Englué dans une situation financière alarmante, le club rhodanien a été rétrogradé administrativement, mardi, par la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), qui l’avait déjà sanctionné à titre conservatoire en novembre.
France Télévisions – Rédaction Sport
Publié le 24/06/2025 21:18
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John Textor avec un chapeau de cow-boy avant un OL-PSG disputé au Groupama Stadium dans un contexte de tensions avec Nasser al-Khelaïfi, le 23 février 2025. (OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP)
Le couperet a fini par tomber pour John Textor et l’Olympique lyonnais. Conséquence d’une situation financière périlleuse, héritée de la fin de l’ère Jean-Michel Aulas et empirée par la gestion de l’homme d’affaires américain à la tête de la galaxie Eagle, Lyon a été rétrogradé administrativement en Ligue 2 par la DNCG, mardi 24 juin. Mais le club va faire appel de cette décision.
En attendant d’éventuels recours, qui devraient alimenter l’actualité tout l’été, il s’agit là de la fin d’une chronique annoncée depuis mi-novembre, lorsque le club avait écopé de la même sanction à titre conservatoire lors de son dernier passage devant le gendarme financier du football français. Un an après les Girondins de Bordeaux envoyés en National 2, c’est un nouveau monument national qui chute. Les signes avant-coureurs de ce nouveau séisme étaient nombreux.
Dès juin 2022, moment où l’ancienne direction avait révélé être entrée en négociations exclusives avec John Textor pour lui céder ses parts, l’enjeu économique avait posé question dans la capitale des Gaules. Outre les interrogations sur le modèle décrié de la multipropriété – Eagle Football détient également Botafogo (Brésil), Molenbeek (Belgique) et est en train de vendre celles minoritaires dans Crystal Palace (Angleterre) -, la vente de l’OL avait été, d’entrée, reportée à plusieurs reprises.
« Il reste aux parties à finaliser dans les prochaines semaines la documentation juridique, notamment pour les principaux financements d’Eagle Football », annonçait OL Groupe fin septembre 2022. L’opération a finalement été finalisée le 19 décembre de la même année. Initialement, Jean-Michel Aulas devait rester à son poste de président exécutif pendant trois années supplémentaires, le temps de préparer une transition douce. Mais des dissensions sur la politique sportive avec John Textor poussent ce dernier à l’écarter de ses fonctions le 5 mai 2023, mettant fin à 36 ans de règne du dirigeant qui a façonné l’OL.
L’ancien président de l’OL, Jean-Michel Aulas, lors de ses adieux au Groupama Stadium, le 27 mai 2023. (JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP)
Alors que le club n’a pas de Coupe d’Europe à jouer pour l’exercice 2023-2024, le nouveau président débarqué des Etats-Unis doit gérer, en première ligne cette fois, le début des déboires avec la DNCG à l’été. Face au manque de garanties apportées selon elle par John Textor, l’instance impose à Lyon un encadrement de sa masse salariale et des indemnités de mutations sur les transferts.
Contrairement aux projections prévues par le patron, le gendarme financier ne tient pas compte des ressources globales de la totalité de la galaxie Eagle, ne jugeant que les fonds propres des Gones. Commence donc une saignée des actifs de l’Olympique lyonnais. Le but pour John Textor ? Renflouer les caisses du club à court terme pour financer son train de vie.
Après les départs remarqués de Castello Lukeba (Leipzig) et de Bradley Barcola (PSG) en août, la DNCG lève les sanctions pour le mercato d’hiver. Et ce, également car le club planifie des cessions, effectives pour un total de plus de 100 millions d’euros dans le courant de l’année 2024, de la section féminine de l’OL, de la franchise américaine de l’OL Reign et de la LDLC Arena, une salle attenante au Groupama Stadium, sortie de terre dans les mois précédents, et qui génère d’intéressants revenus sur le long cours entre les événements et les matchs des basketteurs de l’ASVEL.
John Textor avec la nouvelle présidente de l’OL féminin Michele Kang, le 17 mai 2024 après la finale de D1 Arkema contre le PSG. (MAXPPP)
Parallèlement, un plan social est mis en place pour assainir la masse salariale du club, plus en accord avec sa réalité économique depuis la fin de sa période faste des années 2000. Une décision de bon sens mais pas forcément poursuivie lors des mercatos successifs. Si la dispendieuse fenêtre de l’hiver 2024 – plus de 80 millions d’euros pour sept joueurs (dont Nemanja Matic, Malick Fofana ou encore Orel Mangala) – a porté ses fruits pour sauver le club d’une relégation annoncée, celle de l’été suivant n’a pas eu les mêmes effets.
En cause notamment, le remplacement du prometteur Mamadou Sarr, vendu à Strasbourg pour prendre le défenseur Moussa Niakhaté (29 ans), ou encore le prêt payant de Wilfried Zaha (trois millions d’euros) pour seulement six matchs joués.
