Par

Ovale Masqué

Publié le

22 juin 2025 à 20h05

Ah, ça fait du bien un peu de sang neuf ! Vendredi dernier, on a enfin pu voir une affiche totalement fraîche en demi-finale de Top 14, avec deux équipes novices à ce stade de la compétition : l’Aviron Bayonnais et Le-Stade-Toulousain-Sans-Antoine-Dupont.

Toulouse – Bayonne : la chronique d’Ovale Masqué

Évidemment, dans ces cas-là, il faut savoir se montrer indulgent sur le niveau de jeu. On sait qu’on ne risque pas d’assister à un sommet de rugby, entre deux adversaires inexpérimentés, pleins d’envie et d’espoirs mais sans doute un peu écrasés par l’enjeu.

Dans la chaleur étouffante de la banlieue lyonnaise (je sais, cette phrase est terrifiante) on a donc assisté à un match un peu haché, et d’un niveau plutôt moyen pour une demi-finale de l’auto-proclamé #MeilleurChampionnatDuMonde. Mais qu’importe ! Ce qu’on a envie de retenir, c’est l’engagement, l’enthousiasme et le courage de ces deux vaillants combattants.

Plus réaliste, c’est le Stade-Toulousain-Sans-Antoine-Dupont qui a réussi à l’emporter et qui va retrouver le Stade de France pour la première fois depuis… 2012 ! Une éternité pour la Ville Rose. Les Rouge et Noir peuvent y croire : cette année là, ils avaient réussi à remporter le Bouclier de Brennus avec Jean-Marc Doussain à la mêlée. Alors clairement tout est possible, même sans Antoine Dupont. 

« Ouais bah comme le rugby à 7, ce sport est totalement chiant quand j’y joue pas »
« Ouais bah comme le rugby à 7, ce sport est totalement chiant quand j’y joue pas » (©Canal +)Le film du match

Dans la vie, il faut savoir se faire plaisir. Alors que le match débute, j’ai une pensée émue pour Eric Bayle, lui le grand supporter de l’Aviron Bayonnais. Alors que son club accède à sa première demi-finale depuis 43 ans, on aurait pu penser que le rédacteur en chef rugby de Canal + aurait décidé de se mettre en retrait et de laisser le micro à un camarade moins impliqué émotionnellement.

Vidéos : en ce moment sur Actu

Et non, BALEK ! Le gars décide de vivre sa meilleure vie et de commenter son équipe favorite à l’antenne, en cachant à peine son parti pris, car après tout pourquoi prendre les gens pour des cons ? Et il a bien raison de le faire si vous voulez mon avis, car s’il faut encore attendre 40 ans pour revoir Bayonne en demi-finale, il ne sera probablement plus là pour se faire kiffer.

Moi, pleurant de joie en apprenant qu'on entendrait plus Bertrand Guillemin de la saison.
Moi, pleurant de joie en apprenant qu’on entendrait plus Bertrand Guillemin de la saison. (©Canal +)

En parlant de kif, quelle joie pour nous tous de retrouver Joris Segonds, alias Yoris le Grandisse, à ce stade de la compétition pour la deuxième année consécutive. Oui, le Stade Français a bien été demi-finaliste du Top 14 l’année dernière. De toutes les choses incroyables et dramatiques qui se passent dans l’actualité mondiale ces derniers temps, cette info est probablement la plus difficile à accepter.

Un autre ancien parisien qui plaque les joueurs adverses comme des sacs de riz : Giovanni Habel-Kouchner.Un autre ancien parisien qui plaque les joueurs adverses comme des sacs de riz : Giovanni Habel-Kouchner. (©Canal +)

Un Yoris qui va rapidement ouvrir le score de cette demi-finale en profitant d’une faute idiote de Joshua Brennan, qui reprend possession du ballon immédiatement après un en-avant de Graou (on peut lui pardonner ce manque de lucidité après 23 secondes de jeu).

Malgré cette entame ratée, les Toulousains prennent les choses en main et décident d’user du jeu au pied pour tester la solidité de Yohan Orabé, titularisé après le forfait de Cheikh Tiberghien, et qui n’avait plus foulé une pelouse depuis 7 mois. Mais le jeune arrière s’en sort très bien sous la pression, ce qui m’empêche de faire des jeux de mots faciles sur son nom de famille. Et c’est sans doute pas plus mal.

