L’humain est né pour courir même quand il s’ignore côté efforts. Plus que les bienfaits de l’activité physique reconnus depuis longtemps sur la santé, c’est ce que le laboratoire LIBM* veut prouver depuis Saint-Etienne et sur le « terrain » en embarquant 40 volontaires dans une aventure de 18 mois. Objectif : les faire passer de leur statut de sédentaires, accrocs du combo tablette / canapé à des sportifs amateurs capables de finir le CCC, la version 100 km de l’Ultra trail du Montblanc (UTMB) ! Défi inédit pour la recherche dans le sport santé.

Le projet 0 to 100 vise à démontrer que les êtres humains, tous les êtres humains, sont nés pour courir. ©Odile Drossart-Depond (UJM)/UTMB

La physiologie de l’exercice, dans le sport, plus globalement de l’effort ? Probablement une des expertises de la recherche publique stéphanoise les plus spectaculaires à extérioriser et qui, avec le projet « 0 to 100 » n’en est pas à son premier coup d’essai. Elle court depuis bientôt six décennies, depuis ses premiers pas initiés par le professeur Jean-René Lacour. A partir de 2016, la laboratoire physiologie de l’exercice de l’université Jean-Monnet de Saint-Etienne fait équipe avec des Lyonnais et des Savoyards à travers le LIBM* (Laboratoire interuniversitaire de biologie de la motricité). Ancien directeur de la structure, Guillaume Millet s’était fait un nom dans son milieu en y menant des recherches marquantes, comme celle en 2007 visant à évaluer la fatigue après une course de… 24 h consécutives sur tapis, petites ponctions de muscle à l’appui.

Sa nouvelle idée de recherche risque elle aussi de faire parler en plus de faire courir des dizaines de personnes. « Des idées à la con, j’en ai eu pas mal mais celle-ci risque d’arriver largement en tête », en plaisante auprès d’If Saint-Etienne l’enseignant chercheur. Ce qui n’enlève absolument rien à son sérieux pour en savoir davantage sur les mécanismes qui font que la pratique du sport – plus largement d’une activité physique – n’est pas « bonne » mais « vitale » pour la santé, y compris mentale. Mais, ce dernier fait n’étant évidemment plus à prouver, « 0 to 100 » vise à démontrer qu’il n’est jamais trop tard, ni pour s’y mettre, ni pour être ambitieux quant à ses capacités, même en ne partant d’absolument rien. Le principe de « 0 to 100 » ? Emmener 20 femmes et 20 hommes en 18 mois, de la sédentarité totale à la capacité de pratiquer l’ultra trail, en l’occurrence finir la « CCC », le « 100 km » de l’UTMB Montblanc 2027 à Chamonix !

L’humain est né pour courir

Dans ce contexte de bombe à retardement qu’est l’inactivité (57 % des Français ont une activité physique inexistante ou insuffisante), pendant ces 18 mois, 40 personnes sédentaires seront donc accompagnées par des experts pour tenter de devenir « finisseurs » de cette course. « Une transformation physique et mentale étudiée et encadrée par une équipe scientifique et médicale reconnue internationalement pour ses travaux sur la santé par l’exercice, décrit Guillaume Millet. Sapiens a été actif pendant 99,98 % de son histoire : le mouvement est inscrit dans nos gènes ! Nous n’avons donc pas d’autre choix que d’être actif pour être en bonne santé. » Le projet 0 to 100 vise à démontrer que les êtres humains, tous les êtres humains, sont nés pour courir. Certes, plus pour 20 km dans leur ex « ordinaire » de chasseurs cueilleurs mais avec ce potentiel inscrit en tous d’aller exceptionnellement plus loin.

Sapiens a été actif pendant 99,98 % de son histoire – le mouvement est inscrit dans nos gènes ! Nous n’avons donc pas d’autre choix que d’être actif pour être en bonne santé. 

