Du jamais vu. Le 18 octobre 2000, en France, une petite révolution débarque sur nos écrans de télévision. Quatre femmes, quatre héroïnes – Carrie Bradshaw et ses copines – parlent de leur sexualité et de leurs désirs dans chacun des épisodes de la série Sex and the City, diffusée pour la première fois aux États-Unis en 1998. Avant-gardiste et profondément féministe pour l’époque, cet objet télévisuel suscite d’abord aux États-Unis une vague de critiques, parfois violentes et souvent teintées de misogynie, avant d’interpeller, quelques années plus tard, les chercheuses américaines.

Dix mois pour écrire l’ouvrage

Si en France, la série est plutôt bien reçue dès le début, c’est bien plus tard qu’elle est devenue un objet de recherche dans nos universités. Vingt-cinq ans après la première diffusion en France de cette série culte, Audrey Haensler, maîtresse de conférences en civilisation américaine à l’université Bourgogne Europe à Dijon, publie l’ouvrage Long live Sex and the City, héritages de la série culte, aux éditions Cherche-midi.

La chercheuse de 33 ans avait déjà écrit quelques articles de recherches sur la série, sous le prisme du féminisme, notamment sur le reboot (qu’on pourrait traduire par le redémarrage d’une série) de Sex and the City, sorti en 2021.

« C’est une éditrice qui est venue me chercher pour faire un bouquin sur ce sujet. J’ai mis environ dix mois à l’écrire. »

La série qui bouscule les injonctions faites aux femmes

En quoi cette série était-elle en avance sur son temps au moment de sa diffusion ? « Elle est avant-gardiste sur les questions de sexualité. La revendication de sa sexualité et la redécouverte du corps arrivent dix, quinze ans après Sex and the city. Donner autant de temps d’antenne à quatre héroïnes qui parlent entre elles de sexe, en 1998 c’était révolutionnaire. » Pour les adolescentes de l’époque, la série a même pu s’apparenter à un cours d’éducation sexuelle : nommer les actes et les parties du corps. Mais aussi comprendre que la sexualité peut être un sujet léger dont on peut parler avec ses amies « pour en avoir une approche sécurisante et sereine. Par exemple, de savoir qu’on a le droit de refuser certains actes », ajoute Audrey Haensler.

Au-delà de la sexualité, la série a sérieusement bousculé les injonctions faites aux femmes, sur la maternité, le couple, en distillant des « propositions de vies alternatives », selon l’enseignante. Notamment en plaçant l’amitié au cœur des vies de ces quatre héroïnes.

« C’est Sex and the City qui a ouvert la voie »

Si le message féministe est novateur pour l’époque, la série a essuyé et essuie encore de nombreuses critiques : sur son manque de diversité raciale et ethnique, ainsi que sur ses représentations caricaturales des minorités sexuelles. Mais également sur l’origine sociale des quatre héroïnes. « C’est nécessaire d’avoir ce regard aujourd’hui, critiquer ne veut pas dire qu’il faut mettre la série à la poubelle. Il faut prendre en compte l’époque. En 1998, ce sont les balbutiements de la représentation LGBT, c’est seulement un an après le premier coming out d’envergure à la télévision : celui d’Ellen DeGeneres dans sa sitcom Ellen, qui a mené à l’annulation de la série. Le fait de les représenter est tout de même une avancée. »

Surtout, Audrey Haensler en est persuadée : sans cette série pionnière, il n’y aurait pas autant de personnages féminins aujourd’hui, « des anti-héroïnes parfois agaçantes et complexes, qui ne sont pas parfaites, comme Fleabag par exemple. C’est Sex and the City qui a ouvert la voie. » Pour que la voix des femmes soit (mieux) entendue.

Sex and the City, héritages de la série culte, Le Cherche-midi. Tarif : 20 €.