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Augustin Delaporte

Publié le

23 juin 2025 à 19h02

« Une transmission sereine. » Le 26 novembre dernier, le nom de Rémi Féraud fait irruption dans la course à la Mairie de Paris, lorsque la maire sortante, Anne Hidalgo (PS), révèle dans les colonnes du journal Le Monde qu’elle espère le voir lui succéder. Une semaine plus tôt, c’est le député de Paris et ex-premier adjoint de l’édile, avec qui elle est désormais en froid, Emmanuel Grégoire, qui a annoncé sa candidature. « Un match » prévu les 30 juin et 1er juillet 2025, au milieu duquel la benjamine Marion Waller tente de jouer des coudes
À dix jours de la primaire du PS, le sénateur de 53 ans et ancien maire du 10e arrondissement nous a reçus à l’Hôtel de Ville, dans les bureaux du groupe Paris en Commun, dont il est le président au Conseil de Paris. Un moment d’échange durant lequel l’élu a dressé les grandes lignes de sa vision pour Paris, mais aussi fait apparaître quelques éléments de personnalité.
Rigoureux, celui-ci semble ne rien laisser au hasard et faire en sorte de constamment rester en maîtrise. Son discours est millimétré, son temps de réaction court. Ce qui fait un interlocuteur clair, une qualité qu’il met lui-même en avant, mais pas toujours aussi accessible qu’il le dit. Rencontre. 

actu Paris : On vous désigne régulièrement comme le candidat d’Anne Hidalgo. Est-ce une chance ou un handicap ?

Rémi Féraud : Ma candidature vient de mon parcours et c’est ma décision. Son soutien, pour lui succéder, de la part d’une socialiste à un autre, c’est une force indispensable

actu Paris : Indispensable. Cela veut dire qu’on ne peut pas faire sans ?

R.F. : Non. 

actu Paris : Le grand public ne vous identifie pas forcément bien, comment vous présenteriez-vous en quelques phrases à un Parisien, une Parisienne ?

R.F. : Je suis un élu de Paris depuis vingt-cinq ans, socialiste et bien à gauche. J’ai montré lorsque j’étais maire du 10e arrondissement que je savais être proche des habitants et mener à bien des projets. J’ai été élu maire à seulement 36 ans, j’ai ensuite été réélu en 2014 et j’ai su peser sur l’arrondissement qui a vécu le plus de transformations : la place de la République rénovée, le quartier des gares, le canal Saint-Martin…  J’ai mené le combat du nouveau Lariboisière, celui de la mixité sociale, du logement social et de l’accueil des plus précaires.

Mais également celui de la place de la voiture : le canal Saint-Martin, désormais presque entièrement piéton, en est le symbole. Par ailleurs, avec mon équipe, nous avons été engagés sur le lancement de la salle de consommation à moindre risque il y a maintenant presque dix ans et, aujourd’hui, toutes les études et rapports nous donnent raison.

Municipales 2026 à Paris : Rémi Féraud
Rémi Féraud a été maire du 10ᵉ arrondissement de Paris entre 2008 et 2017. (©AD / actu Paris)

actu Paris : Vous diriez que le 10e arrondissement offre un bon aperçu de votre politique ?

R. F. : [Il acquiesce] Il est au cœur de Paris, créatif, mélangé. Depuis l’arrivée de la gauche en 2001, il est redevenu festif, avec des restaurants, des bars, des lieux culturels alors qu’avant, il perdait des commerces, des habitants et la qualité de vie y était faible.

J’ai de l’expérience et un bilan. Depuis 11 ans, j’ai vu passer l’ensemble des dossiers en Conseil de Paris.

