Le 28 avril dernier, une grande partie de l’Espagne et du Portugal s’est retrouvée plongée dans le noir. En cause : un effondrement soudain de la fréquence électrique, survenu en à peine trois secondes. Elle reflète une transformation profonde de nos systèmes électriques.
En renouvelant le parc vieillissant de centrales conventionnelles (charbon, gaz) par des technologies renouvelables (éolien, solaire), nous permettons une réduction des émissions de CO2, ce qui est une nécessité absolue et indiscutable en 2025. Le système électrique évolue, et comme toute évolution, des changements peuvent venir renforcer ou fragiliser un système. Résultat : le système est plus sensible aux aléas et ne permet pas à nos mécanismes de défense actuel de réagir pour éviter les catastrophes. Pour réussir cette transition, il est donc indispensable de l’accompagner d’outils techniques.
En Espagne, tout s’est joué en 3 secondes. Or, les dispositifs européens les plus rapides sont conçus pour intervenir en 30 secondes. Le décalage est clair. Pourtant, des solutions existent. Des pays comme la Suède ou l’Australie ont mis en place des mécanismes de réserve ultra-rapide. Ils s’appuient entre autres sur des technologies modernes : batteries, électrolyseurs, ou industries capables d’adapter leur consommation en quelques secondes (0,5 à 5 s).
Dans le contexte de transformation du système électrique espagnol, qui vise à intégrer plus de 80 % d’énergies renouvelables dans son mix d’ici 2030, il est nécessaire de garantir une intégration efficace de ces technologies au réseau. D’après l’opérateur, le blackout du 28 avril dernier a été provoquée par un problème de tension, en partie lié au fait que la production conventionnelle n’a pas assuré le service en temps réel comme elle aurait dû.
Le 28 avril doit servir d’électrochoc
Un autre enseignement de cette panne est la limite des interconnexions de l’Espagne avec le reste de l’Europe, transitant nécessairement par la France. La position péninsulaire des pays ibériques ne leur permet pas de bénéficier de l’inertie de l’ensemble du réseau européen. Ainsi, lors de crise aiguë, les connexions entre pays peuvent être coupées, comme cela a été le cas entre l’Espagne et la France notamment, afin de protéger l’intégrité du réseau européen. Chaque pays doit donc œuvrer à la fois à son intégration européenne pour, d’une part, pouvoir compter sur les imports/exports en cas de besoins, mais aussi renforcer sa souveraineté pour agir en cas de crise.
Parmi les outils à notre disposition, un reste trop souvent ignoré : la flexibilité de la demande. Il ne s’agit pas de couper arbitrairement le courant, mais d’ajuster temporairement la consommation de certains appareils ou usines. Cette modulation, permet de soulager le réseau et de le stabiliser. Elle est locale, rapide à déployer, sans impact sur le confort, la compétitivité ou les ambitions climatiques. Elle permet de réduire le recourt à des centrales polluantes.
Face à cette réalité, le gouvernement espagnol s’apprête à adopter des mesures d’urgence pour renforcer la sécurité du système électrique. Ce plan met l’accent sur plusieurs axes dont l’augmentation de la flexibilité de la demande, notamment dans le secteur industriel. Il souligne également l’importance d’accroître les capacités de stockage, de revoir les règles encadrant l’équilibrage du réseau, et de faire progresser les interconnexions avec les pays voisins. Cette réponse structurée témoigne d’une prise de conscience : l’intégration des énergies renouvelables ne peut se faire sans une modernisation globale du système électrique, incluant sa gouvernance, sa résilience technique et sa sécurité numérique. L’Espagne montre ainsi la voie d’une adaptation pragmatique et urgente que l’Europe dans son ensemble doit désormais embrasser. Ce qui s’est produit le 28 avril doit donc servir d’électrochoc. Il ne s’agit pas d’un scénario catastrophe lointain, mais d’un défi immédiat.