Entre paparazzis aux aguets, manifestants en colère et stars dispersées, Madame Figaro s’est immergé dans la Sérénissime transformée par endroits en forteresse pour le remariage du fondateur d’Amazon. Récit d’une première journée de traque où les colis Amazon côtoient les yachts de luxe.
6h45, terminal 2F de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle. L’orage gronde, mais mon vol pour Venise décolle à l’heure. Direction la Cité des Doges où le Gotha planétaire converge pour LE mariage de l’année. Trois jours de festivités orchestrées par le quatrième homme le plus riche du monde : Jeff Bezos s’apprête à épouser Lauren Sánchez, ex-présentatrice télé devenue pilote d’hélicoptère.
«Jeff est là-bas, nous on est là dans le bateau»
8h30 : arrivée sur le tarmac vénitien et familiarisation avec les tarifs locaux : «Transfert de l’aéroport au Palazzo Cristo : 180€. Compter 250€ en bateau de luxe en bois.» Le «water bus», 32 euros aller-retour, fera très bien l’affaire. Je tente ma chance auprès du capitaine, Ray-Ban vissées sur le nez : «Avez-vous vu des invités du mariage ?». Réponse désintéressée : «Jeff est là-bas, nous, on est là dans le bateau.» Ricanements du personnel. J’insiste. «Nous ne savons rien, c’est tout ce que je peux dire.»
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Leonardo DiCaprio et la brouette vénitienne
Une heure de navigation plus tard, toujours aucun signe du mariage du siècle. Pas de sécurité renforcée aux abords de l’Arsenal. Juste deux yachts endormis. Un touriste australien, qui visite pour la première fois Venise avec sa famille, manque de s’étrangler quand je lui dis que Leonardo DiCaprio fait partie des invités. Il se tourne vers sa fille, fébrile : «C’est son acteur préféré !» Sa femme enchaîne, plus inquiète : «Espérons qu’on pourra quand même visiter la ville…»
Face à l’Aman Venice, palace du XVIe siècle où logent les futurs mariés, la fameuse jetée du mariage se dresse, camouflée sous une tente à rayures blanches et beiges. Sur le ponton d’en face, une poignée de photographes fait le pied de grue. «Permesso !» Un sexagénaire fend le groupe, poussant sa brouette chargée de gravats et d’outils. Les travaux de la ville n’attendent pas, même pour Jeff Bezos.
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Croisé pas loin, un paparazzi italien de l’agence photos Backgrid – celle qui alimente, entre autres, le Daily Mail – déballe son tableau de chasse : «Ivanka Trump, Oprah (Winfrey, NDLR), Orlando Bloom, le clan Kardashian au complet, Diane von Furstenberg…» Depuis cinq jours, avec ses confrères, ils mitraillent. «Hier soir, on a immortalisé les futurs mariés lorsqu’ils sont sortis pour dîner.» Belle première prise.
Jeff Bezos et Lauren Sanchez apparaissent face aux photographes et paparazzis à la sortie de l’Aman Hotel. (Venise, le 25 juin 2025.)
Getty Images
15h30. Mission : traquer Ivanka Trump, réfugiée au palace St. Regis avec son mari et ses trois enfants. La sécurité de la fille du président est maximale : agents dans les ruelles alentour, plongeurs dépêchés avant son arrivée mercredi. Je franchis le cordon sans encombre et m’installe en terrasse. «Un Santa Lucia, s’il vous plaît.» Le cocktail signature de l’établissement, en partie privatisé pour les proches de Jeff Bezos et Lauren Sánchez, arrive dans une coupe en verre de Murano : vodka infusée au wasabi, jus de tomates clarifiées, verjus du Périgord, poivre de Cayenne et glaçon XXL. L’addition – comme les chips au vinaigre – est salée : 30 euros. Le prix pour se faire une place parmi les proches de Bezos.
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MARCO BERTORELLO / AFP
Les agents du Secret Service sont partout, reconnaissables malgré leurs efforts : polo jaune pâle par-ci, chemise bleue par-là, mais toujours cette oreillette qui trahit. Je questionne le serveur sur la présence d’Ivanka Trump : il fait mine de ne pas comprendre. Omerta vénitienne…
«On tape sur les riches par principe»
La sécurité est à son paroxysme et pour cause, ce matin, place Saint-Marc, la grogne a explosé. Plusieurs collectifs dont Extinction Rebellion et «No Space for Bezos» ont de nouveau dénoncé l’union du milliardaire, symbole selon eux d’une «richesse construite sur l’exploitation». Un Français présent à la manifestation relativise : «Il n’y avait pas beaucoup de monde, c’est resté bon enfant. Au bout de dix minutes, les protestataires ont été priés d’évacuer. Alors, ils se sont assis par terre avant de vraiment se faire dégager par la police locale.»
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Croisé entre deux calles, un riverain blasé glisse : «On tape sur les riches par principe. Plein de Vénitiens se contrefichent de ce mariage». Antoine, touriste belge, nuance : «C’est fun de voir Bezos, mais faire venir tous ces jets privés quand on connaît la situation de la lagune…»
Les colis Amazon sous 30 degrés
16h. Retour vers l’Aman, avec l’espoir d’apercevoir les stars du week-end. Sur le chemin, l’ironie frappe : des livreurs italiens, visages ruisselants, déchargent des colis Amazon depuis leurs bateaux, à deux pas du palazzo où se prépare le mariage à plusieurs millions du fondateur de la multinationale de vente en ligne. Sur le ponton, Elisa, 24 ans, venue de Liège avec son petit ami, avoue un peu gênée : «On voulait aller au Guggenheim, on s’est perdus et on s’est dit : « Tiens, et si on allait voir le fameux hôtel de Bezos ? » Et on attend depuis une heure sous ce cagnard…»
L’art de se faire attendre quand on pèse 200 milliards
La patience des paparazzis s’effrite sous les 30 degrés. Leur programme depuis ce matin ? Bouteilles d’eau, sandwichs à la mortadelle, cigarettes et toujours ce même sosie de Bezos, infatigable, en face. 18h, un bateau s’approche ; de jeunes femmes sortent d’une glacière des canettes d’eau minérale et des Magnum. «C’est peut-être un coup de Bezos pour soigner sa com’», ironise un photographe.
19h30. Les cloches de Venise retentissent. Comme sur un signal, Jeff Bezos et Lauren Sánchez émergent (enfin) de l’Aman. Le milliardaire a le sens du timing. Ce soir, direction l’église Madonna dell’Orto où doit se dérouler la première soirée. De ce que l’on sait, le quartier est bouclé de 16h30 à minuit. «La police est sur les nerfs», me confie Pierre, photographe indépendant français. «Il faut dire que depuis cinq jours, il y a une action chaque jour contre ce mariage.»
Jeff Bezos et Lauren Sánchez quittent l’Aman. (Venise, le 26 juin 2025.)
Poitout Florian/ABACA
La nuit tombe sur la lagune. Dans les jardins de l’édifice religieux situé à Venise, dans le quartier de Cannaregio, le gratin hollywoodien s’apprête à lever son verre en l’honneur des futurs mariés. Les paparazzis prévoient de rester aux aguets jusqu’à l’aube, espérant le cliché qui fera la une. Demain, nouvelle journée de traque dans cette Venise transformée en décor de cinéma grandeur nature. Les cloches sonneront encore, les vaporettos continueront leur ballet, et je serai toujours là, à guetter l’apparition du milliardaire et de sa promise.