Ciel bleu, pas de brume au sol, ni de zones inondées. Une prise de vue aérienne se doit d’être parfaite. Sa réalisation est soumise à des exigences drastiques. Une photo d’identité pour passeport, à côté, ce n’est rien. Pour éviter les ombres portées, il ne faut aucun nuage à l’horizon.
L’appareil qui a été chargé de photographier ces jours-ci 40 % de la Gironde a sagement attendu le moment propice. Posté à une altitude de 7 000 pieds, soit environ 2 200 mètres, cet avion couvre entre 115 et 140 kilomètres carrés par heure de vol grâce à sa caméra embarquée de dernière génération. Ces outils de haute technologie appartiennent à Aerodata France, société spécialisée dans la cartographie aérienne depuis 2001 qui, pour ses opérations dans le Sud-Ouest, rayonne depuis l’aéroport d’Agen.
Autre vue prise le 19 juin
Aerodata France
La mission que lui a confiée le Syndicat départemental énergies et environnement de la Gironde (Sdeeg) et ses partenaires a pour but d’établir un Plan de corps de rue simplifié (PCRS). Il s’agit en fait d’un fond de carte, vue « à très grande échelle » qui sera consultable par ordinateur. La précision des capteurs embarqués est telle (Très haute résolution 5 centimètres) qu’il sera même possible de voir les bouches à clé de certains réseaux enterrés, dispositifs d’accès aux vannes qui affleurent le sol. Par rapport aux données utilisées jusqu’à présent, la résolution sera « 16 fois supérieure », selon Joël Planchet, responsable des opérations chez Aerodata.
L’est de la Gironde
Onze acteurs économiques et institutionnels girondins ont signé une convention pour la réalisation de ce « référentiel cartographique » : le Département et ses 6 400 kilomètres de routes, Enedis, GRDF, Regaz, la Régie d’électricité du sud de La Réole et donc le Sdeeg, qui gère l’éclairage public de 399 communes ou structures intercommunales. Des fournisseurs d’eau potable ou des établissements en charge de l’assainissement pourraient s’y associer ultérieurement. « Je suis très fier de cette aussi large collaboration », souligne Xavier Pintat, maire de Soulac-sur-Mer et président du Sdeeg.
Sur ce fond de carte, chaque opérateur viendra superposer les plans de ses propres réseaux, comme on applique un calque. Ces schémas fusionneront visuellement avec ces clichés aériens, où apparaissent les espaces agricoles et naturels, la voirie, les habitations et tous types de constructions. Pour les aménagements en surface, cet instrument sera également utile. Avant l’implantation d’un giratoire ou d’un parking, il sera plus facile d’effectuer des simulations.
Le coût total de cet outil à usages multiples, qui comprend un gros travail de traitement des images, s’élève à 1,9 million d’euros. Ont été exclus de cette captation aérienne les terrains militaires, la centrale nucléaire du Blayais, ainsi que la métropole bordelaise, qui dispose d’un PCRS distinct.
L’enjeu pour Enedis et GRDF
Cette démarche résulte de la réforme anti-endommagement de 2012. L’objectif est d’abord d’éviter les accidents. Lorsqu’on creuse à l’occasion de travaux de tout ordre, on imagine le danger si un câble, ou une canalisation, venait à être touché par un engin de chantier. « Par an, dans le département, plusieurs centaines de nos ouvrages sont endommagées, des arrachages de câbles par exemple, témoigne François-Xavier de Boutray, directeur d’Enedis pour les territoires girondins. En général, c’est le fait d’acteurs externes, par mauvaise connaissance de la cartographie des réseaux existants.”
François-Xavier de Boutray poursuit : « L’intérêt de ce PCRS, c’est qu’il va nous permettre de délivrer une information extrêmement fiable, encore plus fiable que celle que nous pouvions fournir jusqu’à maintenant, avec un niveau de précision de 5 centimètres. Cela va dans le sens d’une beaucoup plus grande sécurité. »
Concordance optimale
Pour la directrice territoriale de GRDF, Maïlys Huet, il s’agit d’une évolution de première importance : « Actuellement, les réponses aux déclarations de travaux reposent sur des fonds de plan disparates, rendant difficile le repositionnement précis des réseaux par les maîtres d’ouvrage. La généralisation du PCRS facilitera la production des plans de synthèse des réseaux, les opérations de marquage-piquetage des réseaux, étape clé dans la préparation des chantiers, et contribuera ainsi efficacement à la prévention des dommages aux ouvrages. »
“Nous sommes dans un département qui bouge beaucoup. Cette carte sera mise à jour au fil des travaux”
Un instrument aussi pointu qu’un PCRS prémunit contre les erreurs de localisation. La concordance entre l’emplacement effectif de tous ces conduits souterrains et leur positionnement sur ce socle cartographique se doit d’être optimale, sans décalage, ce qui suppose forcément une actualisation. « Nous sommes dans un département qui bouge beaucoup, rappelle la directrice générale adjointe du Sdeeg, Sophie Labatut. Cette carte sera mise à jour au fil des travaux. Par des géomètres ou par l’emploi de drones ou de voitures avec des caméras embarquées. »
Un point juridique : un arrêté de 2018 dispose que tous les opérateurs auront l’obligation d’utiliser un PCRS à compter du 1er janvier 2026, lorsque ce document numérique existe. En Gironde, c’est désormais le cas.