Du bon travail d'Orabe.
Du bon travail d’Orabe. (©Canal +)

Les Rouge et Noir vont finir par égaliser grâce à la botte de Thomas Ramos, après avoir glané une pénalité en mêlée. C’est aussi ça la nouveauté que Bayonne nous apporte à ce niveau : permettre à Dorian Aldegheri de dominer ses adversaires. Mais rapidement, Yoris redonne trois points d’avance à son équipe, qui réalise décidément un début de match sérieux. Et si…

Et si le Stade marquait un essai en un clin d’œil ? C’est ça qui est chiant avec ces Toulousains : même quand ils ont l’air prenables, il suffit qu’ils enchaînent trois passes et, sans comprendre comment ni pourquoi, vous les retrouvez en train de pique-niquer dans votre en-but.

Après un ballon capté en touche et une percussion de Chocobares au centre du terrain, Graou donne pour Flament, qui remet astucieusement à l’intérieur pour Mallía. L’Argentin transperce la défense, puis parvient à servir Ntamack en bout de course avec une passe de basketteur. Les Argentins et Ntamack impliqués dans un essai venu de nulle part : c’est le signal, on a retrouvé le Toulouse des phases finales.

Un pur essai Romain Ntamack : avant qu'il marque, on s'était même pas rendu compte qu'il était sur le terrain.
Un pur essai Romain Ntamack : avant qu’il marque, on s’était même pas rendu compte qu’il était sur le terrain. (©Canal +)

10-6 pour les Seulement-19-fois-champions-de-France, qui vont désormais pouvoir faire la course en tête.

Vous reprendrez bien un peu de El Mago Mallia ?
Vous reprendrez bien un peu de El Mago Mallia ? (©Canal +)

Mais derrière eux, il y a quelqu’un qui ne veut rien lâcher : c’est bien évidemment ce brave Yoris, ce joueur qui ne paye pas de mine avec sa tête d’agriculteur de l’Amour est dans le pré et ses cuisses de sprinter du Tour de France. Mais, à l’instar de son modèle Yionel Beauxis, Jorinho le Brésilien possède un pied fatal qui lui permet de renvoyer les Toulousains dans leur camp en trouvant des touches de 118 mètres sur un terrain de 100 mètres.

Dites ce que vous voulez, pour moi c'est plus beau que toutes les chistéras du monde.
Dites ce que vous voulez, pour moi c’est plus beau que toutes les chistéras du monde. (©Canal +)

En plus, ce soir, les Toulousains se montrent particulièrement indisciplinés et commettent des fautes inhabituelles. De quoi donner des munitions au Bombardier B-2 bayonnais. Yoris enchaîne les frappes de missiles et permet aux Bleu et Blanc de coller au score. Alors que l’on dépasse le premier water break (c’est pratique, le rugby sous canicule ça devient du basket), le score est de 13 à 12 en faveur des outsiders toulousains.

Tiens Ramos qui s'embrouille avec un anglais, inattendu...
Tiens Ramos qui s’embrouille avec un anglais, inattendu… (©Canal +)

Mais encore une fois, la spécialité des mangeurs de cassoulet, c’est de vous laisser espérer, mais pas trop. Malgré des maladresses en touche récurrentes sur ce premier acte, les partenaires de Julien Marchand n’ont pas besoin de beaucoup d’occasions pour vous mettre la tête sous l’eau. Après une belle passe en pivot du poison Jack Willis, Ntamack transmet à Barassi, qui réalise une passe dans un timing délicieux pour décaler Ramos. Graou est présent à l’intérieur pour conclure l’action, 20-12.

Deuxième essai, premier Graou.
Deuxième essai, premier Graou. (©Canal +)

Dans les instants qui suivent, les Rouge et Noir remettent leurs adversaires dans le match avec une rareté : François Cros qui fait quelque chose de pas intelligent. Yoris sanctionne, 20-15. On sent tout de même qu’on a pas (encore ?) affaire au Grand Toulouse.

Sur un gros temps fort dans les 22 basques peu avant la pause, les mauvais choix de jeu s’enchaînent, et Paul Graou vient nous offrir un chef d’œuvre final pour nous dire que même s’il met parfois des essais à la Antoine Dupont, il est au mieux un secrétaire général, au pire un standardiste du ministère de l’intérieur.

L'idée était mauvaise, mais l'exécution était encore pire.
L’idée était mauvaise, mais l’exécution était encore pire. (©Canal +)

20-15 à la pause, le pays basque lève les mains. Mais Jack Willis, lui, utilise les siennes dans tous les rucks et permet à Ramos de passer une nouvelle pénalité dès l’entame de la seconde période, 23-15. Les Bayonnais ne sont pas loin, et loin d’être ridicules. Mais il manque cette petite flamme, ce grain de folie qui pourrait faire basculer le match dans l’irrationnel. Comme sur cette occasion d’essai toulousaine où Carreras aurait pu signer le hold-up du siècle en contre, mais son coup de pied à suivre termine en touche.

