Des photos à la limite du soutenable ont été diffusées lundi à Bourg-en-Bresse, au premier jour du procès en appel d’une jeune femme qui a tué son grand-père de 95 ans, totalement grabataire.

Des photos à la limite du soutenable. Les images du cadavre à moitié carbonisé d’un homme de 95 ans, allongé en position fœtale dans un lit noirci, ont été diffusées ce lundi à Bourg-en-Bresse au premier jour du procès en appel d’une jeune femme qui a tué son grand-père totalement grabataire, en le brûlant vif. Face à ces clichés, Émilie G., 33 ans, est restée repliée sur elle-même, détournant le regard, une main devant les yeux. Condamnée à cinq ans de prison avec sursis en première instance cet hiver à Lyon, elle a toujours dit avoir agi «par amour», pour soulager les souffrances du vieil homme, auquel elle était très attachée.

En août 2020, l’aïeul avait été retrouvé mort brûlé et asphyxié dans son lit médicalisé chez une de ses filles, à Saint-Laurent-de-Mure (Rhône). Placée en garde à vue deux mois après les faits, Émilie G. avait d’abord nié toute responsabilité, espérant que la thèse de l’accident soit retenue, avant d’avouer avoir déclenché l’incendie. «Ça a failli marcher, la thèse de l’accident ?», demande l’avocat général Éric Mazaud au chef d’enquête entendu lundi. «Oui», répond le témoin, «les éléments auraient pu laisser penser à un accident», avant que du carburant ne soit retrouvé sur la literie.

Sur le banc, l’accusée fond régulièrement en larmes à l’évocation de ce grand-père, auquel elle était très attachée. Lors de son premier procès, en octobre devant les assises du Rhône, l’avocat général avait fustigé un «acte cruel et égoïste» de la part d’une femme qui cherchait selon lui à «exorciser sa frustration, ses échecs multiples». Il avait demandé aux jurés de la condamner à quinze ans de prison mais ces derniers avaient choisi la clémence, prenant en compte «l’altération du discernement» et les «difficultés» de la petite-fille, face à un proche «en fin de vie». Le parquet a fait appel du verdict, renvoyant Émilie G. devant la cour d’assises de l’Ain où elle est jugée jusqu’à mercredi pour assassinat et risque la réclusion criminelle à perpétuité.

«Pas une position militante» sur la fin de vie

À la barre, une enquêtrice de personnalité souligne qu’au moment des faits, la jeune femme souffrait de «difficultés psychologiques» : manque d’autorité avec ses enfants, adultère de son conjoint, échecs au Capes, le concours professoral, auxquels s’ajoute l’état «dégradé» de son grand-père, équipé d’une sonde urinaire. L’accusée s’occupait quotidiennement de son aîné mais avait réduit ses visites pendant l’été des faits après l’avoir un jour trouvé dans un état «déplorable» chez ses parents, la couche souillée. «La dignité de son grand-père n’était pas respectée, ça avait été un moment fort pour elle», explique l’enquêtrice.

Le matin du crime, son conjoint lui a révélé qu’il l’avait trompée, déclenchant le passage à l’acte. Selon l’expertise psychiatrique jointe à l’instruction, elle était dans un «état dissociatif» quand elle a versé de l’essence sur le matelas. «Un déversement minutieux précis», selon un expert en incendie entendu comme témoin, pour qui la jeune femme ne pouvait ignorer les conséquences de ses actes. «Le feu est systématiquement utilisé pour détruire, pour faire disparaître». Le grand-père, piégé, a agonisé pendant quelques minutes et est mort de l’inhalation des fumées et de brûlures profondes.

«C’est un geste d’amour», a pourtant martelé lundi avant l’audience l’avocat de l’accusée, Me Thibaud Claus, évoquant un «cas d’euthanasie d’une famille qui a fait comme elle pouvait face à une situation désespérée, avec pas forcément les bonnes solutions». Alors que le parlement débat d’une nouvelle législation sur l’aide à mourir, «on n’est absolument pas dans une position militante aujourd’hui», a-t-il ajouté. «Elle a fait face comme elle pouvait à une situation dramatique.»

L’avocat a «bien conscience» que le procureur «souhaiterait une peine plus lourde» qu’en première instance. Mais «je crois qu’on est tous d’accord dessus, même du côté du ministère public : le lien entre cette petite-fille et son grand-père est extrêmement fusionnel», a-t-il ajouté. Selon lui, il n’y avait «aucun antagonisme» entre les deux, «aucune dette, aucun héritage», ce qu’ont confirmé les enquêteurs à l’audience.