Trois fois champion de France (2011, 2013, 2017), Rémi Lamerat (35 ans) a raccroché les crampons en 2023 après une riche carrière marquée par 19 sélections en équipe de France (2014-2018), sept saisons à Castres (2011-2016) et trois à Clermont (2016-2019). L’ex-trois-quarts centre a débuté sous les couleurs du Stade Toulousain (2008-2011), avant de la terminer à l’UBB (2019-2023). La finale du Top 14 opposant ces deux clubs, ce samedi (21 h 05) au Stade de France, était l’occasion de le faire replonger dans ses souvenirs.
Le meilleur joueur
« Maxime Médard m’a marqué, c’est un joueur que je badais quand j’étais jeune. J’ai eu la chance d’être son coéquipier à Toulouse. J’admirais sa précocité, son professionnalisme, son talent et son humilité. Il m’a distillé quelques bons conseils pour essayer de performer. On est copains aujourd’hui. À l’UBB, Nicolas Depoortere est le joueur qui m’a le plus impressionné par son état d’esprit. J’aurais aimé être comme lui à son âge : être respectueux des anciens, tout en ayant envie de gagner ma place. J’aime beaucoup sa classe sur le terrain, on dirait qu’il a toujours le temps de faire les choses. Il me faisait penser à Yannick Jauzion aux entraînements. »
Le joueur le plus méchant
« À Toulouse, je dirais Trevor Brennan. Il était très rugueux, il aimait marquer son adversaire, porté par son « fighting spirit » à l’irlandaise. Parfois, ça se sentait même aux entraînements, ce n’était pas marrant quand tu étais en face. En dehors, c’était pourtant un mec adorable, bienveillant avec les jeunes. À l’UBB, j’aime beaucoup Cyril Cazeaux dans un registre impactant et usant pour l’adversaire. Il abat un boulot de l’ombre monstrueux. Il met tout le temps le bon caramel au bon moment. Il ressemble à Trevor par certains côtés, en y ajoutant les qualités propres au rugby moderne. »
Le joueur le plus fou
« Byron Kelleher était quand même un phénomène à Toulouse. C’était un mec très exubérant, un peu m’as-tu-vu. Il avait cette manie de s’arracher les vêtements et de faire le Haka dès qu’il avait un coup dans le nez, que ce soit au resto, au club-house, dans le vestiaire… À la fin, les mecs se foutaient un peu de sa gueule. Je l’ai toujours trouvé un peu fêlé alors que c’était un grand professionnel, c’était un peu paradoxal. Je pense qu’il avait besoin de lâcher. À l’UBB, Nans Ducuing m’a fait marrer à longueur de journée. Je n’aimerais pas être dans sa tête, ça doit être fatigant tellement il a d’idées de conneries à la minute. Avec son sourire un peu coquin, il emmène tout le monde avec lui. »
La place dans le vestiaire
« À Toulouse, j’étais un peu le jeune espoir qui monte, qui a signé son premier contrat pro à 18 ans, qui a eu une opportunité en or mais qui n’a pas su la saisir. Je me pensais peut-être arrivé après avoir réalisé mon rêve de devenir pro, qui plus est dans ce club. À Bordeaux, je suis arrivé avec un statut de joueur d’expérience. J’étais dans ma région natale, avec un groupe ambitieux, je n’avais pas le même regard de mes coéquipiers, j’avais un rôle bien différent à jouer ».
AFP
Meilleur souvenir de terrain
« À Bordeaux, je retiens le dernier match et la célébration des joueurs partants ou qui arrêtent leur carrière. Je n’avais pas pu jouer face à Pau, j’étais en tribunes mais c’était vraiment chargé en émotions car j’avais ma famille et pas mal d’amis présents. J’étais à la fois ému et heureux. Avec Toulouse, je n’oublierai jamais mon premier match à Ernest-Wallon. J’étais remplaçant contre Montauban et je rentre au centre à la place de David Skrela, aux côtés de Charles Gimenez avec qui je jouais en espoirs. »
« À Toulouse, Shaun Sowerby était très raide avec les jeunes. Sur les oppositions pros/espoirs, il y avait pas mal d’accrochages »
Les moments tendus
« Il y en a eu pas mal, je suis assez caractériel. Je me souviens de Shaun Sowerby à Toulouse, il était très raide avec les jeunes quand on faisait des oppositions pros/espoirs. Je me souviens de plusieurs accrochages sur le terrain. C’était un gros compétiteur. Quand il voyait que les jeunes poussaient, il défendait son bifteck. À l’UBB, je me souviens d’avoir été un peu tout seul contre les autres sur la préparation d’un déplacement à La Rochelle sous un temps de merde. On passe la semaine à faire de grandes envolées, alors qu’on s’était dit de jouer petit-bras vu les conditions. J’ai pété un câble à la fin de l’entraînement en disant aux leaders : si c’est comme ça, ça sera sans moi. J’avais piqué ma crise. JB Dubié et Max Lucu m’avaient un peu calmé. On l’avait finalement emporté là-bas ».
Laurent Theillet / Sud Ouest
L’anecdote la plus cocasse
« Quand on est champions en 2011 avec Toulouse, j’ai fait une grosse semaine de bringue avec les grands. Le Brennus fait la tournée des bars. Je me retrouve avec une pièce détachée du trophée, on ne sait plus où est le bout de bois ! Je suis rentré à la maison avec la coupelle du bouclier, j’avais l’impression d’avoir volé un truc. J’avais vraiment eu les chocottes de me faire engueuler. À Bègles, en rentrant d’un stage, on s’est arrêté chez Jean-Claude, une personne qui habite en face du stade, qui dit bonjour tous les matins. Il nous dit de passer boire un coup : on se retrouve à une dizaine chez lui avec des bières achetées au supermarché à côté, on a commencé l’apéro à midi, je ne sais plus à quelle heure on a fini. On était en tenue de l’UBB, il y avait des perruques qui traînaient. Chez JC, c’est devenu un peu notre repère. »
Et la finale dans tout ça ?
« L’UBB est un club qui le mérite, le groupe en a les moyens. Mais beaucoup de gens enterrent Toulouse un peu vite. Avec le poids de l’expérience des finales, je ne pense pas qu’ils soient si outsiders que ça. Je pense qu’on peut avoir une des plus belles finales du Top 14. J’espère qu’il y aura le même nombre de points que l’an dernier mais que ça soit mieux réparti. Toulouse est le club qui m’a lancé, Bordeaux est celui où j’ai arrêté et où j’ai plus d’attaches aujourd’hui. Le cœur va pour l’UBB mais c’est quand même rare que le Stade Toulousain fasse une saison sans titre. »