Y'a des rebonds qui ne marchent que pour Bielle-Biarrey, désolé.
Y’a des rebonds qui ne marchent que pour Bielle-Biarrey, désolé. (©Canal +)

On y croit presque aux alentours de la 50e minute : sur un contre, Maqala, Orabé et Carreras foutent le bordel dans la défense toulousaine et Erbinartegaray (soit ce que vous obtenez si vous demandez à une IA de vous créer le nom le plus basque du monde) s’infiltre dans les 22 mètres. Julien Marchand commet alors une « faute intelligente » mais totalement cynique pour venir tuer une action qui pouvait aboutir à un essai. Il est logiquement sanctionné d’un carton jaune. Yoris prend les points, 23-18.

L'action que les Bayonnais se repasseront en boucle en se disant
L’action que les Bayonnais se repasseront en boucle en se disant « et si ??? ». (©Canal +)

Les Bleu et Blanc tentent d’enflammer le match, et encore une fois, les Toulousains se mettent à la faute. C’est peut-être el famoso Tournant du match ©. Et les Bayonnais l’ont senti : plutôt que de tenter la pénalité de 50m, ils tapent en touche pour aller chercher l’essai. C’est audacieux. Et c’est raté : le ballon est immédiatement perdu.

Anthony Jelonch, tu es un homme très étrange.
Anthony Jelonch, tu es un homme très étrange. (©Canal +)

Derrière, les hommes d’Ugo mola sont impitoyables : Graou joue un petit coup de pied dans le fond du terrain et pousse Orabé à l’erreur. Une double erreur même, puisque l’arrière laisse le demi de mêlée jouer rapidement la touche. La défense bayonnaise panique, et Camille Lopez, qui venait d’entrer, prend à son tour un jaune pour un plaquage en position de hors-jeu.

Les bâtards, ils l'ont obligé à monter les escaliers du stade sous 35 degré.
Les bâtards, ils l’ont obligé à monter les escaliers du stade sous 35 degrés. (©Canal +)

Ramos passe la pénalité, 26-18. Malgré la rentrée du banc toulousain, les fans de piment d’Espelette n’explosent pas et continuent d’y croire. A deux reprises, ils choisissent la touche pour essayer de coller au score. Mais à nouveau, le ballon est perdu au pire moment. La fenêtre de tir était petite, et elle semble s’être refermée pour de bon.

Pénalisés au milieu du terrain, les Bayonnais offrent une bonne munition à Ramos, bien décidé à jouer à qui-a-le-plus-gros-canon avec Yoris. Sa pénalité de 50m passe entre les poteaux, 29-18. Quelques minutes tard, il creuse définitivement l’écart sur une nouvelle faute basque en mêlée, 32-18.

Ne pleure pas parce que c'est fini, souris car cette fois ça n'est pas arrivé avec Clermont.
Ne pleure pas parce que c’est fini, souris car cette fois ça n’est pas arrivé avec Clermont. (©Canal +)

C’est foutu pour l’Aviron, à qui on promettait 50 pions et qui finalement, aura (un peu) fait trembler Toulouse. Mais pour terminer une saison héroïque, il fallait tout faire pour mourir en beauté. Et ils l’ont fait, en relançant de 90 mètres pour aller chercher un essai pour l’honneur. Celui-ci a fini par venir après la seule chose que la défense toulousaine n’aurait jamais su anticiper : une pénalité rapidement jouée par Maxime Machenaud.

2025 et j'ai enfin écrit les mots Machenaud et rapidement dans la même phrase.
2025 et j’ai enfin écrit les mots Machenaud et rapidement dans la même phrase. (©Canal +)

Score final, 32 à 25. Le Stade Toulousain retourne donc en finale après avoir vécu « une saison en enfer », pour reprendre les mots si justes d’Ugo Mola, qui les a prononcés avec les mêmes sanglots dans la voix qu’un grand patron qui n’aurait trouvé aucun jardinier pour enlever les feuilles mortes dans le jardin de sa maison à la Baule.

Dans la vie il y a les problèmes de riches, et aussi les problèmes de nouveaux riches, que les Bayonnais connaîtront sans doute la saison prochaine, où ils seront sûrement plus attendus que cette année. En attendant, ils ont mérité de passer de bonnes vacances, et de vivre une belle finale devant la télé. De toute façon, Paris sous 35 degrés, c’est clairement pas vivable, mieux vaut rester au bord de la mer.

Renfort de poids l'année prochaine : le fils Tuilagi, 74 kilos, prêt à intégrer l'équipe Espoirs.
Renfort de poids l’année prochaine : le fils Tuilagi, 74 kilos, prêt à intégrer l’équipe Espoirs. (©Canal +)

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.