Un vent de légèreté souffle sur le Grand Palais … Jusqu’au 7 septembre, le Balloon Museum y déploie ses installations monumentales sur plus de 5 000 m², transformant l’espace en terrain de jeu gonflé d’imaginaire. Mais derrière l’apparente frivolité de l’art gonflable se cache un pan entier de la création contemporaine. Dès les années 1960, les artistes s’emparent de l’air comme matériau pour investir l’espace public.

Spectaculaires, elles fascinent par leur démesure et leur humour, tout en portant des messages écologiques, politiques ou sociaux. Qu’il s’agisse d’un canard de bain XXL, d’une fleur mécanique qui respire ou d’un nuage flottant au cœur du désert, ces sculptures gonflées prouvent que l’art peut littéralement prendre de la hauteur, sans jamais se prendre au sérieux.

La plus scandaleuse : Tree de Paul McCarthy (2014)

Paul McCarthy, « Tree » sur la place Vendôme à Paris

Paul McCarthy, « Tree » sur la place Vendôme à Paris, 2014

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Difficile de faire plus polémique que Tree, l’œuvre gonflable de Paul McCarthy qui a secoué Paris en 2014. Installée place Vendôme dans le cadre de la FIAC, cette sculpture verte de 24 mètres était censée représenter un « arbre de Noël abstrait », inspiré des formes épurées de Constantin Brancusi ; mais pour beaucoup, impossible de ne pas y voir un gigantesque plug anal. Provocation assumée de la part du plasticien américain, habitué des coups d’éclats et des controverses. En quelques heures, les réseaux sociaux s’emballent, les conservateurs s’indignent et l’artiste est même violemment agressé en plein montage de l’œuvre. Deux jours plus tard, Tree est vandalisé et dégonflé. Ironie ultime : l’affaire a dopé les ventes de sextoys dans les boutiques parisiennes.

La plus clinquante : Balloon Dog de Jeff Koons (1994–2000)

Jeff Koons, « Balloon Dog » au Palazzo Grassi, Venise

Jeff Koons, « Balloon Dog » au Palazzo Grassi, Venise, 2007

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Avec Balloon Dog, Jeff Koons transforme un simple ballon de fête en icône de l’art contemporain. Ces chiens géants aux couleurs acidulées (bleu, magenta, jaune, orange ou rouge) semblent tout droit sortis d’un anniversaire pour enfants ! En réalité, ce sont des sculptures en acier inoxydable, polies comme des miroirs. Créée entre 1994 et 2000 dans le cadre de la série « Celebration », cette œuvre XXL immortalise l’insouciance de l’enfance tout en questionnant notre fascination pour les objets lisses, brillants et commerciaux. Provoquant autant d’enthousiasme que de critiques, Koons y célèbre la légèreté. Mais cela, à prix d’or : en 2013, l’un des Balloon Dog bat le record de la sculpture la plus chère jamais vendue par un artiste vivant – 58,4 millions de dollars. Un ballon qui ne manque décidément pas d’air !

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La plus hallucinante : Dots Obsession – Infinity Mirrored Room de Yayoi Kusama (1998)

Yayoi Kusama, Dots Obsession

Yayoi Kusama, Dots Obsession, 1998

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Collection les Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse • © Yayoi Kusama / Photo : Grand Rond Productione

Des pois rouges et blancs se répètent à l’infini, plongeant le visiteur dans un espace hypnotique. Depuis 1998, cette installation immersive de Yayoi Kusama, faite de miroirs et de sculptures gonflables, s’est imposée parmi les œuvres les plus iconiques de l’art gonflable contemporain. L’artiste japonaise, figure avant-gardiste marquée par des hallucinations et des obsessions visuelles depuis l’enfance, décline ici ses célèbres pois jusqu’à la perte totale de repères. Ballons géants, reflets démultipliés et couleurs acidulées transforment l’espace en un monde délirant. Entre poésie pop et thérapie artistique, Kusama nous invite littéralement à entrer dans son esprit. Une expérience immersive qui, à chaque exposition, attire les foules et les selfies par milliers.

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La plus chimérique : The Skywhale de Patricia Piccinini (2013)

Patricia Piccinini, « Skywhale » à Canberra

Patricia Piccinini, « Skywhale » à Canberra, 2021

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© Darren Weinert / Alamy / Hemis

Mi-tortue, mi-baleine, cette fantaisie gonflable intitulée The Skywhale flotte au-dessus de nos têtes comme un ovni poétique. Conçue par l’artiste australienne Patricia Piccinini pour le centenaire de Canberra en 2013, cette montgolfière monumentale intrigue par sa silhouette étrange et ses mamelles imposantes, censées contenir un gaz plus léger que l’air. Derrière son allure de ballon farfelu se cache une réflexion profonde sur l’évolution et notre rapport au vivant : et si des mammifères avaient appris à voler plutôt qu’à nager ? L’œuvre, qui a nécessité plus de 3 500 m² de tissu et sept mois de fabrication, a depuis survolé l’Australie, le Japon, l’Europe ou encore le Brésil. Désormais propriété de la National Gallery of Australia, cette créature aérienne sillonne le monde en duo, aux côtés de son pendant masculin : le Skywhalepapa, dévoilé en 2021.

