L’année dernière, en juin 2024, le président de la République décidait de dissoudre l’Assemblée nationale. Avec les conséquences que l’on observe depuis. Vous avez décidé de vous retirer au soir du premier tour. Êtes-vous toujours en colère et blessée ?
J’ai perdu, emportée par un tsunami RN, même si je recueille 4000 de voix de plus qu’en 2022. Ma blessure pour Marseille ne s’est pas refermée, il va falloir un peu de temps, je crois que c’est assez normal en réalité. Plus globalement, la dissolution a généré beaucoup plus de troubles, de brouilles et de brouillard sur la vie politique que l’ambition de clarification voulue par le chef de l’État. Un an plus tard, les Français n’ont d’ailleurs toujours pas compris le message de la dissolution et les réelles intentions d’Emmanuel Macron. Les électeurs les plus durs contre cette décision sont ceux du camp de la majorité, ils ne nous pardonnent toujours pas cette dissolution.
En voulez-vous au président de la République ?
Ce n’est pas le sujet, et ce n’est pas mon caractère, je serai toujours aux côtés du président de la République ! J’ai répété que je n’étais pas d’accord avec cette décision, je savais bien que les Français confirmeraient leur choix des européennes, nous allions donc perdre les législatives anticipées. Mais qu’aurait donné la dissolution en septembre après une motion de censure ? Dans le Sud, la conséquence a été directe, Renaissance a été rayée de la carte.
L’effacement de votre parti est-il à vos yeux définitif ?
Je ne le crois pas. Si je compare avec la dissolution de 1997, où la droite s’était retrouvée avec une quarantaine de députés, nous n’avons pas connu ce même phénomène l’année dernière. Le bloc central a plutôt bien tenu ses bases. D’ailleurs, nous n’avons pas tous été éliminés dès le premier tour, nous nous sommes désistés pour assurer le front républicain. Notre électorat n’a d’ailleurs pas toujours compris que nous nous retirions.
Est-ce à dire que le macronisme n’a plus de raison d’être deux ans avant la présidentielle de 2027 ?
Absolument pas. Il y a toujours un désir que le macronisme continue à être incarné et soit le terreau du président de la République. Pour quelles raisons des gens de la société civile se sont engagés aux côtés d’Emmanuel Macron, comme moi dès 2016 ? Pour essayer de dépasser les clivages et les désaccords, pour travailler avec toutes les forces politiques sur des projets qui ont du sens pour les Français. C’est le cas encore, et ça le sera demain.
« Parce que j’observe que tout le monde est en train de perdre sa boussole, j’appelle au retour de ce qui a fait l’engagement en 2017 autour du candidat Macron »
Parlons de ceux qui l’ont incarné et l’incarnent encore. Lorsque vous entendez Gabriel Attal sur le voile, lorsque vous observez les positions de Renaissance sur Israël, qui sont flottantes, dites-vous qu’il y a encore une place pour la gauche dans ce mouvement ?
J’ai salué Gabriel Attal lorsqu’il a interdit l’abaya dans les établissements scolaires, mais annoncer que l’on allait interdire le voile dans l’espace public était une bêtise, une vraie bêtise. Qu’allions-nous sérieusement faire ? Mesurer la taille des voiles, mettre en prison les parents dont les enfants se sont radicalisés ? Et ensuite, allions-nous mesurer les kippas et les croix dans l’espace public. C’est une idée inapplicable et contre nos valeurs, et ce sur quoi la France s’est construite, la laïcité. Parce que j’observe que tout le monde est en train de perdre sa boussole, j’appelle au retour de ce qui a fait l’engagement en 2017 autour du candidat Macron. C’était justement d’avoir les idées claires.
François Bayrou est censé porter ce macronisme de 2017, le Premier ministre est un soutien de la première heure. Est-il à la bonne place ?
Je demande un joker ! Dans un moment où l’on a besoin de clarté, de direction, d’affirmation, de solidité et de rassemblement, le chef du gouvernement doit tenir ses troupes. Vous ne pouvez pas avoir des ministres qui sortent de la ligne en permanence et brouillent le message global. Nous assistons à beaucoup trop d’initiatives personnelles qui affaiblissent la politique gouvernementale, et la France dans sa globalité. Les Français les regardent, nous regardent, ils attendent autre chose. Je refuse de participer à cette vaste hypocrisie. On a le droit de critiquer Emmanuel Macron, mais pas de le lâcher à un moment où notre pays a besoin de stabilité et de clarté.
Après votre défaite aux législatives, vous avez déclaré « être en instance de divorce » avec la ville. Fin mai, vous postez une photo de vous sur les réseaux sociaux légendée « Marseille, I’ll be back » (« je serai de retour », NDLR). Vous entrez dans une phase de réconciliation avant les municipales ?
Dans la vie, quand on a beaucoup donné, beaucoup fait, on a le droit d’être blessé. J’ai dit que j’étais en instance de divorce avec Marseille car j’ai été blessée de voir la ville qui s’est construite sur l’immigration basculée au Rassemblement national pendant les législatives de 2024. Et je ne regrette pas mes propos. La résilience est passée par une remise en question. Qu’est-ce que je n’ai pas fait ? Qu’aurais-je dû faire ? Qu’est-ce qu’on m’a dit que je n’aurais pas compris ? Qu’est-ce que je peux faire de mieux que ce que j’ai déjà fait ? Avec qui ? Comment ? Est-ce qu’on parle vraiment de renouvellement ? Je pense qu’il est temps que la classe politique marseillaise se renouvelle. Il y a besoin de nouvelles têtes, de reconstruire quelque chose. C’est ce qui explique aussi beaucoup ces votes aux extrêmes. Mais moi, je vois Marseille à 2050. Je ne regarde pas quelle place je vais pouvoir avoir en 2026.