Guillaume Millet, enseignant chercheur au LIBM

L’appel aux volontaires sera officiellement lancé au début de l’automne – même si les premières communications en ont déjà aiguillé une vingtaine – avec l’ambition d’une communication nationale sur le sujet, l’UTMB étant officiellement partenaire du projet ainsi que soutenu par Saint-Etienne Métropole et le Département de la Loire (la Région a été également sollicitée). Sélection arrêtée en décembre 2025 pour un début du protocole fin janvier-début février 2026. Seront à suivre des évaluations en laboratoire tous les 5 mois à l’Institut Régional de Médecine et d’Ingénierie du Sport (IRMIS) implanté au sein du CHU de Saint-Étienne où se concentreront 90 % des mesures pour suivre la « transformation » des participants sur le plan physique et psychologique ; des entrainements personnalisés avec un suivi des variables physiologiques et biomécaniques à l’entrainement et lors du 100 km final ; des regroupements réguliers pour des « week-ends chocs » avec l’ensemble des participants.

Les profils recherchés par 0 to 100

Mesures en laboratoire, entraînement en intérieur et en extérieur, montant peu à peu en puissance, jalonneront ces 18 mois. Photo d’illustration

Le Projet 0 to 100 vise à prouver que pour 99 % des gens, plus d’activité physique est synonyme de meilleure santé, au sens de l’OMS, soit un état de complet bien-être physique, mental et social et que l’incapacité à s’y mettre n’a rien d’absolu. « Pour 0 to 100, nous cherchons 20 hommes, 20 femmes observant un mode de vie très sédentaire ne présentant pas de pathologie majeure (du moins, pas encore, Ndlr), liée ou non à leur sédentarité, pas de personnes malades, à risques : par exemple, des personnes en surpoids oui mais pas obèses, précise Guillaume Millet. Non seulement, il ne faut pas qu’ils ou elles soient sportifs mais aussi qu’il n’y ait pas d’activité physique dans leur quotidien : vélo ou longue marche pour aller au travail, professions exigeantes physiquement, etc. » Toutefois, dans un second temps, « nous allons essayer de lancer un programme parallèle pour ce type de publics, une étude annexe menée sérieusement, sous protocole, mais moins officielle ».

Elle sera baptisée Projet 0 to 40 et aussi lancée à destination des personnes atteintes d’une maladie chronique ou d’un handicap, avec en perspective une participation à la MCC (le 40 km de l’UTMB). Une dizaine de personnes pourrait être sélectionnée. Comme pour 0 to 100, à la connaissance du chercheur stéphanois, la concrétisation de l’idée serait du jamais vu à l’échelle de la planète. Aussi, intéresset-elle déjà le milieu médical, comme ce chirurgien pour un de ses patient ayant récemment reçu une greffe de poumon. Pour ce qui est du protocole, celui-ci sera individualisé après un bilan tout aussi personnel. « Les volontaires commenceront doucement bien sûr : vélo, renforcement musculaire, marche, etc. avant même de s’entraîner à courir. Nous pourrons compter sur le savoir-faire des coachs de l’Ecole de trail qui nous accompagne, ajoute Guillaume Millet. Arrivera-t-on à 30 % ou 80 % – c’est l’objectif – de finisseurs 18 mois après au 100 km ? Je ne sais pas. Ce dont je suis certain en revanche, c’est qu’un humain adulte est capable de passer de rien du tout à cette épreuve en 5 ans. »

Enfoui ou pas, l’humain a la course dans le sang. La publication d’une étude est espérée pour début 2028. Elle devrait être doublée la réalisation d’un documentaire filmé scientifique aux formes proches de la téléréalité (en attendant, voici le bande annonce). En cas d’abandon en cours de route, Guillaume Millet promet que 0 to 100 prendra soin psychologiquement des volontaires en question ayant renoncé.

* Depuis 2016, le LIBM regroupe le Laboratoire de physiologie de l’exercice – alors déjà partagé entre les universités Jean Monnet et Savoie Mont Blanc – et le Centre de recherche et d’Innovation sur le sport de Lyon I. Il totalise 130 enseignants-chercheurs, médecins, ingénieurs, doctorants, post-doctorants, personnels techniques et administratifs. Une cinquantaine d’entre eux travaillent à Saint-Etienne au sein du bâtiment Irmis au CHU qui compte, aussi, la majeure partie des équipements techniques.