Le rugby, plus qu’un sport, une véritable histoire de famille, de transmission et de résilience. Alix Broncan, fils de Pierre-Henry (actuel directeur du rugby de Brive) et petit-fils d’Henry – qui sont des figures bien connues de ce sport -, en est un exemple bouleversant. Le 12 janvier 2024, la vie de la famille Broncan a complètement basculé. Le jour de ses quinze ans, Alix a appris qu’il était atteint d’un lymphome, à savoir un cancer du système lymphatique, qui affecte les cellules chargées de défendre l’organisme. Une terrible nouvelle pour ce jeune cadet du Stade toulousain, obligé de délaisser les terrains pour l’hôpital. Mais, en presque un an, après des mois de lutte acharnée, il a fait son retour sur les terrains d’Ernest-Wallon. Samedi après-midi, il sera même présent avec son équipe au Stade de France pour la finale du championnat Cadet Alamercery, contre Montpellier, en lever de rideau de celle du Top 14. Une revanche sur la maladie, mais surtout une belle leçon de courage. Le jeune homme a accepté de revenir, dans nos colonnes, sur son histoire.

Quel a été votre premier ressenti en apprenant votre maladie ?

J’étais un peu préparé à entendre que j’étais malade, je me suis dit qu’il fallait combattre et ne pas lâcher car un lymphome est censé se soigner plus facilement que les autres cancers.

Qu’est-ce qui vous a le plus aidé pendant le traitement ?

Je n’ai pas arrêté le sport. Même à l’hôpital, je continuais à rester en bonne condition physique malgré la fatigue. Souvent, les jeunes atteints de maladie de ce type perdent beaucoup de poids puisqu’ils ne mangent plus trop et moins bien. Moi, j’ai réussi à garder une bonne alimentation et, au lieu de perdre du poids, j’en ai pris… Et puis, le plus important, c’était mon entourage qui est resté très proche de moi, que ce soit mes parents, mon frère, mes grands-parents ou mes amis.

Justement, quel rôle votre famille, vos amis et votre club ont-ils joué pendant cette période ?

Ils ont été très présents et tous présents. Mes amis venaient souvent me voir, même s’ils habitaient loin. Le groupe du Stade toulousain ne m’a jamais mis à l’écart. Au contraire, je recevais des messages très régulièrement. Ma famille était tout le temps avec moi à l’hôpital. À tour de rôle, ils dormaient sur place ou passaient la journée avec moi pour ne pas que je me sente seul.

Vous êtes donc resté en contact avec votre équipe pendant le traitement…

Bien sûr ! Évidemment que j’étais plus proche de certains joueurs qui venaient me voir presque tous les jours, après les entraînements, après les matchs. Mais franchement, toute l’équipe a été hyper présente durant cette période.

Avez-vous eu peur de ne jamais rejouer au rugby ?

Non, pas vraiment. J’étais tout le temps dans l’optique de m’en sortir et de revenir jouer au rugby. Après, forcément, j’avais la crainte de ne pas bien revenir physiquement et de ne pas retrouver mon niveau d’avant.

Le rugby a-t-il servi de moteur pour vous battre ?

Oui. Je me rappelle que, lorsque je faisais de la préparation physique avec des coéquipiers ou tout seul et que j’étais dans le dur, que j’étais derrière les autres, je me regardais et me disais que j’avais traversé des choses difficiles, que c’était donc beau d’en être là en si peu de temps.

Avez-vous reçu des messages marquants de soutien, de joueurs du club ou d’ailleurs, de professionnels ou amateurs, de jeunes ?

Grâce à mon papa qui est présent dans ce monde du rugby, plusieurs joueurs professionnels m’ont envoyé des messages. L’équipe de Mirande avait fait un maillot d’avant-match avec mon nom inscrit dessus. Les supporters de Brive (club actuel de Pierre-Henry Broncan, NDLR) avaient aussi fait une affiche à mon nom. J’ai reçu des maillots dédicacés de la part de plusieurs équipes professionnelles et amateures (Nevers, Colomiers, Auch, Lombez-Samatan). Mais la chose qui m’a le plus marqué, c’est lorsque j’ai reçu un maillot dédicacé et une lettre de Bundee Aki (international irlandais, NDLR). J’étais vraiment surpris car il ne connaît pas mon père et, personnellement, cela m’a touché forcément.

Comment s’est passé le retour à l’entraînement ? Aviez-vous des appréhensions physiques ou mentales ?

Avant de reprendre, j’ai dû subir une petite opération au pectoral droit pour enlever mon port-à-cath (une chambre à cathéter implantable utilisée pour la chimiothérapie, NDLR). Donc, au moment de mon retour, j’avais une petite appréhension lors du premier plaquage. Mais elle est vite partie. J’avais aussi peur d’être moins bon, cette peur de décevoir. Mais, franchement, il n’y a eu aucun jugement. Tout le monde à été super cool lors de mon retour.

Avez-vous une routine depuis votre retour avant un match ?

Non, pas vraiment. Mais, avant mon match de retour avec le Stade toulousain contre Pau, je ne me trouvais pas trop motivé… Donc, dans le bus, j’ai regardé des photos de moi un an auparavant à l’hôpital et j’ai eu un regain d’énergie pour le match.

Quels sont vos projets ou vos rêves rugbystiques ?

A court terme, mon objectif est de revenir à un bon niveau et de décrocher ma place en Crabos puisqu’on sait que c’est compliqué pour un « première année » de se faire une place dans l’effectif (le championnat Crabos se déroule sur deux ans, NDLR). Puis, en tant que passionné et compétiteur, mon rêve est de finir joueur professionnel.

Quelle est votre plus grande fierté aujourd’hui ?

Ma fierté ? C’est celle d’avoir en grande partie battu la maladie, de m’en être bien sorti car les personnes sortent souvent de ces périodes traumatisées. Pour moi, c’est l’inverse. J’en suis sorti en me disant que c’est une étape de ma vie.

Et si vous deviez résumer votre parcours en une phrase ?

Ne jamais baisser les bras, être positif même si ce n’est pas facile. Et combattre avec courage. Avec tout cela, vous allez y arriver.

Comment appréhendez-vous la finale de samedi ?

Le groupe est concentré, tous les joueurs sont impliqués pour s’entraider. Chacun a conscience de l’enjeu qui nous attend samedi, surtout qu’on a déjà laissé passer le Bouclier l’an dernier en finale. Donc, notre objectif n’est pas d’être juste au Stade de France mais bien de soulever le bouclier samedi après-midi.