L’illusion était parfaite. Un garçon au maillot blanc et bordeaux avec un casque immaculé débordant sur l’aile gauche pour planter trois essais en demi-finale du Top 14, tout le monde aurait pu croire qu’il s’agissait de Louis Bielle-Biarrey, le serial marqueur de l’UBB. Mais, samedi, face à Toulon, c’est le talonneur Maxime Lamothe qui lui a volé la vedette. Pendant que ses coéquipiers terrassaient le RCT, « Bip Bip » regardait tout ça depuis les tribunes du Groupama Stadium.

Victime d’une commotion cérébrale face à Vannes, lors du dernier match de la saison régulière de Top 14 le 7 juin, Bielle-Biarrey avait encore un peu la tête dans le vague, fatigué, pris de vertiges et sensible au bruit mis par les 60.000 spectateurs du stade lyonnais, selon RMC. « Vous l’avez peut-être vu, je le trouve blême, il ne dégage pas un état d’énergie, une forme optimale », expliquait Yannick Bru, le coach bordelais, après la rencontre pour expliquer l’état de forme de son poulain.

Ultra-sollicité cette saison

Interrogé par Canal+ avant la demie, l’ancien ailier grenoblois confiait espérer être présent pour la finale face au Stade Toulousain, samedi au Stade de France. Après avoir validé les tests en début de semaine, le nouveau chouchou du rugby français devrait donc bien postuler pour tenter de remporter le premier Bouclier de Brennus de l’histoire de l’UBB, rapporte Sud Ouest. Pourtant, mardi, en conférence de presse, l’entraîneur de la défense Christophe Laussucq indiquait que son joueur ne s’était pas entraîné et que les protocoles devaient être respectés.

LBB avait réalisé un match énorme lors de la demi-finale de Champions Cup contre le Stade Toulousain, le 4 mai 2025. LBB avait réalisé un match énorme lors de la demi-finale de Champions Cup contre le Stade Toulousain, le 4 mai 2025.  - Daniel Vaquero/SIPA

Alors comment expliquer que LBB mette « autant » de temps à se remettre de cette commotion ? « Il y a des joueurs qui font de nombreuses commotions et qui ne s’en plaignent jamais et d’autres qui en font moins et des moins fortes, en tout cas sans perte de connaissances, sans signe de gravité, et qui ont du mal à s’en remettre, témoigne l’ancien neurochirurgien Jean Chazal. On pense que certains sont protégés génétiquement des commotions. »

A tout juste 22 ans, Louis Bielle-Biarrey a été énormément sollicité cette année, que ce soit avec le XV de France ou l’UBB, avec qui il est allé au bout des deux compétitions. Il a ainsi disputé 29 rencontres (33 essais), avec 2.237 minutes de jeu dans les jambes, plus que tout autre international français. « Louis a énormément donné depuis deux ans, assurait son entraîneur. On lui demande beaucoup. C’est vrai que les chocs qu’il reçoit lui, ce ne sont pas les chocs que reçoit Cyril Cazeaux ou que reçoit Marko Gazzotti [deuxième et troisième ligne], donc Louis, je pense que ça va être compliqué [pour la finale]. »

« Le cerveau est mature à 25 ans »

« Bien sûr que c’est inquiétant, affirme Jean Chazal. Louis n’a que 22 ans et il est admis que le cerveau n’est totalement mature qu’à l’âge de 25 ans, particulièrement dans le cortex frontal, la partie la plus importante, la plus volumineuse du cerveau, pour ce qui concerne notamment la myélinisation, c’est-à-dire les gaines protectrices des neurones. Avant 25 ans, il est évident qu’un cerveau en pleine évolution et en plein développement qui subit des traumatismes à répétition est plus fragile et les effets à long terme risquent d’être plus importants. »

D’autant que le gamin a déjà eu quelques épisodes traumatiques cette saison : il avait ainsi été pris de vertiges avant de prendre part au rassemblement du XV de France pour le Tournoi des VI Nations, selon RMC et il a été mal en point lors de la finale de Champions Cup face à Northampton : « Loulou a fait des malaises, il s’est endormi dans le bus entre l’hôtel et le stade. Après son premier plaquage, il a dit « Je ne sais plus trop ou je suis » », racontait ainsi le président bordelais Laurent Marti.

« Non seulement il y a les commotions avérées, c’est-à-dire qui entraînent des symptômes comme c’est le cas en ce moment, mais il y a aussi tout le processus des sub-commotions, sans symptôme, reprend l’ancien neurochirurgien. Mais l’accumulation finit par avoir des conséquences néfastes et rendre ces traumatismes asymptomatiques symptomatiques. » Sans parler de ses vomissements à répétition que le joueur et le staff attribuent au stress et à la pression.

« Des joueurs ont arrêté leur carrière pour ça »

« On s’est penché sur le sujet par rapport à son stress, son effort et son alimentation d’avant-match. C’est une combinaison des trois mais visiblement, nous n’avons pas bien trouvé la solution », estimait Yannick Bru. Selon Jean Chazal, les vomissements à répétition ne sont pas des symptômes propres aux commotions cérébrales, même si ces dernières peuvent engendrer des réactions « inattendues, difficiles à établir ».

Alors, le retour de Louis Bielle-Biarrey est-il précipité : le spécialiste estime que le joueur doit s’attacher à se reposer, retrouver une vie « normale », avant de revenir sur les terrains de rugby, lui qui sera épargné par la tournée des Bleus en Nouvelle-Zélande en raison de son fort temps de jeu. « Je ne connais pas son dossier, mais tant qu’il est symptomatique, il faut qu’il arrête le rugby, il faut du temps, reprend Jean Chazal. J’ai connu des joueurs qui ont arrêté leur carrière pour ça, très jeunes. »

Louis Bielle-Biarrey n’en est pas encore là. Mais tout le club bordelais sait que, malgré un titre de champion de France en jeu, la santé du joyau de la Garonne est plus importante, comme l’a rappelé Maxime Lamothe. S’il postule bien pour la finale, rien ne dit encore que Yannick Bru prendra des risques en l’alignant face à Toulouse. Et vu que Lamothe a pris ses habitudes pour conclure les offensives girondines, il n’y a vraiment pas péril en la demeure.