Par
Laurent Renon
Publié le
24 juin 2025 à 17h35
Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire ce livre ?
L’envie de partager, l’envie de témoigner, l’envie de transmettre, l’envie de pouvoir faire la synthèse de 25 années de carrière au service de la défense des femmes. Et puis l’envie de contribuer au débat public, poser des questions et modestement apporter quelques réponses. Je voulais parler des femmes que je défends, des femmes qui ne sont pas célèbres, des anonymes noyées dans la masse silencieuse et qui souffrent.
Vous avez chapitré votre livre en sélectionnant des mots essentiels dans votre combat, comme le viol, le consentement, les auteurs, la parole des victimes. Selon vous, quel est celui qui est le plus important ?
Le courage. Celui des femmes qui parlent. Le courage, c’est de partir, de dénoncer, de revendiquer, de s’imaginer autrement que vivant sous le joug des violences. Mais le courage, c’est un appel aux hommes aussi. Je ne les oublie pas et je pense qu’il leur appartient d’être courageux pour se défaire de ce système dont ils sont victimes d’une certaine manière. Ce que je constate chez les hommes violents que je rencontre, c’est que très souvent, ils n’ont pas d’autres ressources à leur disposition que la violence.
L’inscription du non consentement dans la caractérisation pénale des viols peut-elle faire avancer la cause des victimes ?
Non, ça ne fera pas avancer la cause des victimes. Ça rappelle quelque chose qui devrait être évident. Cela a une vocation pédagogique, mais ce n’est pas ça qui fera que les 80 000 à 90 000 viols et tentatives de viol qui se produisent chaque année en France diminueront. S’il suffisait d’introduire ce mot-là pour résoudre l’équation du viol dans notre société, ça serait trop facile. Ce débat à l’Assemblée nationale est intéressant parce qu’il vient nous rappeler à quel point il est nécessaire de s’inquiéter du consentement de celui ou de celle avec lequel on veut avoir un rapport sexuel.
En France, il y aurait moins de 1 % des viols qui donnent lieu à une condamnation pénale. Que faudrait-il faire pour garantir moins d’impunité ?
Il y a en fait deux chiffres qui sont intéressants. C’est le fait que 10 % des victimes déposent plainte. Comment faire en sorte que cette immense majorité silencieuse se saisisse des espaces de parole qui sont à sa disposition ? Mais vous imaginez bien que si 80 000 victimes de viol viennent déposer plainte chaque année en France, on fait imploser le système qui est déjà totalement embolisé.
Et puis l’autre chiffre qui est intéressant, c’est effectivement que sur ces 10 % de victimes qui déposent plainte, il y a 1 % des auteurs qui sont condamnés. Pourquoi est-ce que finalement le viol est un crime dont on est à peu près sûr de s’en sortir sans dommage ? Là aussi, on a un manque de moyen cruel et puis pendant longtemps, on a eu aussi un manque de volonté de politique pénale. Ce n’était pas la priorité des procureurs que d’aller chercher les violeurs. Le viol conjugal est le viol le plus répandu. Je rappelle quand même que la reconnaissance du viol entre époux par la Cour de cassation date de 1994. C’est très récent. On a aussi des blocages et des obstacles culturels à surmonter.
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Vous êtes partisane de la justice restaurative. Pensez-vous que ce serait vraiment bénéfique dans le cadre des violences sexuelles ?
Il faut chercher des alternatives, d’autres moyens de réparation, d’autres moyens de reconnaissance des victimes. Encore une fois, l’institution judiciaire déborde. Savez-vous qu’à Nantes en ce moment, devant la cour d’assises, il y a plus d’une centaine de dossiers qui sont en attente d’être jugés. On parle de plusieurs années d’attente…
C’est important pour vous de venir soutenir l’action d’une association locale ?
Je suis très honorée de cette invitation. C’est très important de se rendre là où l’information n’arrive pas nécessairement. Je suis très attentive au silence des femmes, particulièrement à celles qui sont en ruralité. Je pense également à celles qui sont en situation de handicap, aux migrantes, à toutes ces femmes pour lesquelles les obstacles sont encore plus difficiles à surmonter. Donc oui, je me réjouis de cette rencontre à Corcoué sur Logne.
Dédicaces et rencontre avec l’avocate Anne Bouillon le jeudi 26 juin, à 18 h 30, à la bibliothèque Place aux livres, place du marché, à Corcoué sur Logne. Entrée libre.
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