Par

Léa Pippinato

Publié le

25 juin 2025 à 8h52

Une remorque transformée en four à pain, des séjours à Bruxelles, du parapente pour les jeunes filles du quartier… L’association Pour Toutes n’a rien d’ordinaire. Derrière ce nom, une volonté tenace : ouvrir les horizons, sans jamais enfermer.

En 2010, Fatima Malouane n’imaginait pas que son projet allait autant grandir. « On voulait juste sortir les femmes de leur rôle d’épouse et de mère. » Dans le quartier Paul-Valéry, à Montpellier, elle crée l’association Pour Toutes avec une amie. Rapidement, les demandes affluent. Certaines femmes veulent découvrir autre chose, respirer, penser à elles. « On a voulu abattre les murs invisibles du quartier. » Pas des murs de béton. Des murs sociaux, symboliques. L’association commence sans local, avec une dizaine d’adhérentes. Pendant sept ans, Fatima accueille l’accompagnement à la scolarité chez elle. « C’était du bricolage, mais il y avait une vraie demande. » Aujourd’hui, l’association a ses propres locaux et un réseau solide de bénévoles.

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Éduquer, sans imposer

Dès la première année, des ateliers d’aide aux devoirs se mettent en place. Une dizaine de bénévoles se relaient deux fois par semaine. Ils accompagnent les enfants du CP au lycée. Une bibliothèque s’installe avec les livres de Fatima, récupérés à domicile. Les enfants les empruntent, les lisent, les ramènent. Parfois, ils les gardent. « Un jour, un petit m’a demandé s’il pouvait garder son livre préféré. Je lui ai dit oui. Un bon livre, c’est fait pour être transmis. » Le dispositif s’étend naturellement aux parents. Les ateliers d’accompagnement à la parentalité prennent forme, trois fois par semaine. Ils rassemblent une dizaine de mères autour de jeux, de discussions, de pratiques éducatives. Les échanges sont confidentiels, ce qui crée un climat de confiance. On y aborde les tensions familiales, les rendez-vous médicaux, les problèmes d’écoute avec les enfants.

Dans la petite bibliothèque de l’association, les enfants empruntent librement des livres.
Dans la petite bibliothèque de l’association, les enfants empruntent librement des livres. (©Métropolitain / LP)

L’association s’est peu à peu professionnalisée, avec des financements de la CAF, de la Ville et de l’État. « Mais on faisait déjà tout ça avant même de savoir que ça avait un nom ou des aides », précise Fatima. « Ce sont les besoins, exprimés par les femmes elles-mêmes, qui guident les projets. Je ne programme rien. Je fais si elles demandent. »

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Leur projet le plus singulier, c’est sans doute le four à pain. L’idée vient d’un souvenir d’enfance. « Quand on allait en vacances, il y avait un four. Les femmes discutaient, les enfants jouaient. On partageait du pain. C’était vivant. » Un jour, une amie lui demande : « Tu pourrais en construire un ? » Elle n’a jamais fabriqué de four, mais elle essaie. Deux ans plus tard, le four est prêt. Monté sur une remorque, il peut se déplacer de quartier en quartier. Il a circulé dans la Paillade, les Maisons pour Tous, et les événements locaux. Il est devenu un objet de lien, si bien que d’autres associations s’en inspirent.

« Ce sont les besoins, exprimés par les femmes elles-mêmes, qui guident les projets. Je ne programme rien. Je fais si elles demandent. »

Fatima Malouane
Présidente de l’Association Pour Toutes

Des sorties pour respirer

L’association propose aussi des voyages, souvent inattendus. En 2012, direction Bruxelles. Trente adhérents découvrent la ville et visitent le Parlement européen. « Voyager, c’est vivre. Ça permet de sortir de chez soi, mais aussi de sa tête. » Les sorties sont nombreuses : à Palavas, pour déguster des gaufres, ou en parapente pour les jeunes filles du quartier. « C’est un sport inaccessible ici. Pourtant, elles l’ont fait, gratuitement. » Parfois, les femmes viennent avec leur mari ou leurs enfants. D’autres fois, elles partent seules. « C’est leur choix. L’important, c’est qu’elles décident. »

Le 9 novembre prochain, l’Association Pour Toutes fêtera ses 15 ans à la Maison pour Tous Marcel Pagnol. L’événement est ouvert à tous, comme toujours. Une participation symbolique à l’entrée aidera à financer la fête, mais personne ne sera refusé. « On n’a jamais réservé nos événements aux seuls bénéficiaires », insiste Fatima. Elle se souvient d’une fête précédente, un mariage berbère organisé dans la Salle des Rencontres de l’Hôtel de Ville. « Des gens sont venus de Marseille, Montélimar, Montbrison. Personne ne me croyait. Mais ils sont venus. À 22h30, il n’y avait plus rien à vendre. Les gens allaient acheter des sandwichs dehors pour revenir dans la salle », raconte-t-elle, encore amusée.

« Adhérer, ce n’est pas payer. C’est participer. Une femme qui prépare un gâteau pour une vente, c’est une adhérente. Même si elle ne donne pas un centime. »

Fatima Malouane
Présidente de l’Association Pour Toutes

L’association fonctionne avec une cotisation annuelle de 15 euros. Mais pour Fatima, l’engagement va bien au-delà. « Adhérer, ce n’est pas payer. C’est participer. Une femme qui prépare un gâteau pour une vente, c’est une adhérente. Même si elle ne donne pas un centime. » Chacun est un maillon d’une chaîne. Une chaîne souple, où chaque personnalité compte. Et tout le monde est bienvenu : enfants, hommes ou femmes. De zéro à 90 ans !

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