C’est une première : les émissions de gaz à effet de serre du Royaume-Uni ont baissé de -50,4 % en 2024 par rapport à 1990, selon le rapport, publié ce mercredi, par le Climate Change Committee, l’organisme chargé de conseiller le gouvernement britannique sur sa politique climatique. Ce qui fait du pays « la première grande économie à diviser par deux ses émissions », est-il précisé. Celles-ci ont atteint 413,7 millions de tonnes équivalent CO2 (MtCO2e) l’année dernière, contre 834,4 MtCO2e vingt-quatre ans plus tôt.
À noter qu’en mars, le gouvernement britannique avait fait état d’un recul de -54 % des émissions du Royaume-Uni pour 2024. La différence avec le chiffre avancé dans ce rapport s’explique par les données prises en compte. L’exécutif n’a pas inclus dans son calcul les émissions liées au transport aérien et au transport maritime international, contrairement au CCC. Sans ces émissions, le total des émissions britanniques s’élève à 371,4 MtCO2e l’année dernière, contre 810,7 MtCO2e en 1990, soit, en effet, une baisse de -54 %.
Coup d’accélération depuis 2008
« Les émissions totales ont diminué régulièrement depuis 1990 », mais le rythme s’est néanmoins accéléré à partir de 2008 et l’introduction de la loi sur le changement climatique, pointe l’étude. Dans son « Climate Change Act », le pays s’est fixé un objectif de réduction de ses émissions de sorte à atteindre la neutralité carbone en 2050.
Ainsi, entre 1990 et 2008, les émissions du Royaume-Uni ont baissé au total de 130,6 MtCO2e, soit 7,3 MtCO2e en moyenne par an. Avant que la vitesse supérieure soit passée : entre 2008 et 2024, elles ont reculé de 290,1 MtCO2e, c’est-à-dire 18,1 MtCO2e en moins chaque année en moyenne.
La loi de 2008 « a consolidé la position du Royaume-Uni comme leader international dans la lutte contre le changement climatique », indique le CCC sur son site internet. « Depuis son adoption, d’autres pays ont aussi adopté leur propre législation, et nombre d’entre eux se sont inspirés de la loi britannique sur le changement climatique ».
Des propos confirmés par l’Agence internationale de l’énergie (AIE). « Le Royaume-Uni a été l’une des premières grandes économies à se fixer légalement un objectif de zéro émission nette, en 2019 », relève-t-elle dans son rapport annuel de la politique énergétique du pays, paru en août 2024. Et d’ajouter : « Il a également été l’un des premiers à établir des budgets carbone et une tarification du carbone juridiquement contraignants, ainsi qu’à créer un organisme indépendant, le Comité sur le changement climatique, doté de l’autorité légale de suivre les progrès du gouvernement vers ses objectifs climatiques ».
L’abandon des énergies fossiles comme facteur déterminant
Parmi les grandes mesures prises ou intensifiées par la loi de 2008, la baisse du recours aux énergies fossiles pour l’approvisionnement en électricité du pays. Ce secteur « a été le principal moteur des progrès récents en matière de décarbonation, représentant 49 % des réductions annuelles depuis 2008 », souligne le CCC. Ses émissions sont ainsi passées de plus de 200 MtCO2e en 1990 à moins de 40 MtCO2e en 2024 (-82 %).
Pour y parvenir, le pays a tiré une croix sur le charbon, fermant en septembre 2024 sa dernière centrale électrique utilisant ce combustible ultra-polluant. Les émissions liées au charbon sont désormais proches de zéro, contre plus de 180 MtCO2e en 1990 et encore plus de 100 MtCO2e en 2008. Dans le même temps, le Royaume-Uni a restreint sa production d’électricité à partir du gaz. Les émissions correspondantes ont été deux fois moins élevées l’année dernière comparées à 2008.
Ces énergies fossiles ont été remplacées par les renouvelables, particulièrement l’éolien, le solaire et l’hydraulique. Un changement de cap que le pays compte poursuivre. « Une augmentation de la capacité de production d’énergie renouvelable est attendue d’ici la fin de l’année prochaine », indique le CCC. Le gouvernement entend aussi développer le nucléaire, en témoignent les récentes annonces d’investissement dans des projets de centrales.
L’aviation pourrait tout gâcher
Le secteur industriel est aussi pour beaucoup dans la baisse des émissions totales du Royaume-Uni. Car les énergies fossiles utilisées pour faire marcher les usines ont également laissé progressivement la place à des sources moins polluantes. Exemple à l’appui avec la suppression en 2024 des hauts fourneaux de l’aciérie de Port Talbot, dans le sud du Pays de Galles, qui devraient être remplacés par des fours à arc électrique d’ici 2027. Les émissions de l’industrie sont ainsi passées de 155 MtCO2e en 1990 à 48,3 MtCO2e l’année dernière (-69 %).
Les autres principaux secteurs ont contribué au recul des émissions dans une moindre mesure, enregistrant également une diminution de leurs niveaux mais plus faible (-15 % pour les transports et l’agriculture depuis 1990, -27 % pour le bâtiment).
L’aviation, en revanche, a vu ses émissions augmenter de +133 % en raison de « la demande croissante de vols internationaux, notamment de loisirs », précise le CCC. Avant d’alerter : « Il est encore trop tôt pour dire si les émissions du secteur [aérien] continueront de croître ou stagneront à un niveau proche de la moyenne relativement stable observée au cours de la décennie précédant la pandémie. Cependant, le taux de croissance de l’année écoulée est préoccupant et les évolutions futures devront être surveillées de près ».
Augmenter encore les efforts
Si le CCC estime que le Royaume-Uni « peut être fier de ses progrès pour réduire ses émissions », il le met en garde sur les défis à venir. Le pays doit encore accélérer l’abandon des énergies fossiles et le développement des renouvelables, « surtout en ces temps d’instabilité géopolitique », prévient-il.
Globalement, « le rythme de réduction des émissions devra s’accélérer » pour atteindre les objectifs fixés. À savoir une baisse des émissions, par rapport à 1990, de -68 % en 2030 puis -81 % en 2035 avant la neutralité carbone en 2050. « Cela nécessitera de plus en plus de se concentrer sur les transports, le bâtiment, l’agriculture et l’aviation », expose le CCC. Beaucoup de chemin reste donc à faire.