Ainsi, les fans n’ont pas été spécialement surpris lorsque la DNCG a prononcé une rétrogradation administrative en Ligue 2 en novembre dernier. « Nous ne serons pas relégués », martèle depuis John Textor, qui répète avoir investi un total de 293 millions d’euros dans les caisses du club. Reste qu’au 31 décembre dernier, Eagle Football Group (ex-OL Groupe) présentait un endettement financier net de trésorerie de 540 millions d’euros (contre 463 six mois plus tôt), selon un rapport détaillé.
Parmi les solutions proposées pour couvrir le déficit, John Textor promettait entre autres une entrée à la bourse de New York de sa holding, ainsi que des ventes des parts de Crystal Palace pour une quarantaine de millions de plus. Les deux opérations ne sont pas encore finalisées, même si celle du club londonien touche au but puisque un accord de vente a été annoncé. Résultat : les ventes promises cet hiver, que ce soit par Botafogo pour les comptes de l’OL ou par Lyon directement, n’ont pas suffi à satisfaire la DNCG. Pas plus que le départ début juin de Rayan Cherki à Manchester City pour 42,5 millions d’euros, dont six de bonus.
Il faut dire que, pour ne rien arranger à son cas déjà périlleux, l’Américain s’était payé l’instance en janvier dans un contexte de tensions avec le président parisien Nasser al-Khelaïfi. « L’influence du PSG sur la Ligue et la DNCG doit être regardée de plus près. La DNCG doit être particulièrement précautionneuse pour garder son indépendance vis-à-vis de la Ligue à laquelle elle ne devrait pas appartenir », avait-t-il déclaré dans un entretien à RMC. Une sortie qui, à défaut de ternir les bilans financiers du club, n’a pas aidé à plaider sa cause.
« Le football n’est pas différent de toute autre entreprise. Vous devez gagner pour être rentable », déclarait John Textor à la chaine américaine CNN quelques mois avant son arrivée à Lyon. Au moment où l’équipe va se préparer à évoluer au même échelon que Laval, Pau ou Troyes, le constat sportif est aussi un échec cuisant. « Textor, en trois ans c’est quatre entraîneurs, deux directeurs généraux, deux directeurs financiers, 1000 promesses », soulignaient les Bad Gones dans une banderole déployée mi-mai pour la dernière journée de Ligue 1, à l’issue de laquelle les Gones n’ont pu accrocher que la 6e place.
Quand Botafogo a signé un doublé championnat-Copa Libertadores, l’OL a de son côté payé l’instabilité de son effectif, comme de son organigramme sans cesse remanié. C’est simple, le club n’a pris, en moyenne, que 0,94 point par match en période de mercato sous la présidence Textor (contre 1,71 hors). Rédhibitoire pour viser un ticket en Ligue des champions qui aurait apporté des revenus plus que bienvenus.
Sur le terrain, ces trois années ont été, certes, ponctuellement émaillées de soirées mémorables entre Rhône et Saône, incarnées notamment par les retours en grâce successifs d’Alexandre Lacazette et de Corentin Tolisso. Mais la finale de Coupe de France et une qualification en Ligue Europa obtenue à la toute dernière minute de l’exercice précédent, au terme d’une folle remontée sous la houlette de Pierre Sage, ne feront pas oublier le début de saison 2023-2024 catastrophique sous Laurent Blanc puis Fabio Grosso, qui a fait craindre une descente sportive en Ligue 2.
L’entraîneur de l’OL, Paulo Fonseca, front contre front avec Benoît Millot lors du match contre Brest, le 2 mars 2025. (JEFF PACHOUD / AFP)
Idem pour la suspension de neuf mois contre Paulo Fonseca après avoir provoqué, tête contre tête, l’arbitre Benoît Millot lors du match contre Brest. Le successeur de Pierre Sage, choisi directement par John Textor quelques jours après le fiasco en Coupe contre Bourgoin-Jallieu (N3) en janvier, restera même le symbole de l’un des pires naufrages de l’histoire du club : le cauchemar d’Old Trafford contre Manchester United en quarts de finale de C3, avec trois buts encaissés en sept minutes dans la prolongation (5-4 a.p., 2-2 à l’aller).
Une élimination qui a plombé l’OL en cette fin de saison 2024-2025, l’éloignant de la C1 après une défaite contre Saint-Etienne (1-2). En attendant de savoir si le fond d’investissement Ares Management, prêteur de John Textor à hauteur de 400 millions d’euros, se manifestera pour tenter de sauver sa mise, les supporters lyonnais héritent d’un faible lot de consolation. Les Verts étant, eux, descendus sportivement en deuxième division, ils auront la possibilité de prendre leur revanche dans le derby plus tôt que prévu, si les recours de l’OL n’aboutissent pas.