Selon une étude IFOP de 2024, 61% des femmes jugent la pilule très efficace, mais 64% se méfient des risques pour la santé. © Jcomp-Freepik
Depuis quelques jours, la rumeur enfle sur les réseaux sociaux. Une publication virale sur X a attiré l’attention en affirmant que la pilule venait d’être classée cancérogène par l’OMS, en ajoutant que « les femmes n’en étaient pas informées ». Ce message a été partagé plus de 10 000 fois et vu près de deux millions de fois en quelques jours. Il a alimenté une vive polémique.
Or, les notices des pilules mentionnent depuis longtemps ce risque potentiel, tout comme les fiches de l’Assurance Maladie ou les guides de prescription médicale. Ce n’est donc pas une information cachée. En réalité, ces rumeurs reflètent une méfiance croissante envers les institutions de santé, souvent nourrie par une perte de confiance dans le discours médical.
La pilule contraceptive est-elle cancérogène ?
Le lien entre pilule contraceptive et cancer ne date pas d’hier. Dès 2005, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), le bras scientifique de l’OMS basé à Lyon, a classé les contraceptifs œstroprogestatifs dans le groupe 1 des agents cancérogènes, soit ceux pour lesquels il existe des preuves suffisantes de cancérogénicité chez l’humain.
C’est une catégorie qui inclut aussi bien le tabac que les virus du papillome humain (HPV), ou encore certains types de rayonnements.
Ce classement n’est donc pas une surprise. Il a été actualisé en 2023 pour y inclure d’autres formes de contraception hormonale comme les implants, patchs, injections et anneaux vaginaux. Cette mise à jour a alimenté la confusion, certains internautes croyant découvrir une nouvelle alerte alors que le lien est documenté de longue date. Les réseaux sociaux… ont fait le reste.
Qu’est-ce qu’un « cancérogène de groupe 1 »
Ce classement est souvent mal interprété. Il ne mesure pas la dangerosité absolue d’un produit, mais le niveau de preuve scientifique établissant un lien avec le cancer. En d’autres termes, le groupe 1 ne signifie pas que la pilule est aussi dangereuse que le tabac, mais simplement que le lien est scientifiquement confirmé.
Les effets diffèrent d’un produit à l’autre. Fumer multiplie par 15 à 30 le risque de cancer du poumon, alors que l’usage de la pilule augmente très légèrement le risque de cancer du sein. C’est donc une différence majeure entre certitude du lien et ampleur du danger.
Quels sont les cancers concernés par la pilule ?
Les études scientifiques montrent une légère augmentation du risque de certains cancers, mais aussi une réduction importante d’autres types. C’est cette balance qui doit être examinée.
Concernant le cancer du sein, les chiffres disponibles montrent un sur-risque d’environ 20 à 24 % pendant la prise active de la pilule. Ce risque diminue après l’arrêt, pour redevenir nul au bout de dix ans. Pour le cancer du col de l’utérus, le risque augmente aussi avec la durée d’utilisation, notamment au-delà de dix ans.
En revanche, des bénéfices notables sont observés pour les cancers de l’endomètre, de l’ovaire et du côlon, pour lesquels la pilule exerce un effet protecteur durable.
Des études indiquent une réduction du risque de cancer de l’ovaire allant jusqu’à 50 % après dix ans d’usage. Pour l’endomètre, la baisse du risque atteint environ 30 %. Le cancer colorectal, moins souvent évoqué, est également concerné par une réduction estimée à environ 15 à 20 %.
Comparer la pilule au tabac ou à l’alcool est scientifiquement incorrect
Associer la pilule à des substances comme le tabac ou l’alcool peut induire une peur démesurée, et surtout inappropriée. Le classement du CIRC repose uniquement sur la qualité des preuves scientifiques, et non sur la fréquence ou la gravité du risque.
Par exemple, le tabac cause à lui seul plus de 75 000 décès par an en France, dont une grande part liés à des cancers. La pilule contraceptive, elle, est associée à un très faible nombre de cas supplémentaires de cancer du sein par rapport à la population générale. Elle ne provoque donc pas une « épidémie » de cancers, comme certaines publications virales le laissent croire.
Ce que les discours alarmistes oublient souvent de mentionner, ce sont donc les effets bénéfiques bien documentés de la pilule. En bloquant l’ovulation, la contraception hormonale réduit de manière significative le risque de cancer de l’ovaire et de l’endomètre. Ces effets protecteurs sont durables, parfois même plusieurs décennies après l’arrêt.
Quelle conduite adopter pour les femmes qui prennent la pilule ?
Les débats sur la pilule et le cancer soulignent un besoin urgent de pédagogie. Les chiffres existent, les études sont nombreuses, mais leur interprétation est complexe. Les messages simplistes ou anxiogènes diffusés sur Internet peuvent détourner certaines femmes d’une contraception adaptée, au détriment de leur santé reproductive.
Si la question des effets de la pilule sur la santé mérite d’être posée, il est essentiel de rappeler que la contraception est un outil de santé publique aux effets majeurs : réduction des grossesses non désirées, maîtrise du cycle menstruel, amélioration de certaines pathologies gynécologiques comme l’endométriose. Les bénéfices globaux de la pilule sont donc nombreux.
Pour autant, chaque femme est différente. Une consultation médicale permet d’évaluer les antécédents familiaux, les facteurs de risque cardiovasculaires, les préférences personnelles. Des solutions alternatives existent : stérilet hormonal ou en cuivre, préservatifs, méthodes naturelles. Le choix doit être éclairé, accompagné, et régulièrement réévalué.
À SAVOIR
La pilule contraceptive a été mise au point à la fin des années 1950 et autorisée pour la première fois aux États-Unis en 1960. En France, elle devient légale en 1967 grâce à la loi Neuwirth. Son arrivée marque une révolution sociale et sanitaire : elle offre aux femmes un contrôle inédit sur leur fertilité, participe à l’émancipation féminine et transforme profondément les rapports à la sexualité. Depuis, elle a évolué en différentes formules et dosages, avec une meilleure tolérance, tout en restant au cœur de nombreux débats médicaux, éthiques et sociaux.
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