Son discours était guetté. Pas tant pour ce qu’il allait dire, mais pour savoir s’il était encore vivant après douze jours de guerre et de bombardements israélo-américains. Silencieux depuis une semaine, le Guide suprême Ali Khamenei est finalement apparu ce jeudi 26 juin dans des vidéos diffusées sur la télévision d’Etat et sur le réseau social X.

La voix rauque, adossé à un rideau marron, il a salué, contre toute évidence, la «victoire contre le régime sioniste [qui] a failli s’effondrer et a été écrasé sous les frappes de la république islamique».

Même réécriture concernant l’implication des Etats-Unis et leurs frappes le 13 juin sur plusieurs installations nucléaires majeures du pays. Les Etats-Unis «n’ont rien gagné de cette guerre […], la république islamique l’a emportée, et en représailles a infligé une gifle cinglante au visage de l’Amérique». Les Etats-Unis «sont intervenus directement dans la guerre, convaincus que leur refus de s’engager conduirait à la destruction totale du régime sioniste», a-t-il ajouté.

Il a enfin menacé Washington de représailles en cas de nouvelle intervention : «La république islamique a accès à d’importantes bases américaines dans la région et peut agir contre elles dès qu’elle le juge nécessaire. Cela peut se reproduire à l’avenir : si une attaque survient, le coût pour l’ennemi et l’agresseur sera assurément élevé.»

Selon Donald Trump, les autorités iraniennes avaient prévenu Washington qu’elles allaient tirer lundi 23 juin des missiles contre la base militaire américaine d’Al-Udeid, au Qatar. La riposte, qualifiée de «faible» par le président américain, n’avait pas fait de dégâts. Cela avait permis à Trump d’annoncer le lendemain un cessez-le-feu.

Au-delà de la propagande prévisible, la vidéo permet avant tout à Khamenei de montrer qu’il est toujours là, même s’il doit rester caché. A la différence du président Masoud Pezeshkian, apparu plusieurs fois durant la guerre, le Guide est resté terré. Israël n’avait pas caché que sa mort pourrait être l’un des objectifs de l’offensive.

Mais son silence commençait autant à inquiéter ses supporteurs qu’à relancer les espoirs de ses adversaires. En théorie, seule l’Assemblée des experts, qui compte 88 membres, peut le destituer. Qu’elle se réunisse aujourd’hui, alors que le cessez-le-feu reste plus que précaire, est peu probable. Mais la mise à l’écart du Guide, sans qu’il soit formellement destitué, reste possible. Lundi, Tasnim, une agence de presse affiliée au corps des Gardiens de la révolution islamique, avait accusé des «éléments discrédités» de tenter de mobiliser des religieux de haut rang en faveur de la «soumission» et du «compromis».

Le régime a survécu mais il a montré ses failles. L’offensive de Tsahal, préparée depuis des années, s’est appuyée sur des renseignements de premier ordre, preuve de l’infiltration profonde des services de sécurité iraniens par des agents israéliens. Dès le début de l’attaque, le 13 juin, des officiers de haut rang, dont le chef de corps des Gardiens de la révolution, Hossein Salami, ont été assassinés simultanément, parfois chez eux. Une vingtaine de scientifiques spécialistes du nucléaire ont également été tués. Selon le chef d’état-major israélien, le lieutenant-général Eyal Zamir, des commandos «ont opéré en secret au cœur du territoire ennemi».

Dépassées, les autorités iraniennes tentent depuis de réagir en traquant ceux qui ont pu aider Israël. Lundi, au moins 26 personnes ont été arrêtées au Khouzestan, dans le sud-ouest de l’Iran. «La plupart d’entre eux ont confessé leurs actes, dont des activités contre la sécurité, la propagation de l’inquiétude dans le public et des actes de sabotage», affirme un communiqué des services de renseignement des Gardiens de la révolution. Samedi 21 juin, la police de la province de Qom, où se situe le site nucléaire de Fordo bombardé par l’aviation américaine, avait annoncé que 22 «espions» avaient été arrêtés depuis le 13 juin. Des pseudo-confessions sont parfois diffusées à la télé et les procès sont plus qu’expéditifs. Six Iraniens accusés d’avoir espionné pour Israël ont été exécutés depuis le 13 juin.