L’Assemblée nationale a adopté lundi la création d’un registre de l’ensemble des cas de cancers survenant en France, pour mieux en étudier l’épidémiologie et les facteurs de risque, notamment environnementaux.

« Mieux prévenir, mieux comprendre et mieux soigner le cancer  » : c’est, selon le ministre de la Santé Yannick Neuder, l’ambition du registre national des cancers dont la création a été définitivement approuvée par le parlement. L’Assemblée nationale a voté à l’unanimité lundi cette proposition de loi adoptée au Sénat en juin 2023.

Le registre national doit permettre de mieux comprendre les causes génétiques et environnementales d’apparition des cancers en France et leur répartition géographique. Quelque 433 000 nouveaux cas ont été diagnostiqués en 2023, et c’est la première cause de mortalité prématurée avec 162 400 décès en 2021. Il a aussi coûté 22,6 milliards d’euros de dépenses publiques en soins oncologiques en 2022, selon le registre européen des inégalités face au cancer. Alors que « l’incidence du cancer va augmenter de 80 % d’ici 2050, avec le vieillissement de la population, ces pathologies cancéreuses vont être un sujet de préoccupation majeur : il faut nous outiller davantage dans notre surveillance, notre observation et notre compréhension de ce qu’il se passe », a plaidé auprès de l’AFP Nicolas Scotté, directeur général de L’Institut national du cancer (INCa).

Actuellement, 33 registres qui couvrent un quart de la population

C’est l’INCa qui tiendra ce registre, « un outil unique, sans équivalent dans d’autres pays », a expliqué Nicolas Scotté, qui fera de la France un « pays moteur, notamment à l’échelle européenne, dans la compréhension de ce qui se passe en matière de cancer ». Aujourd’hui, 33 registres sont tenus en France, qui couvrent moins d’un quart de la population, « si bien que les données disponibles reposent sur des extrapolations, dont la fiabilité est sujette à caution », avait estimé dans son rapport le député Michel Lauzzana, rapporteur du texte à l’Assemblée. Nicolas Scotté défend la nécessité d’assurer une « articulation intelligente entre des registres locaux, à la vision très territoriale, et des données nationales », où l’INCa jouera un « rôle pivot avec une spécialisation au cancer que personne n’a », avec un nouvel outil « performant et optimisé ».

Actuellement, on ne peut faire que de la description sur l’incidence, la prévalence, la mortalité, la survie… mais on est incapable de dire que telle exposition environnementale est responsable de tel type de cancer.

Dr Claire Morgand, directrice de l’observation des sciences des données et de l’évaluation à l’INCa

Actuellement, « il manque des données sur la population la plus socialement vulnérable et les zones exposées à des risques environnementaux », estime le Dr Claire Morgand, directrice de l’observation des sciences des données et de l’évaluation à l’INCa. « Actuellement, on ne peut faire que de la description sur l’incidence, la prévalence, la mortalité, la survie… mais on est incapable de dire que telle exposition environnementale est responsable de tel type de cancer », ajoute-t-elle. « L’enjeu est de bien comprendre les responsabilités, les causes du cancer, ses facteurs de risques et notamment ses éventuels facteurs génétiques ou environnementaux, mais aussi comment ils évoluent et se répartissent sur les territoires », complète Nicolas Scotté.

16 millions d’euros par an

Le texte voté lundi à l’Assemblée doit faire l’objet d’un décret soumis à la Cnil, qui sera publié « avant la fin de l’année » a promis Yannick Neuder, pour une entrée en vigueur début 2026. Le déploiement de ce registre national, d’un coût annuel de 16 millions d’euros contre 10 millions pour la gestion des registres actuels, occupera la deuxième moitié de la Stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030. Il exploitera aussi les données de la plateforme de données en cancérologie mise en place par l’INCa en 2011, qui intègre 12 millions de malades, afin d’améliorer « le suivi d’après-cancer avec les problématiques de retour en emploi, de handicap, de séquelles », précise Nicolas Scotté.

Saluant l’adoption définitive du texte, la Ligue contre le cancer a toutefois réclamé lundi « de rapides garanties » sur « les moyens financiers » et « la méthodologie » du futur registre, ainsi que sa « complémentarité » avec ceux existants.