Rémi Féraud
Candidat à la primaire socialiste

En tant que maire du 10e, j’ai aussi été aux premières loges des attentats du 13 novembre 2015, avec le maire du 11 [François Vauglin, PS]. Il a fallu mener un travail de proximité et de résilience. C’est aussi ça être un maire : au-delà du programme, il faut être prêt à affronter des épreuves telles qu’une crise terroriste, une crise migratoire, ou une crise politique comme les gilets jaunes. J’ai de l’expérience et un bilan. Depuis onze ans, j’ai vu passer l’ensemble des dossiers en Conseil de Paris.

actu Paris : Votre « match » avec Emmanuel Grégoire occupe l’espace dans les médias. Racontez-nous la face moins visible de votre campagne pour la primaire…

R. F. : Ce sont des rencontres avec les militants dans toutes les sections [il y en a une par arrondissement]. Parfois seul, parfois lors de débats. Nous avons aussi organisé des réunions avec des intervenants qualifiés pour faire émerger des problématiques et des propositions sur des thématiques aussi diverses que le logement, le handicap ou la transformation de la ville. 

actu Paris : Comme les deux autres candidats à la primaire, vous revendiquez les deux mandats d’Anne Hidalgo (mais aussi ceux de Bertrand Delanoë). Si vous deviez en choisir un seul, quel serait le chantier que vous ressortiriez de ce qui a été fait à Paris depuis 2014 ? 

R.F. : La piétonnisation des voies sur berge, parce que cela acte le volontarisme à faire reculer la place de la voiture et à rendre Paris aux Parisiens. 

Municipales 2026 à Paris : Rémi Féraud
L’élu parisien a adhéré au Parti socialiste en 1994, dans la section du 10e arrondissement de Paris. (©AD / actu Paris)

actu Paris : Marion Waller nous a parlé de « mandats de transition », parce que l’espace public a considérablement été transformé durant cette période. Est-ce c’est une formulation que vous partagez ?

R.F. : Non. Je dirais qu’ils ont été très créatifs et volontaires, mais j’ai l’ambition que les prochains le soient tout autant. Quand le réchauffement climatique s’accélère, que la crise du logement se renforce, on ne ralentit pas sur les mesures.

actu Paris : Vous souhaitez vous inscrire dans la continuité ?

R. F. : Pas tout à fait, cela sous-entendrait une forme d’immobilisme. Je me place plutôt dans le prolongement. Je prends tout l’acquis, mais j’avance, sans regarder dans le rétro. 

actu Paris : Quelle sera la patte de « Rémi Féraud, maire de Paris » ?

R. F. : Je ne suis pas maire [il sourit]… 

actu Paris : Projetons-nous quand même…

R. F. : Je veux combiner l’ambition, la volonté et la proximité. Ma touche personnelle, aujourd’hui, c’est d’avoir été maire d’arrondissement. Cela marque une attention au quotidien, à la proximité, aux gens.

Municipales 2026 à Paris : Rémi Féraud
En mars 2014, lors des élections municipales, il devient codirecteur de campagne de la candidate socialiste… Anne Hidalgo. (©AD / actu Paris)

actu Paris : « Paris est devenue une ville woke. » Que dites-vous de cette affirmation ?

R. F. : Ce terme est utilisé par la droite pour décrédibiliser la gauche. Je dirais que Paris est une ville de diversités, refuge, d’égalité et de liberté. Elle envoie un message universel au monde. La cérémonie d’ouverture des Jeux l’a symbolisé. Et je serais un maire très attaché à ce que Paris lutte contre les discriminations, qu’elle soit une ville féministe, pour toutes les générations, de mixité sociale, qui protège les personnes LGBT et inclusive pour les personnes handicapées.

actu Paris : Ce sont d’importants défis… Comment protège-t-on les personnes LGBT ?

R. F. : En soutenant le monde associatif, en marquant leur place dans la ville, en étant attentif à l’accueil des exilés et réfugiés LGBT, mais aussi aux agressions et violences. En valorisant cette dimension de Paris comme nous l’avons fait tout au long de ce mandat avec Jean-Luc Romero [adjoint à la Maire de Paris en charge des droits humains, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations].

actu Paris : Désormais, quels sont, selon vous, les grands enjeux du prochain mandat ?

