Publié le
27 juin 2025 à 7h12
C’est le dernier-né de la galaxie Airbus. Airbus Protect, la filiale du géant aéronautique spécialisée dans la protection cyber, les analyses de sécurité aérienne et de durabilité, souffle sa troisième bougie. Cette entité en pleine croissance vient de pousser ses murs, et a, ce jeudi 26 juin 2025, inauguré ses nouveaux bureaux à Blagnac, aux portes de Toulouse.
Une vigie ultramoderne destinée à veiller sur la cybersécurité d’Airbus, de ses filiales, mais aussi des avions et des aéroports. Car si au départ, c’est surtout le constructeur lui-même qui était visé, la menace a évolué au fil des années, et c’est désormais l’ensemble de la supply chain qui est première ligne… et se tourne vers l’avionneur pour assurer sa protection. Reportage.
1 700 salariés, dont 900 à Toulouse
Airbus Protect est un ovni dans la galaxie d’Airbus : « Nous sommes une société de services », et l’une des rares entités sinon la seule, où « on ne fabrique rien, à part de la matière grise ! », sourit Thierry Racaud, son PDG.
Née de la fusion de divers services internes à l’avionneur (notamment Apsys, NDLR), la filiale comptait à sa naissance 1 200 employés. Trois ans plus tard, ils sont déjà 1 700, dont 900 rien qu’à Toulouse, ou plus exactement à Blagnac, siège social d’Airbus Protect. Ils sont regroupés dans deux immeubles, dont « le Cube”, une bâtisse flambant neuve de 4 800 m² fraîchement livrée.
« Nous avons également des sites à Paris et Marignane, ainsi qu’en Allemagne, en Angleterre et en Espagne », développe le PDG de cette entité qui œuvre dans les métiers de la cybersécurité, mais aussi de l’ingénierie (pour vérifier la conception des avions, hélicoptères, drones et autres satellites) ou de la durabilité (autour de la décarbonation de l’industrie).
1 700 salariés travaillent chez Airbus Protect, dont 900 à Toulouse (ici, les deux bâtiments du siège à Blagnac) (©G.L. / Actu Toulouse)« Protéger Airbus, mais aussi la chaîne logistique »
La raison d’être de cette antenne florissante ? « Servir le groupe Airbus, mais aussi les clients externes », qui représentent déjà « 30 % du chiffre d’affaires ».
Que le constructeur se soucie de la sécurité de ses fournisseurs et autres partenaires, ça ne doit évidemment rien au hasard : « Si un sous-traitant d’Airbus est attaqué, cela peut mettre à mal toute la chaîne de production ».
Notre mission, c’est de protéger Airbus, mais aussi la chaîne logistique. Nous savons qu’il y a des points de fragilité sur les PME ou ETC qui n’ont en toute logique ni les compétences internes, ni l’expertise pour se protéger.
Thierry Racaud
PDG d’Airbus Protect
« Des centaines d’attaques par semaine »
Les types de menaces ici traitées sont multiples : rien qu’en cybersécurité, « on reçoit des centaines d’attaques par semaine », avance Thierry Racaud. « La menace s’est professionnalisée et même des États s’y sont mis ».
Airbus Protect se donne pour vocation de veiller à « la cybersécurité de ce qui vole » : des avions bien sûr, mais aussi des hélicoptères, drones, satellites et autres engins inventés par le constructeur… À l’heure où « l’avion est un data center volant », et où les outils de communication avec les appareils sont plus développés que jamais, ils sont aussi davantage à la merci des attaques.
L’entrée du siège d’Airbus Protect à Blagnac (©G.L. / Actu Toulouse)« Nos avions sont une cible, évidemment »
Comme le confiait récemment Pascal Andréi, le chef de la sûreté globale chez Airbus, dans un entretien à Actu Toulouse, « nos avions sont une cible évidemment. Des hackers rêveraient d’être les premiers à détourner un avion. Pas le crasher, mais le détourner comme dans un jeu vidéo. Les avions ont longtemps été une cible, notamment au moment où on a commercialisé les premiers avions connectés. Ça l’est beaucoup moins aujourd’hui, mais ça le reste », développait-il.
Fort heureusement, jusqu’à aujourd’hui, on n’a pas eu d’attaque qui ait impacté un avion, un hélicoptère ou l’un de nos produits.
Pascal Andréi
Chef de la sûreté globale chez Airbus
Airbus vole au secours des compagnies aériennes
Outre Airbus et ses sous-traitants, on retrouve parmi ses premiers clients des compagnies, à l’instar de SAS, la plus grande compagnie aérienne scandinave, qui s’est tournée vers l’avionneur l’été dernier pour des « services de conseil en cybersécurité ». « On aide les compagnies à se mettre en conformité » avec les normes et impératifs du moment, résume le PDG d’Airbus Protect.
On connaît les risques et les menaces qui planent sur l’aéronautique mieux que quiconque.
Thierry Racaud
« Partout où on va, les aéroports sont mal équipés »
Autres acteurs qui pourraient se bousculer au portillon d’Airbus Protect : les aéroports. « Partout où on va, les aéroports sont mal équipés contre le risque cyber », relate Thierry Racaud. « Parkings, systèmes de bagages, d’éclairage de pistes… » Les aéroports peuvent être la cible de différents types d’attaques. À l’été 2023, celui de Montpellier (Hérault) avait par exemple été la cible d’une redoutable cyberattaque pendant plus de trois jours. Plus récemment, en mars dernier, c’est celui de Kuala Lumpur (Malaisie) qui a été visé, avec demande de rançon de 10 millions de dollars à la clé.
