«Un esprit sain dans un corps sain », mais un service public malade… Depuis 2017, sous Emmanuel Macron, le système éducatif français s’est fragilisé, et l’éducation physique et sportive (EPS) n’a pas été épargnée. À travers son enquête nationale « Gymnase score » que 20 Minutes a pu lire, le SNEP-FSU, syndicat des enseignants d’EPS, dénonce des inégalités criantes dans l’accès aux équipements sportifs et un manque d’ambition dans l’EPS. « C’est quoi les priorités de l’État ? Le sport ? », questionne Coralie Benech, co-secrétaire générale du SNEP-FSU.
Depuis 2017, les réformes éducatives ont en effet ébranlé l’école : classes surchargées, réduction du temps scolaire, recentrage sur les savoirs fondamentaux et externalisation de la pratique sportive via des dispositifs comme « 2S2C » ou « 2h de sport », jugés inadaptés par les enseignants. Ces choix, marqués par un utilitarisme grandissant, selon le syndicat, réduisent l’EPS à une simple fonction sanitaire, loin de sa vocation culturelle et sociale.
230.000 élèves sans gymnase, 500.000 sans piscine
L’enquête « Gymnase score », menée auprès de 3.744 établissements [47,9 % des collèges et lycées en France, hors TOM, Normandie et Rennes], révèle une situation critique : 49 % des établissements sont en situation d’urgence, nécessitant des rénovations ou constructions massives d’équipements conformes aux normes environnementales. 14,2 % n’ont pas accès à une piscine, privant 500.000 élèves d’apprentissage à la nage, pourtant priorité nationale. Le parc aquatique, vétuste, manque de 250.000 m2 de bassins couverts, soit environ 1.000 piscines.
230.000 élèves n’ont accès à aucun gymnase, outil essentiel à l’EPS. « Nos gymnases sont nos classes. On n’imagine pas un prof de physique qui n’a pas assez de paillasses. Pour nous, c’est pareil, on ne peut pas travailler avec des installations mauvaises ou pas du tout d’installations sportives », déplore Coralie Benech. Enfin, 450.000 élèves perdent plus de 30 minutes par cours en raison de l’éloignement des équipements, amputant le temps d’apprentissage.
Des inégalités de genre, sociales et territoriales
L’enquête met également en lumière des disparités structurelles. Seulement 33,3 % des filles atteignent les recommandations d’activité physique, contre 50,7 % des garçons, selon l’ONAPS. Stéréotypes, coûts et manque d’équipements adaptés creusent l’écart.
Le sport est également soumis aux inégalités sociales. 80 % des jeunes issus de foyers aisés pratiquent un sport, contre 60 % dans les foyers modestes, d’après une étude de l’Ineps. Parmi les filles de familles à faible revenu, seules 45 % sont actives.
Des inégalités territoriales sont également révélées. Selon « Gymnase score », 36,4 % des communes rurales manquent d’infrastructures. Par exemple, Mayotte (12 équipements pour 10.000 habitants) ou la Seine-Saint-Denis (15,3) sont sous-équipées, contrairement aux Hautes-Alpes (208).
Les Jeux olympiques et Paralympiques de Paris 2024 auraient pourtant dû marquer un tournant pour l’EPS. Mais « l’héritage » promis par le gouvernement s’est révélé être pour l’heure un mirage, selon le SNEP-FSU. Les annonces, comme la grande cause nationale du sport, n’ont pas comblé les lacunes structurelles, selon le syndicat. « La vasque des Jeux olympiques et Paralympiques est-elle le seul héritage que l’on garde ? Ou les 9.000 euros de salaire d’Amélie Oudéa-Castéra ? », ironise Coralie Benech.
1.000 gymnases et 1.000 piscines demandés
Face à ce constat, le SNEP-FSU propose des mesures concrètes, notamment la construction massive de 1.000 gymnases d’ici 2030, avec 50 % de financement par l’État, et 1.000 piscines pour répondre aux besoins avec une implantation dans ou près des établissements. Le syndicat demande également un plan national pour la construction et la rénovation des équipements, respectueux des normes écologiques, pour pérenniser l’héritage des JOP 2024 et soutenir les collectivités fragiles.
A cela s’ajoute une augmentation des heures d’EPS pour « garantir un accès équitable à une pratique émancipatrice ». Coralie Benech souligne l’urgence : « Il ne se passe rien à l’école alors que c’est le premier lieu de pratiques sportives pour tous les élèves. »