Le nouveau Comité consultatif sur les pratiques de vaccination (ACIP), remanié par le ministre américain de la Santé, Robert F. Kennedy Jr., a ouvert ses travaux ce mercredi dans un climat pour le moins tendu.
Dès sa première réunion, ce panel d’experts nommés par RFK Jr. – connu pour ses opinions vaccinosceptiques – fait l’objet de vives critiques, après qu’une étude inexistante a été mentionnée dans une présentation officielle.
Un comité renouvelé « antivax »
Ce comité, qui conseille les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) – la principale agence sanitaire du pays, a récemment été totalement renouvelé. Le ministre avait limogé les 17 membres précédents, les accusant de « conflits d’intérêts financiers », avant de nommer huit nouveaux membres au profil non moins controversé. Parmi eux, un biochimiste très populaire dans les cercles « antivax ».
Parmi les sujets abordés figure le thiomersal, un conservateur contenant du mercure, qui a été retiré de la plupart des vaccins en 1999, mais encore présent dans certains vaccins antigrippaux. S’il n’a pas démontré de danger à faible dose, son inclusion au programme du comité alimente les tensions.
Une étude « fictive »
Lyn Redwood, infirmière et ancienne présidente de l’organisation Children’s Health Defense (cofondée par RFK Jr.) doit présenter ce jeudi un exposé sur le thiomersal. Or ses diapositives, publiées en ligne en amont de la réunion, citent une étude fictive, prétendument intitulée Exposition néonatale à de faibles niveaux de thiomersal : les conséquences à long terme sur le cerveau (2008).
Une étude qui n’existe dans aucune base scientifique. Ces éléments de la présentation ont depuis été modifiés. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce genre « d’incident » est noté au sein des équipes du ministre de la Santé américain : il y a quelques semaines, un rapport « Make America Healthy Again » avait lui aussi cité de nombreuses fausses études pour argumenter ses travaux de recherche.
Rancœurs personnelles et expertises scientifiques
Le professeur Paul Offit, expert en vaccins au Children’s Hospital de Philadelphie (Pennsylvanie), rappelle que ce composant « contenu dans ces vaccins n’a jamais contribué de manière significative à la grande quantité de mercure à laquelle nous sommes exposés en vivant sur cette planète. »
Le président du comité, Martin Kulldorff, a quant à lui ouvert la séance de ce mercredi en évoquant son éviction de l’Université de Harvard où il enseignait la médecine, pour avoir refusé la vaccination anti-Covid. Il a annoncé la création d’un nouveau groupe de travail chargé d’évaluer la pertinence de la vaccination contre l’hépatite B chez les nouveau-nés, une initiative qui suscite déjà bon nombre de critiques dans la communauté médicale. Pour Amesh Adalja, infectiologue à l’Université Johns Hopkins, « l’intérêt d’une vaccination contre l’hépatite B des nouveau-nés, avant de quitter la maternité, est bien documenté et établi, mais c’est une vieille lubie du mouvement anti-vaccin. »
Notre dossier sur les États-UnisUn comité « exutoire » de la « propagande antivaccin »
Kulldorff a également déclaré que le comité pourrait « se pencher sur de nouvelles recherches » concernant le vaccin combiné contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (le ROR) et la varicelle, « afin de résoudre des objections religieuses » que certains parents auraient. Le pays subit pourtant une épidémie de rougeole depuis quelques mois.
Les recommandations de l’ACIP influencent directement les obligations vaccinales dans les écoles, mais aussi les remboursements par les assurances médicales. Pour Amesh Adalja, ce comité « va devenir un exutoire pour la propagande antivaccin, et sera de moins en moins pertinent pour la pratique de la médecine. »