Par

David Saint-Sernin

Publié le

27 juin 2025 à 6h02

Le projet de nouveau pont sur la Garonne, au nord de Toulouse, discuté depuis deux décennies, se concrétisera-t-il un jour ? Alors que circuler dans ce secteur géographique est devenu un enfer depuis longtemps, la construction de cette infrastructure est plus que jamais attendue par ses habitants. Mais est-elle encore une priorité ?
Jeudi 26 juin 2025, ce dossier est revenu tel un boomerang au menu du conseil de Toulouse Métropole. Didier Castera, le maire de Seilh, commune située au nord-ouest de Toulouse, a en effet poussé un coup de gueule en pleine séance. La raison ? Le projet qui prévoit d’ériger un pont à 2X2 voies – une voie pour les automobilistes, une voie pour les modes doux – piétine, selon lui, depuis plusieurs mois. La construction de ce pont, qui doit permettre de franchir la Garonne et de connecter l’autoroute A 62 à l’ouest toulousain par un accès direct, patine-t-il réellement ? Serait-il remis en cause ? Éléments de réponse d’une journée qui a éclairé ce dossier épineux d’une lumière nouvelle.

Le projet devait avancer en 2025

Pour comprendre ce qu’il se passe en ce mois de juin 2025, il faut revenir dix mois en arrière, au mois de septembre 2024. Interrogé à l’époque sur le projet de nouveau pont par Actu Toulouse, voici ce que disait alors Grégoire Carneiro, vice-président en charge de la voirie à Toulouse Métropole :

« Il y a déjà eu de très nombreuses études, quatre ou cinq concertations, nous allons désormais présenter un dossier complet (sur le projet de nouveau pont, NDLR) à l’État d’ici la fin de l’année 2024. C’est un dossier qui passera entre les mains de la commission nationale du débat public (CDNP). Aujourd’hui, il y a plusieurs hypothèses de fuseaux. Il faudra déterminer quel fuseau est le plus pertinent. Le fuseau qui conviendrait le mieux aux deux collectivités qui portent le projet (Toulouse Métropole et Conseil Départemental, NDLR) serait celui qui va de Merville à Saint-Jory. Mais cela ne préjuge pas celui qui sera choisi. L’État est en effet très vigilant sur plusieurs paramètres, notamment sur les conséquences d’un tel projet sur l’environnement », expliquait l’élu.

Certains maires soutiennent un fuseau précis

À l’automne 2024, un comité de pilotage (Copil) a eu lieu avec les maires des communes concernées, l’État, et les deux grandes collectivités. 51 élus du nord toulousain ont écrit à Jean-Luc Moudenc, le président de Toulouse Métropole, pour affirmer leur soutien au fuseau étudié le plus au nord.

Aucune décision en 2025, la colère de certains élus

Sauf que depuis cette expression collective des maires, aucun fuseau n’a été choisi pour le projet de futur pont, et aucun dossier n’a été transmis à la CNDP comme l’envisageait Grégoire Carneiro en septembre 2024. Du retard a clairement été pris sur ce dossier.

Six mois après le Copil, et alors que la période électorale, jamais favorable à l’avancée de grands projets structurants, se profile, la colère est désormais grande parmi les élus du nord-ouest toulousain. Et certains sont montés au créneau ce jeudi, en pleine assemblée métropolitaine, dans le cadre des débats qui devaient exclusivement porter sur l’autre grand projet routier en cours dans l’agglomération, celui de la création d’un nouvel échangeur sur le périphérique. Un dernier projet qui a d’ailleurs reçu un dernier feu vert de Toulouse Métropole après de vifs échanges.

« Le nord toulousain, c’est impossible d’y vivre »

C’est le maire de Seilh, Didier Castéra, qui est monté frontalement au créneau.

« Le nord toulousain, c’est impossible d’y vivre, je vous invite à venir traverser Seilh à l’heure de pointe. Sur le projet de nouveau pont, à l’issue du dernier Copil, les élus du territoire ont fait un choix. 51 maires ont fait le choix du fuseau le plus au nord, celui qui doit déboucher en face de Castelnau-d’Estrétefonds après la création d’un nouveau pont au niveau de Saint-Jory. Ils ont demandé la saisine de la CNDP. Or, depuis, il n’y a pas eu d’avancée sur le dossier. 51 maires de tout bord politique sont pour le projet à l’unanimité. Nous venons de passer six mois pour rien. Nous n’avons pas d’information, pas de réponse à notre courrier. On demande la saisie de la CNDP, on demande à chacun de se positionner », a-t-il exprimé.

Patrick Bergougnoux, premier adjoint au maire de Gagnac-sur-Garonne, et représentant de cette commune au conseil de la Métropole, a appuyé les propos de son collègue du nord toulousain :

« Il ne s’est rien passé depuis sept mois, on ne sait pas pourquoi. Qu’est ce qui bloque depuis sept mois ? On voudrait bien le savoir. Les études ont été bien faites, mais on ne franchit pas le pas de la décision. La panique en matière de circulation, elle est au nord de Toulouse. Au nord, on n’a rien. La ligne C du métro, c’est très bien, mais depuis Gagnac, depuis Lespinasse, pour aller au métro, il va falloir franchir la Garonne ».

