Second volet d’une série de reportages sur le trafic et la consommation de stupéfiants en France, en hausse constante. Une situation dont pâtissent aussi les riverains des villes concernées. À Marseille, certains quartiers vivent sous la pression permanente des réseaux de trafic, de la pression policière et des pressions sociales. Comment fait-on face quand la violence s’invite jusque dans les halls d’immeubles ou à la sortie de l’école ? Rencontre avec ces habitants qui vivent cette réalité au quotidien, entre peur, colère et sentiment d’abandon. 

Dans ce quartier au nord de Marseille, dans le sud de la France, le point de deal vient d’ouvrir. Les cris des guetteurs résonnent toute la journée sous les fenêtres de Nadia. Mais il y a deux ans, le trafic a fait une irruption beaucoup plus violente dans sa vie. À l’époque, son fils travaille une journée pour le trafic. Elle l’empêche d’y retourner. C’est elle et son mari qui en paient les frais, passés à tabac dans leur hall. « Six, sept sur une personne. Du sang et tout. Parce qu’elle voulait récupérer mon fils. Il avait 11 ans. J’ai porté plainte, mais ils n’ont rien fait », se remémore-t-elle. Depuis, Nadia est souvent contrainte de laisser son appartement aux trafiquants. « Même maintenant, ils viennent, ils me disent  »Laisse ta porte ouverte ». Je ne peux pas dire non. C’est Chicago, ici », se désole-t-elle.

À la sortie de l’école, à quelques dizaines de mètres du quartier, un groupe de mamans raconte aussi leur sentiment d’impuissance face au trafic. Dalie est éboueuse, et c’est la nuit qu’elle a le plus peur. « C’est lourd. Je me lève à 4h du matin, je sors en pleine nuit, je ne sais pas ce qui va m’arriver. Mais après, ça fait 50 ans, j’ai fait toute ma scolarité. La plupart des jeunes, je les ai vus grandir et je vois que la société, elle ne leur donne aucune chance. Je trouve que c’est injuste, ils en ont besoin ces jeunes », regrette-t-elle.

Une injustice pour ces jeunes, mais aussi pour les habitants du quartier qui se sentent pris en étau entre les opérations de police et le deal. « La problématique, c’est que quand la police vient dans le quartier… Je comprends qu’elle fait son boulot, mais c’est toujours à la sortie de l’école. On se fait gazer, les enfants sont en plein milieu et ce n’est pas facile psychologiquement », explique Malika. « On se retrouve en otage entre les deux, avec les jeunes et les policiers. Il y a des contrôles assez dur avec les jeunes, et même avec les adultes. Au lieu de se sentir soutenus, on se sent comme si on était coupables, nous aussi », abonde Miriam.

Comme la plupart des habitants interrogés, ces mères de familles ne voient pas de solutions réelles au trafic de drogue, ou aux conditions dans lesquelles elles vivent. Pour elles, seule solution : trouver un autre appartement. Une tâche compliquée, alors que les prix des loyers dans le privé sont en constante augmentation. 

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