« On disait que c’était de la nervosité »

Pour Sandrine Cochennec, les tremblements essentiels ont commencé vers l’âge de 11 ans. « Avec la puberté. C’était visible, mais pas dérangeant. Ma maman devait avoir cette maladie parce qu’elle tremblait, mais elle n’a jamais été diagnostiquée. On disait que c’était de la nervosité », explique cette habitante de Vexin-sur-Epte (Eure), de 59 ans.

Pendant de nombreuses années, Sandrine tremblait des deux mains, sans savoir pourquoi. « C’était ma particularité », raconte-t-elle. « On pense que vous êtes droguée, alcoolique. On me disait en rigolant : tu n’as pas ta dose. »

Vers l’âge de 30 ans, elle tombe sur la description des tremblements essentiels. Il s’agit d’une maladie neurologique dégénérative. « Sur internet, j’ai rejoint un groupe très intéressant. À la moindre crainte, aussitôt, on a une réponse avec des témoignages. »

Le groupe a été créé par l’APTES (association des personnes concernées par le tremblement essentiel), qui a pour objectif d’écouter et de conseiller les patients. « On parle souvent avec des personnes en errance de diagnostic, car même certains neurologues ne connaissent pas la maladie, témoigne la Rouennaise Annie Le Brun, présidente de l’association. Et puis il y a les parents de jeunes enfants, qui se sentent démunis quand on leur annonce que c’est une maladie dégénérative. C’est-à-dire que cela peut être stable pendant des années, mais ça ne va pas s’arranger. »

Les tremblements ont une image très négative dans la société, les gens demandent si c’est lié à l’alcool, si on a peur. Ca crée un risque de repli sur soi, certains patients ont peur d’aller au restaurant, ou même de tenir un verre en public. Je me souviens d’un homme qui m’a raconté qu’il avait très peur du moment où il devrait passer la bague au doigt de sa femme pour son mariage. Ce sont beaucoup de gestes de la vie courante qui deviennent compliqués.

Annie Le Brun
Présidente APTES

« C’est une maladie très peu connue, mais elle touche environ 300 000 personnes en France, bien plus que Parkinson, dont 30 000 sous une forme handicapante, explique Annie Le Brun. La majorité des patients ont plus de 50 ans ».

« Que faire quand on ne peut faire de ses mains ? »

En 2016, c’est un drame qui fait évoluer les tremblements de Sandrine Cochennec avec la mort de son petit-fils, à 14 ans, dans un accident de la route. Elle voit ses tremblements empirer d’un seul coup. « Là, c’est devenu invalidant. Surtout la main gauche. »

Des tremblements très fluctuants

Les tremblements essentiels touchent le plus souvent les mains, mais aussi parfois la tête, la voix ou les jambes ; autant chez les hommes que les femmes. Ils arrivent à l’effort et s’aggravent lors d’émotions fortes, en cas de fatigue, pendant les règles, ou encore avec la prise d’antidépresseurs. « Ils sont très fluctuants », explique Annie Le Brun.

Les tremblements essentiels sont dus à un dysfonctionnement du cervelet qui envoie de mauvaises informations au cerveau. Il existe plusieurs traitements : le plus courant est de prendre chaque jour des bêta-bloquants. Il existe également des électrodes à placer dans le cerveau pour une stimulation cérébrale profonde, c’est la solution choisie par Sandrine Cochennec. Enfin, un nouveau traitement propose des ultrasons focalisés de haute intensité (HIFUT) pour supprimer une partie du thalamus responsable des TE. En France, on ne peut uniquement réaliser cette opération à Paris.

Une fois prête à travailler à nouveau, elle réalise qu’il lui sera impossible de reprendre son travail de poissonnière. Comme 25 % des personnes atteintes de TE, elle envisage la reconversion professionnelle. « J’ai été commerçante pendant 35 ans, c’est comme si on était tout le temps en spectacle. C’était ingérable. Mais je ne voyais pas vers quoi me tourner : que faire quand on ne peut faire de ses mains ? ».

« J’avais plus peur de mes tremblements que de l’opération »

On lui propose alors une opération qui consiste à installer un système de régulation des tremblements directement sur le cerveau.

J’en avais entendu parler, mais cela me faisait peur car c’est une opération longue sans anesthésie. Finalement, le neurologue m’a convaincue que j’avais plus peur des tremblements que de l’opération. Eplucher les légumes, tenir un verre d’eau : à ce moment-là tout était très complexe.

Sandrine Cochennec

Sandrine est dirigée vers le CHU de Rouen. En février 2024, elle est opérée pour la main gauche. L’opération dure huit heures, dont une seule avec anesthésie. « Mais on ne voit pas le temps passer. Quand on ne vous stimule pas, c’est un confort absolu. J’étais sur un matelas d’eau chaude. Ils ne m’ont pas rasé la tête, seulement un carré, je n’ai pas eu de souci esthétique après l’opération, précise Sandrine. J’ai quand même eu 50 agrafes sur la tête ».

Les tremblements essentiels sont mal connus mais touchent une personne sur 200
Les tremblements essentiels sont mal connus mais touchent une personne sur 200 (©Infographie Fanny Mayoussier/APTES)

À la suite de l’opération, elle constate aussitôt les effets sur ses tremblements. Après trois mois, elle va ajuster les réglages auprès de son neurologue. « C’est lui qui a accès, il préfère que je ne me soucie pas de ça. »

À peine un an plus tard, c’est au tour de la seconde opération, pour la main droite cette fois. « C’était encore plus confort », dit-elle. Les deux opérations ont été remboursées par l’assurance et la Sécurité sociale. « Je n’ai pas versé un centime », assure Sandrine Cochennec.

Ni ses deux filles, ni ses petits-fils ne semblent concernés par les tremblements essentiels qui se transmettent par hérédité dans 50 % des cas.

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