Deux jours au vert pour imaginer l’avenir de la mode responsable. Les 20 et 21 juin, l’association Paris Good Fashion organisait son premier Midsummer Camp dans le cadre historique et champêtre au Domaine de Chaalis. L’organisation est née en 2018 pour créer une dynamique RSE pour la mode en amont des Jeux Olympiques 2024 de Paris.
L’équipe de Paris Good Fashion a organisé son premier Mid Summer Camp au Domaine de Chaalis – DR
En six années, les avancées ont été nombreuses pour les membres de l’association, géants du luxe, groupes de distribution et labels indépendants, qui ont appris les vertus du travail collectif. Mais le contexte a aussi changé, entre urgence climatique et complexité croissante des défis systémiques. Aussi, Paris Good Fashion a durant ces deux jours apporté de la prospective avec la vision de créateurs indépendants mais aussi les analyses de chercheurs et dirigeants. Ainsi Esther Crauser-Delbourg, économiste de l’eau et cofondatrice du cabinet Water Wiser, a apporté son éclairage sur l’importance majeure d’optimiser dès aujourd’hui pour le secteur sa consommation d’eau face à une ressource qui va se raréfier. Pour sa part, Alain Renaudin, expert en biomimétisme et fondateur de Biomim’expo, a invité les acteurs de la mode à s’inspirer des mécanismes élaborés du vivant pour optimiser la conception de matières ou imaginer de nouveaux modèles économiques. Dans cet esprit, l’intervenant a invité les marques présentes à participer au défilé qui sera organisé lors de la neuvième édition de l’évènement Biomim’expo qui se déroulera le 28 octobre au palais du Faro à Marseille.
Mais les membres de Paris Good Fashion ont surtout travaillé sur une trajectoire crédible de décarbonation du secteur. Une nouvelle feuille de route a ainsi été dévoilée vendredi avec pour horizon 2030. Depuis début 2024, les membres de l’association, pesant 86 milliards d’euros de chiffre d’affaires cumulés, travaillent notamment avec le cabinet Argon&Co afin de dresser le constat de l’impact carbone du secteur.
Les analyses de cette « carbon task force » distinguent trois niveaux de gamme, alors que le manque de données ne permettait pas d’inclure la mode ultra express dans l’étude.
Celle-ci livre des constats forts: que ce soit le luxe, le premium ou le mass market, l’enjeu se situe dans la décarbonation de l’amont. Son poids représente en effet entre 56% et 75% des émissions carbone. Les enjeux sont ensuite différents entre le luxe, pour qui la communication et le marketing représentent 14% des émissions, et le mass market et le premium pour qui l’entretien des produits, notamment avec le lavage en machine, a un poids de 11% et 13%. Le luxe est moins confronté à ce sujet, plus de la moitié de ses tonnages de produits est constituée d’accessoires en cuir. Le mass market, qui représente 84% des 250.000 tonnes de produits mis sur le marché par le panel, doit lui faire face à l’importance de l’impact du polyester.
Mais plus qu’un état des lieux, Paris Good Fashion a voulu donner une direction, alors que les questions RSE disparaissent parfois de l’agenda de certains groupes.
« C’est une feuille de route très ambitieuse, avec un engagement individuel de chaque marque mais une accélération qui sera portée par le collectif. Le partage de bonnes pratiques doit permettre d’aller beaucoup plus loin », avance Isabelle Lefort, cofondatrice de Paris Good Fashion, qui relève que la majorité des projets envisagés par le cabinet se fera via les opérations collectives.
Et de fait, par segment, la feuille de route de l’association table sur une baisse des émissions de 41% par rapport à 2022 pour le luxe, de 34% pour le mass market et de 45% pour le premium. Des reculs qui doivent permettre au secteur de respecter la trajectoire des accords de Paris.
Isabelle Lefort présentait les axes à travailler collectivement pour valider la trajectoire 2030 de l’association – DT
Pour le Premium et le mass-market, le travail collectif doit permettre d’accélérer la transformation de la chaîne de production et d’aller vers des matières plus responsables. Mais le partage doit permettre de développer aussi un mix matière à moins faible impact. « Dans le premium, avec des entreprises qui sont des PME, il est nécessaire d’agir collectivement pour avoir du poids auprès des fournisseurs », estime Isabelle Lefort. Pour le luxe, la problématique est légèrement différente avec également un enjeu de décarbonation des transports et du marketing et de la communication.
Autre point clé: la baisse des volumes produits. Alors que le secteur ne cesse d’apporter plus d’unités de produits sur le marché, Paris Good Fashion souligne que, par segment, le travail sur ce point est essentiel. Ainsi, le luxe devrait réduire de 1% ses volumes, alors que le mass-market aurait pour impératif de planifier une réduction de 8% des volumes introduits.
« Nous avons identifié quatre leviers d’actions, a détaillé la cofondatrice devant l’audience fournie du Mid summer camp. Il s’agit de décarboner la production, décarboner l’offre, travailler sur la durabilité et circularité des matières et enfin décarboner en transverse. Mais cela signifie aussi s’interroger sur comment réconcilier l’économie et la performance environnementale, comment nous emmenons le consommateur et comment nous parvenons à fiabiliser les données pour pouvoir se comparer et tous parler le même langage. Si nous parvenons à faire cela nous implémenterons collectivement une trajectoire ambitieuse. »
Le sujet du collectif ne concerne pas seulement les petites entreprises du secteur. Même les géants du luxe doivent aussi faire front, estime Hélène Valade, directrice développement environnement du groupe LVMH. « Malgré nos chiffres d’affaires respectifs, dans la bataille pour le cuir nous représentons 0 pour la filière face à l’ameublement ou à l’automobile. Il faut avoir cette logique de joindre nos forces. »
Parmi les actions collectives d’envergure sur la production, la réflexion devrait s’engager sur un soutien à des productions plus locales, comme celle de la filière lin. Le collectif relance aussi ses missions sur l’évènementiel, pour réduire l’impact du marketing, ou encore sur les cintres et les polybags, afin de proposer des alternatives responsables sur ces sujets. Autant de sujets qui doivent au cumul permettre aux acteurs du secteur de mieux faire et relever ce grand défi de la baisse des émissions de CO2.
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