Par

Nicolas Zaugra

Publié le

25 juin 2025 à 16h16
; mis à jour le 25 juin 2025 à 16h20

En juillet 2020, à peine élu, le maire écologiste de Lyon Grégory Doucet qui a remplacé Gérard Collomb, baron local indétrônable, acte « l’état d’urgence climatique » dans la troisième ville de France. À partir de ce constat alarmant, la politique municipale doit suivre une boussole prioritaire : adapter la capitale des Gaules, peu conforme aux attentes du 21ème siècle.
Parmi les sujets phares qui ont motivé les Lyonnais à sauter dans l’aventure écologiste : la promesse de verdir la ville de 520 000 habitants, plus dense (10 879 hab./km2) que New-York, Londres ou Madrid et révolutionner l’aménagement urbain. Lyon compte alors trop de quartiers dépourvus d’arbres et d’espaces verts.

🗳 Élections municipales 2026 : un dossier spécial des rédactions d’actu.fr

Cet article fait partie du quatrième épisode de notre dossier spécial consacré aux maires de France qui font bouger les lignes, à l’occasion des élections municipales de mars 2026.

Dans ce dossier, « Écologie locale : le chantier de l’impossible ? », les rédactions d’actu.fr explorent les initiatives portées par les élus municipaux pour contribuer, à leur échelle, à la transition écologique.

À noter, les questions liées à l’alimentation et aux transports seront davantage développées dans de prochains épisodes.

🔎 Découvrez ici tous les articles de cet épisode
🔎 Ainsi que tous les épisodes de notre série « Ces maires en action »

« On ne végétalise pas uniquement pour faire beau »

Cinq ans après leur arrivée au pouvoir, à la tête de la Ville et de la Métropole (ce qui facilite l’avancée de nombreux grands projets), les élus écologistes se targuent d’un bilan positif.

« Notre action de végétaliser prend désormais en compte les enjeux de santé, on ne le fait pas uniquement pour des raisons esthétiques ou juste pour rafraichir, comme c’était le cas avant », affirme Gautier Chapuis, adjoint au maire écologiste de Lyon, délégué à la Végétalisation.

Nous avons beaucoup de compétences à la Ville sur l’horticulture, c’est historique. On a changé de dimension en termes de quantité et de qualité de végétalisation. Nous ne faisons pas que du beau, on réfléchit à l’utilité pour la santé. Cette vision globale a changé par rapport aux mandats de Gérard Collomb.

Gautier Chapuis, adjoint au maire écologiste de Lyon, délégué à la Végétalisation

L'adjoint au maire en charge de la végétalisation Gautier Chapuis dans une rue piétonne végétalisée durant le mandat.
L’adjoint au maire en charge de la végétalisation Gautier Chapuis dans une rue piétonne végétalisée durant le mandat. (©Nicolas Zaugra/ actu Lyon)« 28 hectares gagnés sur le bitume » d’ici 2026

L’élu rappelle que la végétalisation est « le deuxième budget municipal », porté de 140 millions d’euros d’investissement en 2020 à plus de 150 millions aujourd’hui. 

Gauthier Chapuis enchaîne les chiffres flatteurs : 14 hectares gagnés sur le bitume depuis 2020 et 28 ha d’ici la fin du mandat en 2026 grâce à la livraison de certains chantiers. Soit quatre fois la superficie de la place Bellecour sur une ville de 4 800 hectares. « Cela peut paraître peu, mais c’est le parc Blandan et le parc de Gerland additionnés en un seul mandat », se félicite l’élu.

L’objectif de 10 000 arbres supplémentaires plantés dans la ville sera aussi atteint, jure-t-il. « Nous sommes entre 7 000 et 7 500 arbres plantés depuis 2020. Nous plantons deux fois plus qu’au mandat précédent, entre 1 300 et 1 700 arbres par saison », selon lui. 

Les écologistes ont surtout changé de dimension en végétalisant plus massivement le quartier de la Part-Dieu autour de la gare, ainsi que celui de la Presqu’île. Ces derniers ont aussi revu les dimensions du projet Confluence en renonçant à des immeubles au profit d’une « forêt urbaine » plus vaste de 4 500 arbres.

Pendant les travaux, la circulation piétons et cyclistes est déviée le long du bâtiment de France 3 entre le centre commercial et la gare Part-Dieu.
Cet espace du quartier de la Part-Dieu va devenir une forêt urbaine. Les écologistes veulent que ce quartier d’affaires très minéral soit plus végétal. (©Nicolas Zaugra/ actu Lyon)Des obstacles à la chaîne freinent des projets

Face à l’objectif de végétaliser plus massivement Lyon, les écologistes ont aussi dû lever des obstacles et composer avec des difficultés.

Dans le 6ᵉ arrondissement, le plus riche de la ville et le moins végétalisé en proportion depuis 2020, la mairie d’arrondissement Les Républicains a freiné la suppression de places de parkings au profit d’espaces verts.