Pour 2026, Renaud Muselier, qui a été désigné par votre parti Renaissance pour établir une stratégie, prône une union de la droite, disons de Valérie Boyer (LR) aux écologistes raisonnables. Y croyez-vous ?
Je ne me suis pas engagée auprès du président de la République pour me ranger aux côtés de ceux qui nous tapent dessus toute la journée. Je parle de la droite de la droite de la droite… de Valérie Boyer. J’ai été claire et je pense que de son côté, elle n’a pas plus envie de se retrouver avec des macronistes. Je signale juste que dans mon secteur – le 11-12 – je fais quasiment 25% aux législatives dans un moment où Renaissance se prend vraiment un vent contraire, pour ne pas dire un mistral du diable. C’est ce qu’incarne le socle Renaissance. Je pense qu’on peut et qu’on doit rassembler mais pas à n’importe quel prix. Les électeurs de Renaissance ne votent pas pour Valérie Boyer.
Et pour Martine Vassal, présidente (DVD) de la Métropole ?
Probablement, mais il y a des préalables. Celui notamment de respecter ce que représente Renaissance à Marseille et ses militants. Il ne s’agit pas de donner un blanc-seing à untel ou untel sans discussion. Dans toute vie politique. Il y a un quelque chose qui s’appelle la négociation et quelque chose aussi qui s’appelle le projet. Martine Vassal ne s’est pas déclarée, cela veut dire qu’elle n’a pas encore fait ce chemin vers la candidature. En 2020, son binôme c’était Frédéric Collart. Même si elle n’a pas pu le désigner comme premier adjoint, c’est ce qui était prévu en cas de victoire. Tout le monde peut se réinventer une vie. Moi, je sais lire la politique.
« J’ai envie de dire aux Marseillais, ‘Marseille, tu l’aimes, Marseille, tu la respectes et donc Marseille, tu l’aides' »
Dans la campagne de 2026, serez-vous actrice ou spectatrice ?
Il va falloir compter avec moi, ça, c’est une certitude. L’extrême droite n’a jamais été aussi forte à Marseille. Je suis conseillère régionale, j’ai été députée, j’ai été ministre. J’ai fait en trois ans ce que les autres font en 40 ans. Il s’avère que c’est mon parcours et que je ne vais pas m’en excuser. Je ne compte pas laisser une voix que je représente et que j’incarne au placard. J’ai toujours été très engagée. J’ai mal au cœur quand je vois qu’à Marseille on a, encore, 40% d’enfants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. J’ai envie de dire aux Marseillais, « Marseille, tu l’aimes Marseille, tu la respectes et donc Marseille, tu l’aides ». Même si on peut nous faire des reproches, ce qui compte quand même, c’est la volonté. C’est un sacerdoce de servir Marseille. Et d’un autre côté, puisqu’on parle du renouvellement, il va falloir regarder ce que la nouvelle génération incarne. On ne fait pas du renouvellement avec des gens qui ont fait 50 ans de politique. On en a besoin mais on a besoin aussi de sang neuf, je pense en particulier à l’engagement de Sandra Blanchard.
Pour Renaud Muselier, le maire sortant (DVG) Benoît Payan est l’adversaire à abattre. Êtes-vous dans le même état d’esprit ?
Je ne veux pas mettre une cible sur quelqu’un et prendre une mitraillette. Je préfère me demander « Qu’est-ce que je peux proposer d’autre de mieux ? ». Ce que je sais, en revanche, c’est que Benoît Payan a montré récemment qu’il faisait la course derrière LFI, et ça va être très difficile pour lui. Pour Samia Ghali (DVG), dans le 15-16, c’est fini. LFI et Sébastien Delogu ont pris toute la place. Pour certains, il incarne ce renouvellement que certains Marseillais ont appelé de leurs vœux. Mais ce n’est pas ça dont Marseille a besoin. Tout le monde n’a pas tout réussi, tout le monde n’a pas tout raté. Expliquer que tout a été gâché, saccagé, ce n’est pas mon truc. Cela voudrait aussi dire attaquer mon propre bilan sur le plan Marseille en grand.
« Plutôt que de faire de la surenchère, je pense qu’il faut retrouver notre boussole, se rassembler et permettre l’apaisement. C’est comme ça que l’on peut battre l’extrême droite. »
Beaucoup estiment que les dossiers n’avancent pas assez vite. Est-ce aussi votre avis ?
Bien sûr que le maire aurait dû aller beaucoup plus vite sur les écoles, que la municipalité n’a pas été à la hauteur sur l’enjeu du logement. Mais pour l’instant, je préfère laisser décanter. Je n’ai pas besoin de mandat pour vivre, je ne veux pas prendre de décision hâtive ou jeter l’opprobre sur untel ou untel. Face à ce qui se passe au Proche-Orient – que ce soit le 7 octobre ou ce qui se passe à Gaza – les Marseillais sont très affectés. Plutôt que de faire de la surenchère, je pense qu’il faut retrouver notre boussole, se rassembler et permettre l’apaisement. C’est comme ça que l’on peut battre l’extrême droite. Pas en balançant du mazout sur tout et en craquant une allumette.