Par

Camille Descroix

Publié le

23 juin 2025 à 19h20

Après des jours de flou autour d’une possible intervention, les États-Unis ont mené des frappes massives contre des installations nucléaires iraniennes, dimanche 22 juin 2025. Donald Trump a affirmé que les capacités d’enrichissement du pays étaient désormais « complètement détruites ».

Cette opération militaire d’ampleur sur les sites de Fordo, Natanz et Ispahan, qui a mobilisé un arsenal important dont quatorze bombes GBU-57, fait monter la tension d’un cran et suscite de vives inquiétudes à travers le monde.

En représailles, l’Iran a menacé de s’en prendre militairement aux États-Unis et de leur infliger de « lourdes conséquences ». Lundi soir, le Conseil de sécurité nationale iranien a indiqué avoir ciblé une base militaire américaine au Qatar.

Alors, la perspective d’une Troisième Guerre mondiale est-elle envisageable ? Décryptage sur actu.fr.

Un conflit mondial « hautement improbable »

« Une internationalisation du conflit semble hautement improbable pour le moment », commente pour actu.fr Kevan Gafaïti, spécialiste de l’Iran, enseignant à Sciences Po Paris et chercheur en relations internationales au Centre Thucydide de l’Université Panthéon-Assas.

Vidéos : en ce moment sur Actu

Même si la Chine, la Russie ou encore l’Arabie saoudite, alliés historiques de Téhéran, ont fermement condamné les frappes américaines, il n’y a pas d’alliance stricte et formelle entre ces pays, à l’image de l’Otan ou de l’Union européenne. « On ne peut pas parler d’un axe Téhéran-Pékin-Moscou », explique-t-il.

Il n’y aura pas d’envois de soldats russes ou chinois sur le sol iranien ou d’attaques sur des intérêts américains de la part de la Russie ou de la Chine.

Kevan Gafaïti
Spécialiste de l’Iran et chercheur en relations internationales à l’Université Panthéon-Assas

Le régime iranien considérablement affaibli

Le régime iranien, qui est lourdement fragilisé par ces dix jours de guerre avec Israël, peut aussi difficilement riposter sur le plan strictement militaire, son arsenal ayant fortement diminué.

Au début de la guerre, l’Iran disposait d’environ 2 000 missiles balistiques. Il en a aujourd’hui moitié moins, soit parce qu’ils ont été tirés sur Israël, soit parce qu’ils ont été détruits.

Pour Gabriel Solans, chercheur en civilisation américaine à l’Université Paris-Cité et spécialiste du Parti républicain, l’Iran « n’a pas suffisamment de réserve pour mener une guerre massive ».

Et quid d’une riposte iranienne sur le sol américain ? « L’Iran n’a matériellement pas les capacités pour frapper les États-Unis, précise de son côté Kevan Gafaïti. Au mieux, ils ont des missiles balistiques avec une portée de 2 000 km pouvant atteindre le sud-est de l’Europe, ce qui n’a aucun intérêt pour eux. »

Le risque d’un embrasement régional

Même si les capacités militaires du régime iranien sont limitées, il leur reste toutefois la possibilité d’attaquer les bases militaires américaines stationnées au Moyen-Orient, où 40 000 soldats sont déployés, souligne Gabriel Solans.

C’est chose faite ce lundi soir : l’Iran a affirmé que six missiles iraniens ont touché la base américaine d’Al-Udeid, au Qatar, ajoutant que le nombre de missiles utilisés « était le même que le nombre de bombes que les États-Unis avaient utilisées pour attaquer les installations nucléaires iraniennes ».

Dimanche, Ali Akbar Velayati, un conseiller de l’ayatollah Ali Khamenei – le guide suprême iranien -, avait déjà averti que les bases des forces américaines dans le golfe pouvaient être « des cibles légitimes ».

En cas de représailles iraniennes, les États-Unis pourraient frapper encore plus massivement, auquel cas on assisterait à un embrasement régional.

Kevan Gafaïti
Spécialiste de l’Iran et chercheur en relations internationales à l’Université Panthéon-Assas

Toutefois, « l’axe de résistance », cette alliance tissée par la République islamique d’Iran et composée de mouvements armés (le Hezbollah au Liban, les milices chiites en Irak, les Houthis au Yémen et la Syrie), est profondément affaibli depuis deux ans, et sa marge de manœuvre est restreinte. L’Iran apparaît aujourd’hui bien isolé.

La menace terroriste

Pour le spécialiste Kevan Gafaïti, si Israël accroît sa pression militaire sur l’Iran et que le régime iranien frappe des cibles américaines au Moyen-Orient, il pourrait s’agir du « pire scénario ».

On pourrait assister à la même situation que celle en Irak, en 2003 : une invasion militaire américaine massive, par les airs et peut-être même sur le sol. Cela provoquerait un effondrement et une déliquescence de l’État iranien.

Kevan Gafaïti
Spécialiste de l’Iran et chercheur en relations internationales à l’Université Panthéon-Assas

Une telle escalade militaire pourrait d’abord provoquer un lourd bilan humain, mais aussi créer un climat propice au terrorisme sur le long terme. « En l’absence d’une autorité iranienne, l’Iran peut devenir une pépinière pour tous les groupuscules violents de la région, avec un rayon d’action mondial », poursuit le chercheur en relations internationales.

Vers une crise économique mondiale

Acculé, le régime iranien pourrait aussi mettre à exécution sa menace de fermer le détroit d’Ormuz. Il constitue de loin la principale voie de navigation connectant les riches pays pétroliers du Moyen-Orient au reste du monde.

Pour Gabriel Solans, le blocage de ce passage maritime stratégique pourrait provoquer une « crise économique mondiale et un choc pétrolier ».

En 2024, environ 20 millions de barils de brut y circulaient quotidiennement, l’équivalent de près de 20 % de la consommation mondiale de pétrole liquide, selon l’Agence américaine de l’Énergie (EIA).

Environ un cinquième du commerce mondial de gaz naturel liquéfié y transitait aussi, principalement en provenance du Qatar. Plus de 80 % du pétrole et gaz y transitant était destiné aux marchés asiatiques.

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.