« La menace est permanente » dit l’aéroport Toulouse-Blagnac
Parmi les clients d’Airbus figure déjà l’aéroport Toulouse-Blagnac. En bon voisin, il fut même le premier à répondre à l’appel de l’avionneur, qui espère étoffer son catalogue de plateformes clientes très prochainement, s’étant positionné sur « des appels d’offres en cours, ailleurs en Europe ».
À l’aéroport Toulouse-Blagnac, « quelques personnes » travaillent bien à la cybersécurité, mais « ce n’est pas notre cœur de métier”, souligne Philippe Crébassa, président du directoire. Les 300 salariés d’ATB exercent plus de 60 métiers aussi divers que variés, et on compte pas moins de 6 000 emplois sur toute la plateforme.
Sur ses 160 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, l’aéroport de la Ville rose consacre déjà un million d’euros à la cybersécurité. Et la courbe ne risque pas de s’inverser…
Inévitablement, un aéroport est une infrastructure critique, parce qu’il contribue au développement économique, mais aussi parce qu’il sert à la continuité de la nation, comme on l’a vu pendant la pandémie de Covid. Nous avons donc la responsabilité de protéger ses capacités en toutes conditions.
Philippe Crébassa
Président du directeur de l’aéroport Toulouse-Blagnac
Thierry Racaud et Philippe Crébassa, respectivement PDG d’Airbus Protect et président du directoire de l’aéroport Toulouse-Blagnac (©G.L. / Actu Toulouse)« Imaginez une attaque sur les parkings de l’aéroport »
Si ATB s’est tourné vers Airbus Protect, c’est parce que « c’était le meilleur des candidats qui ont répondu à notre appel d’offres », dévoile Philippe Crébassa. Les enjeux de ce partenariat ? Épauler l’aéroport dans « la sécurité aéronautique, la sûreté et la prévention des attentats, mais aussi la gestion du public et la continuité de service… »
Imaginez une attaque sur les parkings, cela paralyserait leur accès, mais aussi par effet domino toute l’activité de l’aéroport.
Philippe Crébassa
« Aujourd’hui, la menace est permanente » pour le patron d’ATB
Si « la menace cyber ne date pas d’hier », comme le concède Philippe Crébassa, les hackers « ont accéléré depuis quelques années » et « le niveau de risque » sur les aéroports, comme sur l’ensemble de la société s’est sensiblement élevé. « Aujourd’hui, la menace est permanente et nous devons être conscients de ce qu’il se passe pour mieux se protéger ».
« Activistes, lobbyistes, anti-militaristes » : qui cherche à attaquer Airbus et ses partenaires ?
Qui cherche à attaquer Airbus et sa chaîne de production ? « On a tout l’éventail possible », confiait en mars dernier Pascal Andréi, le chef de la sûreté globale chez Airbus. « Ça va du petit hacker, donc de l’amateur qui voudrait attaquer un avion et jouer avec nos biens, jusqu’à des menaces stratégiques, avec des acteurs étatiques qui souhaiteraient dérober notre propriété intellectuelle, ou connaître certaines informations sensibles du groupe. Et au milieu de tout ça, on a des activistes, des lobbyistes, des anti-militaristes… » Pascal Andréi dévoilait : « On a identifié une dizaine de typologies d’attaquants ».
Hackers éthiques et « pompiers » cyber
Qui fait quoi chez Airbus Protect ? Parmi les 1 700 employés, il y a toute une pléiade de postes différents, notamment au sein du SOC (comme Security Operating Centre), ou centre de détection et surveillance continue des tentatives de cyberattaques, qui est un peu la tour de contrôle du site.
Parmi les emplois les plus spécifiques, on trouve des pen tester, comprenez des hackers éthiques, dont la mission est de « déceler des points de fragilité ». Il y a aussi des incident responder, ces pompiers de la cybersécurité, qui œuvrent au sein du CERT (comme Computer Emergency Response Team, qui est le centre d’alerte et de réaction aux attaques informatiques), et qui sont déployés par Airbus sur le site du client fraîchement touché…
Si le secteur de la cybersécurité est en pleine explosion, et si les talents s’arrachent, chez Airbus Protect, « on a peu de turnover », se réjouit le patron. Peut-être parce que nombre de collaborateurs ont « une double passion : celle de la cyber… et celle de l’aéronautique”.
Le saviez-vous ? Airbus dispose aussi de sa propre école de cybersécurité
Se former chez Airbus en échange d’un emploi chez le leader mondial de l’aéronautique. L’annonce paraît presque trop belle pour être vraie ! Et pourtant, à Toulouse, l’avionneur a ouvert en 2022 l’Airbus Cybersecurity School, sa propre école de cybersécurité. Elle propose, chaque année, des alternances à une trentaine de candidats. Avec une particularité : s’ils sont diplômés au terme de leur formation, ils sont assurés d’obtenir un emploi en CDI, à condition de rester au moins quelques années chez Airbus… Si l’établissement était jusqu’ici sur le site de Saint-Éloi, aux côtés du Lycée Airbus, il sera bientôt rapatrié sur le campus d’Airbus Protect, à Blagnac.
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