Trois ans de travail vont se concrétiser au Carreau du Temple ce dimanche 29 juin pour la créatrice Sakina M’Sa. L’une des pionnières de la mode écoresponsable signe son retour sur les podiums avec le label M/SA (Makers of Sustainable Aesthetics). Au programme: un prêt-à-porter de luxe mixte et upcyclé, avec lequel elle espère conquérir les multimarques et autres clients potentiels invités au défilé.
Sakina M’Sa lance sa nouvelle marque M/SA ce dimanche 29 juin – Julie Lagier pour M/SA
La créatrice franco-comorienne présentera la collection printemps-été 2026 de sa nouvelle marque. Intitulée “The Pure”, cette première collection s’inscrit dans la démarche durable qu’a menée Sakina M’Sa tout au long de sa carrière. Ainsi, 80% des matériaux utilisés dans cette collection sont issus de stocks dormants de maisons de luxe, de vêtements invendus cédés par des marques ne pouvant pas les détruire ou par des centres de tri européens. Et ce sont les employés d’un atelier d’insertion professionnelle qui s’occupent de la confection des pièces, au sein de la manufacture Berlier, dans le XIIIe arrondissement de Paris.
Mais ce qui importe aujourd’hui à Sakina M’Sa va au-delà de la durabilité : pour la créatrice, c’est un défi esthétique. Elle explique: “Je suis une des pionnières de la mode durable en France. Mais avant tout, j’ai fait une école de mode. Ce qui m’intéresse, c’est la désirabilité d’un produit. C’est bien évidemment comment il va vivre, tout ce qu’il y a derrière, mais tout ça, en réalité, ce n’est presque pas le plus important parce que ça devient normal.”
Des collections “scalables”
Derrière ce label naissant, la créatrice fait passer la mode durable et l’upcycling à grande échelle, en étant capable de répondre à la demande de ses futurs distributeurs. Cette capacité est une nouveauté dans son processus de production. D’abord à la tête de sa marque éponyme, elle défile à la Fashion Week entre 2001 et 2012, soutenue par la Fédération de la haute couture et de la mode et son président de l’époque, Didier Grumbach. En 2013, bouleversée par la catastrophe du Rana Plaza, elle se rend au Bangladesh, où le décalage entre sa vision de la mode et la réalité des ouvrières textiles locales la frappe. Ses revendications écologiques sont inconcevables pour ces travailleuses qui, elles, doivent absolument travailler quelles que soient leurs conditions de travail.
Cette première collection est constituée à 80% de matériaux surcyclés – Julie Lagier pour M/SA
À son retour en France, elle prend la décision de se mettre en retrait de la création, et met un terme à ses collections et à ses défilés. La créatrice ne produit qu’un t-shirt et un sweat-shirt par an, deux pièces qui incarnent le mieux notre siècle, selon elle, et y appose des messages politiques. Sa marque éponyme Sakina M’Sa est reprise en 2015, et la designer reprend peu à peu du service à la création. Elle se prend à nouveau au jeu des collaborations et produit des collections durables avec Monoprix et La Redoute en 2022.
Lier la beauté au social
La marque Sakina M’Sa laisse aujourd’hui place au label de luxe M/SA, car la designer en a fini d’observer le monde. “Ce qui va arriver dimanche, c’est un peu une conclusion que j’ai eue il y a deux ou trois ans, où je me suis dit qu’en fait, il faut montrer. Je n’ai pas envie d’être une donneuse de leçons. Je pense que le meilleur talent quand tu es expert, c’est de savoir mettre les mains à la pâte et d’être un peu opérationnel”, explique-t-elle.
Au-delà de son sourcing et de sa production durables, la marque M/SA est le moyen pour Sakina M’Sa de poursuivre dans sa quête du beau au service du social. Arrivée à Bagnolet (à l’est de Paris) à 19 ans, la designer a toujours activement œuvré sur le plan social. Avec son projet « Décoller l’étiquette », la styliste a accompagné nombre de jeunes du département de Seine-Saint-Denis à l’aide d’ateliers de surcyclage, qu’elle poursuit après son intégration au calendrier In des créateurs. “Ces ateliers montraient comment le vêtement peut être un sujet d’insertion, de remobilisation sur l’estime de sa vie, sur l’estime de soi. L’un des projets nous a conduits en 2007 au Petit Palais avec l’Étoffe des héroïnes, une exposition montrant tout ce que j’avais fait avec ces jeunes”, confie-t-elle.
Le langage de la couture
L’énergique entrepreneuse poursuit: “Ce qui m’a toujours intéressée, c’était de lier la beauté au social, parce que ces gens le valaient bien. Je le valais bien quand je suis sortie de ma cité, quand je n’avais aucun code de la mode et que je ne connaissais personne. Je suis arrivée à Paris avec rien, comme beaucoup de personnes, mais je trouvais que je méritais d’avoir de belles choses.” Un second engagement qui lui a valu une large couverture médiatique est son implication d’une décennie auprès de la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis. En 2012, elle fait ainsi défiler des femmes incarcérées après que l’une d’entre elles lui a confié qu’elle rêvait d’être mannequin.
Les pièces M/SA sont fabriquées par les employés d’un atelier d’insertion dans le XIIIe arrondissement de Paris – Julie Lagier pour M/SA
Avec son label M/SA, la créatrice poursuit dans cette démarche d’inclusion et d’insertion des personnes au parcours difficile. Dans l’espace de la manufacture Berlier, les employés de l’atelier s’activent parmi les pièces de tissus, les fils et les outils. Car s’il y a bien quelque chose qui parvient à faire fonctionner cette équipe aux horizons différents, c’est l’expertise. Sakina M’Sa le confirme: “Certains primo-arrivants ne parlent pas bien français mais ils savent bien coudre, parce qu’ils ont été de super mécaniciens, de super monteurs dans leur pays… On sait que la couture est un langage ! On leur crée de l’emploi, et cela nous permet de créer de la beauté, mais aussi de la valeur humaine.”
Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2025 FashionNetwork.com