Marvel Fusion, un pari à 385 millions d’euros pour l’énergie du futur.
Une entreprise allemande, encore peu connue du grand public mais qui va faire parler d’elle, vient de lever 113 millions d’euros : Marvel Fusion, basée à Munich. Cet appel de fond va leur permettre de quitter le laboratoire pour construire un prototype de réacteur à fusion nucléaire utilisant la technologie de l’impulsion laser.
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La fusion par confinement inertiel au laser, que veut maitriser Marvel Fusion consiste à faire fusionner deux noyaux atomiques légers en un noyau atomique plus lourd (par exemple le deutérium et le tritium en hélium), en utilisant des lasers de très forte puissance. Une approche bien différente des tokamaks comme ITER comme nous allons le voir. Et bien plus rapide à mettre en œuvre. En théorie.
Récapitulatif des technologies testées pour atteindre la fusion nucléaire
Des lasers ultracourts pour percer la matière
Marvel Fusion ne cherche pas à chauffer un gaz avec un confinement magnétique comme le fait ITER. Son idée repose sur une autre recette : bombarder des microbilles de carburant avec des impulsions laser de très haute intensité, pendant une durée de quelques femtosecondes (10 puissance -15 seconde ou 0,000000000000001 seconde).
Chaque microbille — appelée pellet — contient des isotopes d’hydrogène. Le laser ultra-puissant injecte son énergie si vite que la matière n’a pas le temps de se disperser. Ainsi les noyaux fusionnent, la température explose, et de l’énergie est libérée.
Un peu comme si on déclenchait une micro-explosion, mille fois par seconde, dans un cylindre de métal. Ce rythme effréné est l’un des défis techniques majeurs : il faut injecter les pellets à très haute fréquence, viser parfaitement avec le laser, puis convertir immédiatement la chaleur produite en électricité.
Une levée de fonds en pleine accélération
La société vient d’obtenir 113 millions d’euros supplémentaires, portant son financement total à 385 millions. Parmi les investisseurs : EQT Ventures, Siemens Energy et même le Fonds du Conseil européen de l’innovation (EIC).
Une telle somme dépasse largement les budgets habituels pour des start-ups énergétiques en Europe, ce qui reflète une attente stratégique : l’Europe, sortie du nucléaire traditionnel en Allemagne, cherche une alternative nationale à la dépendance énergétique.
Marvel Fusion n’est plus un projet de garage. Elle construit actuellement deux prototypes de laser et prévoit une usine pilote aux États-Unis, à Colorado State University, pour 150 millions de dollars pour tester la faisabilité industrielle de sa méthode.
Un partenariat technologique qui pèse lourd
Le géant Siemens Energy ne veut pas être un simple chéquier ambulant et développe avec Marvel Fusion un design de centrale électrique fondé sur la fusion laser. Autrement dit : à quoi ressemblerait une centrale à fusion ? Comment gérer le cycle thermique, l’électronique de contrôle, la maintenance, et l’intégration au réseau électrique européen ?
Ce partenariat est capital pour franchir le cap de l’ingénierie lourde. Marvel Fusion a besoin d’une chaîne logistique robuste pour produire ses lasers, d’un réseau de fournisseurs et d’un système de refroidissement performant. Siemens Energy apporte cette expertise, acquise dans les centrales à gaz, les turbines et les infrastructures critiques.
Un fonctionnement pensé pour s’adapter au réseau
Le principe est ingénieux : au lieu d’un plasma continu comme dans ITER, Marvel Fusion module sa production en ajustant le nombre d’impulsions laser et le rythme d’injection des pellets. Ce pilotage permettrait de s’adapter aux fluctuations de la demande. Pour y parvenir, il faudra une précision mécanique et optique sans faille, capable de fonctionner des milliers d’heures sans interruption. Une prouesse d’ingénierie encore en cours de conception.
Un contexte politique très favorable en Allemagne
Depuis la fermeture de ses dernières centrales nucléaires en 2023, l’Allemagne a redirigé une partie de ses investissements vers la fusion, en espérant que ce secteur permette de produire une électricité non carbonée sans recourir à l’uranium ni au gaz russe.
L’objectif est clair : disposer d’une première centrale à fusion en fonctionnement avant 2040. Marvel Fusion est l’un des rares acteurs à proposer un calendrier aussi ambitieux. L’entreprise n’a cependant pas encore démontré un rendement énergétique net positif (l’objectif ultime), c’est-à-dire produire plus d’énergie qu’elle n’en consomme pour déclencher la réaction de fusion.
Mais si les tests en laboratoire se confirment, l’Allemagne pourrait bien devenir le premier pays à connecter une centrale à fusion laser au réseau électrique. Qui a dit que l’Allemagne n’aimait pas le nucléaire ?
Source (image et texte) : Marvel Fusion