Les négociations sur les retraites se terminent sur une fumée noire. Après quatre mois de concertations, le conclave des retraites s’est finalement soldé par un « échec », ont annoncé lundi soir les partenaires sociaux. Syndicats et patronat se sont renvoyé la responsabilité de l’impasse.

Cette absence d’accord est aussi un revers pour la méthode de dialogue social promue par François Bayrou. Le Premier ministre prendra d’ailleurs la parole ce mardi matin à 07 heures depuis Matignon.

La négociatrice de la CFTC « très en colère »

« Le constat est fait que le patronat ne bougera pas sur la réparation de la pénibilité (c’est-à-dire ouvrir sur des départs anticipés) c’est un échec de la négociation », a déclaré Yvan Ricordeau, représentant de la CFDT. « Cette négociation était jouable, si l’accord ne se fait pas, c’est à cause des organisations patronales », a aussi regretté Pascale Coton, négociatrice de la CFTC. « C’était la première fois que nous avions du « plus » pour les femmes (propositions de pensions réévaluées pour les mères), c’est quelque chose qui me met très en colère », a-t-elle confié.

« Nous regrettons cet échec, c’est dommage pour la démocratie sociale », a pour sa part commenté Diane Milleron-Deperrois, représentante du Medef. « Au Medef, on a gardé une ligne très claire, en étant constant dans une ligne responsable : on n’était pas en mesure d’augmenter les cotisations salariales et patronales », a-t-elle insisté. La CPME (patronat des petites et moyennes entreprises) « regrette » également ce désaccord, un échec « d’autant plus incompréhensible », selon elle, « que tous les partenaires sociaux partageaient la même volonté de se voir transférer la gouvernance du système de retraite selon les mêmes modalités que l’AGIRC ARRCO ».

Coup médiatique sur le trottoir

L’après-midi avait commencé par un coup médiatique : Patrick Martin, président du Medef, et Amir Reza-Tofighi, président de la CPME, convoquant la presse une demi-heure avant la reprise du conclave à 15 heures. Sur le trottoir, devant le bâtiment abritant ces discussions, ils s’étaient dits confiants dans un accord grâce à une « proposition commune » sur « les différents éléments qui sont attendus par les syndicats de salariés », notamment sur les carrières des femmes ou la pénibilité.

Dans ses nouvelles propositions, le patronat a notamment semblé ouvrir une petite porte vers un départ anticipé à la retraite en cas d’usure, mais seulement sur avis médical. Insuffisant pour les syndicats, qui veulent une automaticité sur la question et fustigent autant le fond que la forme.

Premières tensions sur le pavé

« On demande que la négociation se fasse sur le texte paritaire », déjà sur la table et non sur les nouvelles propositions du Medef, avait alors insisté Yvan Ricordeau. Ce dernier avait d’ailleurs interpellé, sur le pavé, le dirigeant du Medef, devant les caméras, après le mini point presse patronal :

– « Monsieur Martin ? Est-ce que la négociation s’opère sur le texte qu’on a discuté depuis quatre mois ?

– On ne va pas tenir la négociation ici, répond le patron du Medef.

– Pourquoi la partie patronale l’a tentée sur le trottoir, alors ? relance le syndicaliste.

– C’est quoi ce guet-apens qu’on essaie de me tendre là ? a souri pour couper court le dirigeant du Medef.

– Ça commence bien, ça commence dans la rue », a conclu le représentant de la CFDT.

A l’issue de ce ballet entre patronat et syndicats, Christelle Thieffinne, négociatrice de la CFE-CGC, avait accusé le patronat de « torpiller » la négociation.

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Ce processus a déjà laissé des partenaires sociaux sur le bord de la route : FO a tourné les talons dès la première séance et la CGT et l’U2P (patronat pour les artisans) ont jeté l’éponge mi-mars. La précédente réunion, le 17 juin, s’était achevée sur une prolongation arrachée sur le fil pour éviter l’échec. Une de plus dans une discussion entamée le 27 février et qui devait s’arrêter à l’origine le 28 mai.

La fin du conclave est aussi un moment de vérité pour François Bayrou, qui a lancé ce nouveau format de discussions après un compromis noué avec les socialistes pour éviter une censure du gouvernement. « La méthode Bayrou est un échec monumental », a tancé le groupe LFI-NFP, appelant « tous les groupes de gauche à déposer ensemble une motion de censure ». « Le PS doit assumer cet échec et ses dégâts. Il doit montrer l’exemple pour voter au complet la censure », a averti le chef de file LFI Jean-Luc Mélenchon sur X. A voir maintenant si François Bayrou arrivera à sauver sa place après sa déclaration ce mardi depuis Matignon.