Jean-Luc Moudenc éclaire le dossier d’un jour nouveau

Durant le conseil de la Métropole, le président de Toulouse Métropole, Jean-Luc Moudenc, a décidé de sortir du bois, et a éclairé ce dossier d’un jour nouveau :

« Il y a dix jours, le 16 juin dernier, en dîner des maires nous avons abordé ce sujet du nouveau pont sur la Garonne. J’ai échangé en début d’année avec le président du conseil départemental, Sébastien Vincini (collectivité qui s’est engagée à cofinancer ce projet avec Toulouse Métropole, NDLR). Il est très attentif à un aspect de ce projet qui est l’aspect environnemental. Sur les questions de bifurcation écologique, il veut que la position de sa collectivité soit exemplaire »

Jean-Luc Moudenc a poursuivi :

« Le rendu des études sur les trois hypothèses pour le franchissement de la Garonne au nord de Toulouse a révélé des questions majeures relevant de l’aspect environnemental et notamment des difficultés concernant le scénario 1 (celui que les maires du nord toulousain veulent prioritairement voir aboutir, NDLR) ».

Outre la problématique des conséquences d’un tel projet sur l’environnement – le lac au lieu-dit des Pierres Blanches est une halte migratoire située sur le tracé de la variante Nord était-il relevé dans une étude rendue publique début 2023, il y a aussi l’enjeu de l’insertion d’un tel projet dans l’agglomération. Le fuseau central qui s’insère entre Saint-Jory et Lespinasse nécessite de démolir des habitations.

Jean-Luc Moudenc veut que l’État formalise sa position

Et le président de Toulouse Métropole d’expliquer sa méthode, compte tenu de ces éléments, et alors que le dossier de l’autoroute A 69 entre Toulouse et Castres est devenu un cas d’école à ne pas reproduire…

« Les services de l’État ont aussi un regard très attentif sur certains aspects de ce dossier (du nouveau pont). Si on doit aller vers une procédure publique, soit la saisine de la CNDP, je préfère qu’on y aille en ayant travaillé le dossier, avec des réponses. Et comme vous le savez, les autorisations environnementales sont délivrées par l’État, ce qui est normal, et je préfère qu’on trouve des solutions avec l’État. J’ai demandé au préfet qu’il formalise par écrit ce que nous ont dit ces services sur ce dossier. J’attends cette réponse du préfet ».

Un projet « face à des fragilités », vers de nouvelles études

Avant d’annoncer aux élus :

« Nous allons désormais envoyer un certain nombre d’experts écologues (personne qui identifie, prévoit et analyse l’impact des activités humaines sur l’environnement et qui intervient dès les phases amont d’un projet pour définir, mettre en place et veiller au respect des politiques et réglementations liées à la conservation et préservation de l’environnement, NDLR), y compris pour le contournement de Seilh (ce contournement permettrait de relier la Voie Lactée au futur pont, NDLR) pour approfondir le sujet. Quand nous aurons les résultats de ces études, nous vous les partagerons. Je suis favorable à ce dossier, mais face aux fragilités je préfère qu’on les traite plutôt que de foncer tête baissée ».

Sur ce dossier, la Métropole, compte tenu des enjeux environnementaux soulevés – 70 à 100 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers seraient supprimés avec ce projet a indiqué Grégoire Carneiro ce jeudi – dans un contexte qui a vu l’autoroute A 69 remise en cause alors que les travaux étaient lancés, souhaite avancer pas à pas. Le Département de Haute-Garonne est sur la même position : « Sur tous les projets de ce type, le président Vincini souhaite qu’ils obtiennent toutes les autorisations environnementales, et dans le cas contraire, ces projets ne se feront pas », indique le Département à Actu Toulouse. Le nouveau pont sur la Garonne au nord de Toulouse n’échappera pas à cette règle.

Ce qui ne laisse pas augurer d’avancées spectaculaires avant les élections municipales de 2026.pour ce dossier qui suscite bien des crispations.

La pertinence du projet semble à nouveau en débat

En 2019, le calendrier de ce projet, évalué à 200 millions d’euros, faisait état d’une possible mise en service en 2028. Ce calendrier est caduc depuis longtemps. Le coût du projet l’est certainement tout autant avec l’inflation enregistrée ces dernières années.

À un an des élections municipales, le projet de nouveau pont sur la Garonne, mis en haut de la pile des priorités de Toulouse Métropole en matière de projets routiers, dans le cadre de son Plan d’aménagement des Routes Métropolitaines de 2019, se trouve visiblement fragilisé.

Un projet sur le point d’être réévalué

La pertinence de ce projet, acté politiquement le 17 décembre 2020 par Toulouse Métropole, et qui fait l’objet d’une convention de cofinancement avec le Département, va en effet être réévalué par les différents partenaires à l’aune des exigences environnementales de 2025, qui sont supérieures à celles de 2019 à projet similaire.

« Les risques environnementaux forts » du projet, relevés par des études multimodales pilotées par la préfecture et publiées début 2023, pourraient donc peser plus lourd qu’il y a quelques années alors que, de son côté, l’efficience du projet n’a pas été totalement prouvée ces dernières années selon les mêmes études multimodales.

En 2023, si ces études multimodales évoquaient « un effet significatif en termes de réduction de la charge du réseau routier et de gain de temps pour les usagers », elles relevaient aussi « l’effet limité » du projet « sur le déchargement du périphérique » et estimaient « qu’il existe un risque de saturation de la RD902 (+ 54% en heure de pointe du matin) qu’il conviendra de prendre en compte ». 

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