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La plus dingue : 42,390 Cubic Feet Package de Christo et Jeanne-Claude (1966)

Christo et Jeanne-Claude, « 42,390 Cubic Feet Package » à Minneapolis

Christo et Jeanne-Claude, « 42,390 Cubic Feet Package » à Minneapolis, 1966

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© Christo et Jeanne-Claude / © Adagp, Paris 2025

En 1966, Christo et Jeanne-Claude prennent de la hauteur avec 42,390 Cubic Feet Package, une œuvre aussi délirante que monumentale. Conçue à Minneapolis avec l’aide de 147 étudiants, cette sculpture aérienne se compose de quatre immenses ballons militaires et de 2 800 sphères colorées, tous enveloppés dans du polyéthylène transparent et ficelés comme un colis géant. Prévu pour s’élever entre deux institutions artistiques, ce paquet d’air de 225 kg n’a finalement volé qu’à six mètres du sol, faute d’autorisation. Peu importe : le duo transforme l’échec logistique en geste poétique. Autofinancé comme la plupart de leurs projets, l’œuvre incarne leur art éphémère et spectaculaire. Un hymne à la légèreté, préfigurant leurs futures performances spectaculaires comme l’empaquetage du Pont-Neuf, à Paris, ou du Reichstag de Berlin.

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La plus utopique : Desert Cloud de Graham Stevens (1972)

Graham Stevens, « Desert Cloud » dans le desert de Kuwaiti

Graham Stevens, « Desert Cloud » dans le desert de Kuwaiti, 1974, 2004, 2020

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12 × 10 × 2 m • Photo Barbican

Ce n’est pas un mirage ! En 1972, Graham Stevens transforme l’air en matériau vivant avec Desert Cloud, une structure gonflable légère offrant une véritable oasis de fraîcheur au cœur du désert. Cette vaste membrane argentée s’élève grâce à la chaleur solaire qui dilate l’air intérieur, créant un abri autonome, sans recours à une source d’énergie extérieure. Véritable manifeste d’une architecture écologique et autonome, Desert Cloud va plus loin : elle capte l’humidité ambiante pour condenser de l’eau, prouvant qu’une œuvre d’art peut devenir une solution vitale. Filmée en 1974 dans le désert du Koweït, cette installation visionnaire, née en pleine crise pétrolière, annonçait déjà les enjeux climatiques d’aujourd’hui. Quand l’art gonflable fusionne avec l’ingénierie, c’est tout un avenir durable qui s’élève dans les airs.

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La plus inquiétante : Somehow I Don’t Feel Comfortable de Momoyo Torimitsu (2000)

Momoyo Torimitsu, « Somehow I Don’t Feel Comfortable » (2000) au Art Science Museum de Singapour

Momoyo Torimitsu, « Somehow I Don’t Feel Comfortable » (2000) au Art Science Museum de Singapour, 2019

Mais que font ces deux lapins géants coincés entre sol et plafond ? En 2000, Momoyo Torimitsu investit la galerie parisienne Xippas avec Somehow I Don’t Feel Comfortable, une installation choc qui saisit autant qu’elle dérange. Dans cette scène improbable, l’univers kawaii japonais, réputé pour son esthétique enfantine, bascule dans l’inconfort. Derrière leur apparente douceur, ces figures mignonnes mais oppressantes révèlent un profond malaise. En jouant sur cette tension entre innocence et claustrophobie, l’artiste pointe du doigt les normes sociales étouffantes – en particulier celles qui pèsent sur les femmes – et interroge la place laissée à l’intimité dans un monde qui resserre, inexorablement, les murs de nos libertés.

La plus vivante : Breathing Flower de Choi Jeong Hwa (2019)

Choi Jeong Hwa, « Breathing Lotus Flower » devant l’hôtel de ville d’Annecy

Choi Jeong Hwa, « Breathing Lotus Flower » devant l’hôtel de ville d’Annecy, 2019

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© Olivier Leclerc / hemis

« Inspirez, expirez. » Lentement, les immenses pétales de lotus de Choi Jeong Hwa se déploient et se referment, animés par un discret mécanisme motorisé qui simule le souffle d’un organisme vivant. Baptisée Breathing Flower, cette sculpture monumentale de 7 mètres de haut impose sa présence hypnotique, suspendant le temps au rythme d’une respiration artificielle. Derrière son apparente légèreté, l’œuvre révèle un malaise plus profond. Fabriquée à partir de matériaux synthétiques bon marché, elle pointe les contradictions de notre société de consommation. À travers ce fragile battement mécanique, l’artiste soulève un constat : dans une société mondialisée, même les fleurs respirent au rythme du plastique.

La plus joyeuse : Rubber Duck de Florentijn Hofman (2007)

Florentijn Hofman, « Rubber Duck » (2007) à Hong Kong

Florentijn Hofman, « Rubber Duck » (2007) à Hong Kong, 2013

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© Susan Man / Alamy / Hemis

Difficile de ne pas sourire en croisant la route de Rubber Duck, l’énorme canard de bain flottant imaginé par Florentijn Hofman. Ce volatile jaune vif au bec orange XXL se décline en plusieurs exemplaires pouvant atteindre jusque 26 mètres, qui voguent aux quatre coins du globe : de Sydney à Hong Kong, en passant par la Loire ou Taïwan. En détournant un objet familier de l’enfance, l’artiste néerlandais signe une sculpture monumentale et décalée, à la fois régressive et spectaculaire. Mais tout inoffensif qu’il est, le canard géant n’est pas à l’abri des turbulences : dégonflé par des rapaces, vandalisé ou encore censuré en Chine après avoir été détourné sur des images satiriques. Peu importe les accrocs, les Rubber Ducks poursuivent leur odyssée planétaire, apportant, partout où ils s’amarrent, une dose de surréalisme joyeux, gonflé d’autodérision !

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