R. F. : En mars 2026, il y aura un choix à faire entre la poursuite d’une ville progressiste et un coup d’arrêt, voire un retour en arrière. Quant aux enjeux, il y a d’abord celui de la transformation écologique de la ville. Rachida Dati conteste les pistes cyclables, elle ne s’en est pas cachée. Il y a ensuite la mixité sociale : la gauche fait du logement social, la droite n’en veut plus. Enfin, il y a la protection de la démocratie et la culture des valeurs dans un monde dominé par le populisme, la montée des extrêmes, les crises et la guerre.

actu Paris : Pouvez-vous préciser votre dernier point ?

R. F. : Veut-on d’un maire qui aime la démocratie ou qui est mis en examen pour corruption ? Est-ce qu’on sacrifie la culture ou est-ce qu’on en fait un élément central ? Est-ce qu’on valorise la participation citoyenne, est-ce qu’on soutient les associations ? Ou est-ce qu’on fait des sous sur leur dos ?

municipales
Depuis le 26 novembre 2024, Rémi Féraud est officiellement en campagne pour devenir maire de Paris. (©AD / actu Paris)

actu Paris : Les opposants à la majorité municipale pointent régulièrement du doigt la dette de Paris. Quelle est votre réponse ?

R. F. : C’est une façon de faire peur à mauvais escient. Paris a une dette d’un peu moins de 10 milliards d’euros et un patrimoine quatre à cinq fois supérieur. C’est pourquoi la ville a la meilleure notation possible des agences. Ce n’est pas la paille qu’il faut regarder, mais la poutre : en l’occurrence, la dette de l’État

Cela n’empêche pas qu’il va falloir faire des économies de gestion et stabiliser la dette lors du prochain mandat, à moins que l’État ne change les règles du jeu.

Je proposerai aux Verts que nous soyons ensemble dès le premier tour.

Rémi Féraud
Candidat à la primaire socialiste

actu Paris : Beaucoup ont du mal à voir les différences entre les trois candidats PS. Comment vous démarquez-vous ?

R. F. : La clarté dans mon « approche projet » et mes convictions politiques, avec un ancrage à gauche et écologiste. Une fidélité sans faille au parti, aussi. Je suis le mieux placé pour rassembler nos familles politiques. Sinon, ni Anne Hidalgo ni les maires d’arrondissements ne me soutiendraient. Si je n’en avais pas la certitude moi-même, je ne serais pas candidat.  

actu Paris : Quel regard portez-vous sur chacun des deux autres candidats ?

R. F. : Une campagne interne crée de l’émulation positive, chacun arrive avec des idées nouvelles. Notamment Marion Waller, qui apporte un regard différent, puisqu’elle n’a jamais été élue et qu’elle est d’une autre génération.

actu Paris : Quelles alliances envisagez-vous ?

R. F. : Je veux la même alliance qui nous a permis de gagner depuis 2001, je ne suis pas sectaire. C’est-à-dire, toute la gauche, sauf LFI, et avec une ouverture sur la société civile : les communistes, Place publique, les Radicaux de Gauche…

Je proposerai également aux Verts que nous soyons ensemble dès le premier tour. Sur le refus de transiger avec LFI, il n’y aura aucune exception, j’ai toujours été clair sur ce sujet. 

actu Paris : Si vous êtes élu en mars prochain, quelles seront vos mesures prioritaires ? 

R. F. : Il y aura une prime climat pour aider les Parisiens à faire la rénovation thermique de leur logement. Il s’agira d’un investissement récupérable au moment de la vente de l’appartement ou lors de la succession. 

La deuxième mesure concernera le statut des familles monoparentales, qui sont essentiellement des femmes seules avec leurs enfants. Cela débouchera sur des tarifs moindres, dans les différents services municipaux comme la cantine ou le sport. 

Enfin, je souhaite créer un pass culture parisien, dédié notamment aux jeunes et aux familles monoparentales.

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