«Ce qui s’est passé en Ukraine et à Mayotte, cela doit être un réveil stratégique dont on doit tirer toutes les conséquences», a d’emblée rappelé le président de la République. Dans ces deux cas, que ce soit pour aider un pays allié en pleine guerre ou une population victime d’une catastrophe naturelle, l’Europe s’était montré incapable d’apporter une solution spatiale, laissant le champ libre à l’américain SpaceX et ses services de télécommunications Starlink.
Quitte également à faire aussi grimacer le patron de l’agence spatiale européenne (ESA), Josef Aschbacher, qui assistait à son discours, le chef de l’Etat n’a pas hésité à souligner les ratés de l’Europe spatiale. Rappelant notamment qu’elle a failli perdre son accès autonome à l’espace, faute de lanceur, et perdu plusieurs batailles comme celle de la réduction des coûts des lanceurs, de la réutilisabilité, du recours à l’innovation privée…
Eutelsat «un trésor stratégique»
Pour rivaliser avec les Etats-Unis, la Chine et la Russie, Emmanuel Macron estime que l’Europe doit tout d’abord doit choisir ses combats. Parmi les priorités : les constellations télécom en orbite basse, le spatial militaire, l’observation et l’exploration spatiales… «Avec Eutelsat et OneWeb, on a le monopole de la constellation ni américaine ni chinoise. C’est un trésor stratégique», estime Emmanuel Macron. Il appelle ainsi les partenaires de la France à participer à l’augmentation massive de capital de l’opérateur, alternative à Starlink, pour accélérer le déploiement des satellites et des infrastructures au sol. La France veut également ouvrir cette constellation à des partenaires non européens de confiance : les Emirats arabes unis, le Canada et l’Inde. Pas seulement en tant que client, mais en véritables partenaires.
La France milite également pour une coopération européenne sur le volet militaire, dans les domaines de la surveillance spatiale, du commandement des opérations, du découragement de l’ennemi… Pour Emmanuel Macron, il faut avant tout changer d’approche. «On est le seul espace à se penser comme un marché et pas comme une puissance, analyse-t-il. La compétition entre Européens, partout dans des secteurs où l’on est en danger, c’est une faute stratégique… C’est une folie.» Pour pallier cela, il indique vouloir faire converger les stratégies spatiales de la France, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de l’Italie.
Cette approche de coopération vaut également pour les industriels, estime le président. Qui se prononce donc en faveur du rapprochement initié par les principaux fabricants européens de satellites, malmenés par la concurrence mondiale. «Le mouvement lancé par Airbus, Thales et Leonardo est essentiel pour construire un champion européen des satellites compétitif. C’est le sens de l’histoire, Ils ont notre plein soutien», bénit-il.
La fin du retour géographique ?
Paris veut aller encore plus loin en matière industrielle et mettre un terme à la règle «mortifère» du retour géographique, mise en place par l’ESA. Celle-ci impose aux maîtres d’oeuvres industriels d’un programme de trouver ses partenaires et sous-traitants dans les différents pays qui financent leur programme et en leur accordant une part de la charge industrielle en proportion du financement de leur pays. Selon Emmanuel Macron, les missiles, les satellites, les éléments des lanceurs doivent traverser cinq ou six fois les frontières du continent quand un SpaceX concentre quasiment toute son activité industrielle en un seul endroit. «On a mis un boulet au pied à Ariane et à MBDA avec le ‘georeturn’», estime-t-il.
Mais il n’y a aura pas de véritables changements sans nouveaux financements à la hauteur. Et là, le bât blesse. Pour son budget spatial, l’Europe dépense 32 euros par habitant par an, contre… 200 euros pour les Américains. Emmanuel Macron appelle donc ses partenaires à augmenter leurs budgets spatiaux. La France mobilisera plusieurs véhicules pour soutenir son industrie et sa recherche spatiales : les lois de programmation de la recherche et militaire, ainsi que les fonds dédiés à l’espace de Bpifrance et de France 2030. Enfin Emmanuel Macron a annoncé un sommet international sur l’Espace en début d’année prochaine à Paris de la même envergure que les manifestations Choose France ou encore le sommet pour l’action sur l’IA.