Dans le quartier historique du Vieux-Lyon, c’est seulement en 2026 que deux placettes seront végétalisées, sans toucher à la grande place devant la célèbre cathédrale Saint-Jean. Les contraintes patrimoniales et les critiques d’associations doivent être prises en compte.

Un projet de parc emblématique promis par Grégory Doucet sur les hauteurs au niveau de l’iconique basilique de Fourvière (5ᵉ) prend aussi du retard. Une première phase sera livrée après 2026. La facture s’est envolée pour ce « parc des Balmes » passant de 4,3 millions d’euros à 8,5 millions d’euros.

« L’écart s’explique par la topographie, les accès restreints, les contraintes liées à la vulnérabilité en balme, la présence d’une faune et d’une flore à préserver… tout ça limite beaucoup et entraîne des coûts », selon Nicolas Husson, conseiller municipal à l’origine du projet.

De quoi provoquer des critiques de Thomas Rudigoz, élu d’opposition Renaissance.

C’est le principal projet végétal du mandat et le maire n’est pas capable d’en livrer une partie avant 2026. Je n’en reviens pas, ce projet était déjà dans les promesses de Gérard Collomb.

Thomas Rudigoz
élu d’opposition Renaissance

« Ils sont beaucoup dans la procrastination »

L’ancien député, qui veut soutenir Jean-Michel Aulas en 2026, est d’ailleurs critique sur les ambitions de végétalisation des écologistes.

« Leur bilan sur ce sujet n’est pas à la hauteur. Ils sont beaucoup dans la procrastination. Ils auraient pu faire mieux », dit-il. « Ils n’ont pas fait tant que ça, ils se targuent de chiffres de plantations d’arbres, mais finalement, c’est surtout la Métropole qui plante. »

Seul l’aménagement de « rues aux écoles » et de cours végétalisées trouve grâce aux yeux de l’élu d’opposition. « J’y suis favorable et c’est une bonne chose », assure l’ancien maire du 5ᵉ.

La Ville revendique des cours végétales réalisées dans 39 crèches et 40 écoles en cinq ans.

Une cour d'école végétalisée dans le 6e arrondissement de Lyon.
Une cour d’école végétalisée dans le 6ᵉ arrondissement de Lyon. (©Nicolas Zaugra/ actu Lyon)

Mais l’un des symboles d’un bilan très mitigé selon lui est le dossier de la place Bellecour, l’une des plus grandes places d’Europe. 

La place Bellecour, le rendez-vous manqué du mandat

La végétalisation de la place est un serpent de mer mandat après mandat. Gérard Collomb a pu réaménager une partie avec la plantation de plus d’arbres et la création de jardins, de fontaines et d’une aire de jeux.

Fin 2022, Grégory Doucet annonce en fanfare : « Vous en avez rêvé : la place Bellecour sera végétalisée ! (…). »

Mais deux ans plus tard, c’est la douche froide : une immense œuvre « transitoire » mêlant toiles géantes pour faire de l’ombre et brumisateurs est dévoilée. Le maire de Lyon déçoit les attentes et les critiques s’accumulent. Elles se font de plus en plus intenses depuis l’installation progressive de « Tissage urbain » au printemps 2025. 

L'œuvre de la place Bellecour est issue de la première édition du budget participatif de la Ville de Lyon.
L’œuvre de la place Bellecour doit faire de l’ombre. Le maire Grégory Doucet avait promis une végétalisation. (©Nicolas Zaugra / actu Lyon)

Gautier Chapuis entend la déception, mais explique que les contraintes sont trop nombreuses avec la présence d’un parking sous-terrain et du métro. 

Mais le mal est fait pour l’opposition qui dénonce une « arnaque », un « mensonge », une « gabegie d’argent public ».

« Le grand échec du mandat, c’est Bellecour », tape Thomas Rudigoz. « Les Lyonnais attendaient de la végétalisation, il n’y a pas eu un m2 d’espace vert. C’est complètement raté. »

Pierre Oliver, maire LR du 2ᵉ arrondissement et candidat aux municipales, estime que le maire a trahi les Lyonnais. « C’est un passage en force à 1,6 million d’euros (…). Cet argent part en fumée. » En cas d’élection, Jean-Michel Aulas suggère de se débarrasser de l’œuvre rapidement. Nathalie Perrin-Gilbert (gauche), candidate en 2026, estime aussi que le projet « n’est pas à la hauteur » et que ce budget pour une œuvre provisoire est un problème.

L’entretien des espaces verts pointé du doigt

Dernier revers de la médaille d’une végétalisation plus massive : l’entretien des espaces verts.

Le côté « anarchique », le manque de taille, les déchets qui s’accumulent sont pointés du doigt par des habitants. Lors de sa tournée de fin de mandat des neuf arrondissements de ce printemps, le maire Grégory Doucet s’est heurté à de nombreuses remarques.

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.