Deux semaines après la profanation de l’Arc de Triomphe à Paris, c’est le péage de Bandol qui faisait les frais de débordements dans le contexte du mouvement des Gilets jaunes.

Les installations exploitées par la société Escota (filiale de Vinci) ont été ravagées par un incendie dans la nuit du 17 au 18 décembre 2018.

Il aura fallu des années de procédure pour que cette affaire « retombe tel un vieux soufflé », résume MeCaroline Malaga, avocate d’un mis en cause.

Alors que le feu dévorait la structure du péage, la police esquivait des jets de projectiles et interpellait dix-sept personnes aux abords des lieux. Quatorze avaient été mises en examen.

La vidéosurveillance du péage avait été préalablement sabotée et les investigations n’ont pas permis d’identifier les auteurs de l’incendie volontaire.

Finalement, sept prévenus sont poursuivis pour une infraction strictement limitée au seul délit « d’entrave à la circulation des véhicules sur une voie publique par le placement de palettes en bois enflammées ».

Casseurs ou « sympathisants pacifistes »?

« Ça va être la guerre », avait annoncé dans un message l’un des prévenus jugés ce mercredi par le tribunal correctionnel de Toulon. « On va monter en renforcement, tenue de combat obligée », lui répondait une coprévenue (absente au procès).

« C’était une façon de parler pour dire qu’il y aurait beaucoup de monde… », nuance-t-il aujourd’hui. Un autre (lui aussi absent) est venu avec un « masque Anonymous »…

Si la plupart des mis en cause admettent leur participation à une opération de filtrage, tous se présentent en « sympathisants pacifistes » et contestent avoir « employé des palettes enflammées » – la seule question examinée par le tribunal lié par les termes très précis de la poursuite judiciaire.

« Ce soir-là, ce n’était pas habituel, il y avait beaucoup de personnes qu’on n’avait jamais vues, des personnes cagoulées, c’était chaud (…) On les sentait déterminées à tout détruire », se défendainsi un brancardier aujourd’hui âgé de 29 ans. « Il y avait entre cent et deux cents personnes, dont énormément de casseurs. Aucune lumière n’a été faite sur qui a fait quoi », appuie son avocate, Me Aude Mayoussier.

« Cette part de colère n’est pas un élément de culpabilité »

La société Escota demande la condamnation des prévenus à l’indemnisation de son préjudice matériel. Un mois de travaux avait été nécessaire pour rouvrir la circulation dans le sens Marseille-Toulon.

Et de réclamer 509.668,20 euros au titre des sommes engagées pour remplacer le toit du péage qui menaçait de s’effondrer (405.102 euros) et pour remettre en état la chaussée (104.566,20 euros).

Une relaxe générale pour insuffisance de preuves (et une amende pour l’un des prévenus également poursuivi pour « rébellion ») est cependant requise par le parquet.

Il faut dire que les traces d’éthanol relevées sur les mains moites des suspects peuvent très bien provenir d’une consommation d’alcool, selon un expert. C’est même cohérent avec les résultats des éthylotests effectués cette nuit-là.

« J’ai le sentiment qu’on a souhaité ratisser large en interpellant quiconque se trouvait aux abords de cet incendie », plaide Caroline Malaga.

Et de rappeler le climat de tension qui entourait le mouvement des Gilets jaunes. « Cette part de colère dont je n’ai même pas à juger si elle est légitime, ça n’est pas un élément de culpabilité. »

Le tribunal rendra sa décision le 1er juillet.