Par
Joel Nandjui
Publié le
25 juin 2025 à 6h18
Les livreurs sont apparus dans le paysage urbain en même temps que l’éclosion des plateformes de livraison. Dans le 16e arrondissement de Paris, adossés à leurs scooters ou à des vélos électriques, ils patientent aux abords des grandes avenues, attendant qu’une commande à livrer leur soit assignée. Leur présence crée parfois certaines frictions avec les riverains. Cette situation est confirmée par les nombreuses plaintes reçues par les services de la mairie de secteur : « On en reçoit tous les jours », peut-on entendre dans les couloirs de l’hôtel de ville. Nuisances sonores, incivilités, encombrement de l’espace public, propreté sont les principaux griefs remontés par les résidents.
Une charte pour encadrer l’activité des livreurs
Une situation qui a poussé le maire, Jérémy Redler (LR), à mettre autour de la table les deux principales plateformes, Deliveroo et Uber Eats, pour limiter les perturbations liées à ce nouveau mode de consommation. Les échanges ont débouché sur la signature d’une charte entre la mairie et les deux entreprises. « Nous avons entamé des discussions il y a quatre ans et c’est la première fois qu’une mairie d’arrondissement signe une convention avec ces acteurs », souligne Thomas Forestier, directeur adjoint de cabinet du maire.
Signée lundi 24 juin 2025, elle favorise la création d’un canal de communication entre les livreurs et les acteurs pour remonter les plaintes, et la création d’une équipe chargée de traiter les doléances de la mairie. Deliveroo et Uber Eats se sont également engagées à coopérer avec la mairie et les services de la police municipale pour gérer les actions de réquisition.
« Cette signature nous a permis de formaliser un travail de longue date avec la mairie pour améliorer la qualité de vie des riverains et privilégier une meilleure communication entre les différentes parties prenantes », résume Rémi Mulemba, responsable des affaires publiques de Deliveroo France.
Dans certains secteurs auparavant problématiques, comme à proximité du McDonald’s de Passy et à la Porte de Saint-Cloud, le travail de la mairie a déjà commencé à porter ses fruits avec une baisse des plaintes des habitants. Une zone a encore du mal à être régulée et cristallise les tensions : l’avenue Victor-Hugo et sa place éponyme.
Des riverains partagés
Devant l’église Saint-Honoré d’Eylau, qui jouxte cette place, Élisabeth ne mâche pas ses mots contre les livreurs : « Ils sont sans gêne, ils ne respectent rien et ils nous empêchent de circuler sur le trottoir. » « Je ne vois pas ce que fait la mairie », poursuit l’habitante, présente dans le quartier depuis quarante ans.
Suzanna, qui a emménagé dans le quartier depuis moins longtemps, en promenade avec son chien, pointe du doigt l’insécurité que crée la multiplication du recours aux livreurs : « Les codes des immeubles circulent un peu partout, on ne sait pas qui y rentre, c’est ce que je trouve dangereux », affirme-t-elle. D’autres habitants sont moins durs : « Je n’ai jamais eu de problèmes avec eux », avoue spontanément Nathalie. Marc, qui s’est installé dans le quartier il y a deux ans, est plus sarcastique sur la question : « Les gens, s’ils veulent la tranquillité, qu’ils aillent à la campagne. »
À la sortie de la bouche de métro de la ligne 2, Lionel plaide, lui, pour la création d’espaces d’attente dédiés aux livreurs. « Ça permettrait d’éviter qu’ils soient regroupés au même endroit sur les trottoirs et qu’ils gênent les passants », explique-t-il. Une idée évoquée dans la charte, mais pas encore mise en place. La réflexion sur le développement de telles zones va être engagée entre la mairie et les deux entreprises de livraison.
Les zones blanches comme solution ?
D’autres collectivités, comme la ville de Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, ont opté pour une solution plus radicale avec la mise en place de zones blanches. Ces aires circonscrites, au sein desquelles l’application ne fonctionne pas, empêchant ainsi les livreurs de recevoir des commandes à cet endroit. Elles sont déployées à la demande de la collectivité. Chez Uber Eats, qui est le seul acteur à pouvoir développer cette solution, on milite pour un usage limité de cette technique. « Aujourd’hui, nous privilégions la création d’un cadre de concertation, comme avec la mairie du 16e arrondissement, pour trouver des solutions pérennes à ces situations de nuisance », détaille Louise Pasin, porte-parole d’Uber.
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