Insultes, sarcasmes, critiques politiques : ce qui relevait autrefois de la liberté d’expression devient aujourd’hui une infraction passible de perquisitions, d’interpellations et de peines de prison. En Allemagne comme au Royaume-Uni, la répression des opinions jugées « haineuses » ou « offensantes » s’accélère, révélant une tendance inquiétante à la criminalisation des pensées dissidentes.
Ce mercredi matin, des centaines d’Allemands ont été réveillés par des policiers frappant à leur porte, non pour des faits de violence ou de délinquance, mais pour avoir posté des commentaires critiques sur Internet. Objectif de ces perquisitions : appliquer l’article 188 du code pénal, qui depuis 2021 punit l’insulte envers une personnalité politique de trois ans de prison.
Cette vaste opération, menée par la police criminelle fédérale (BKA), vise quelque 170 domiciles à travers le pays. Tablettes, téléphones et ordinateurs sont saisis ; les suspects, souvent affiliés à la droite, sont placés sous enquête pour « discours haineux ». En 2024, plus de 10 700 infractions de ce type ont été recensées en Allemagne, soit une augmentation de 34 % par rapport à l’année précédente.
La police appelle d’ailleurs les citoyens à dénoncer les publications jugées haineuses. « Signalez les contenus aux plateformes et demandez leur suppression », exhorte le BKA. La chasse à la parole déviante est ouverte, et les frontières entre délit et opinion se brouillent de plus en plus.
Mèmes, humour noir et satire sous surveillance
Récemment, un ancien sergent de la Bundeswehr, Stefan Niehoff, a été condamné à 825 euros d’amende pour avoir partagé des images satiriques incluant des symboles nazis – pourtant interdites uniquement si elles ne sont pas jugées critiques. Plus tôt, il avait été convoqué pour avoir qualifié un ministre de « crétin professionnel »… affaire finalement classée. Une liberté d’expression à géométrie variable, visiblement.
Au Royaume-Uni, la situation n’est guère plus reluisante. L’arrivée au pouvoir des travaillistes sous Keir Starmer a vu la police des opinions franchir un nouveau cap. Ainsi, Julian Foulkes, retraité de la police, a été arrêté à domicile en 2023 après avoir exprimé son inquiétude sur la montée de l’antisémitisme. Son domicile a été fouillé, y compris les affaires de sa défunte fille et la bibliothèque familiale, jugée « trop pro-Brexit » par les agents.
Si Foulkes a fini par obtenir des excuses et 20 000 livres de compensation, d’autres n’ont pas eu cette chance. Lucy Connolly, nourrice et épouse d’un conseiller municipal conservateur, a été condamnée à deux ans et sept mois de prison pour un tweet jugé incendiaire après une attaque au couteau perpétrée par un migrant. Le message, supprimé après quelques heures, appelait à une « déportation massive ».
Pire encore : le Royaume-Uni enregistre chaque jour 65 signalements de “non-crime hate incidents”, des actes non criminels mais jugés socialement offensants. Une insulte mal formulée, un message privé, voire une blague déplacée peuvent suffire à vous faire figurer dans une base de données policière, sans que vous en soyez informé. Résultat : des arrestations, des interdictions professionnelles, ou des carrières brisées.
Des enfants de neuf ans, des parents critiquant une école dans un groupe WhatsApp, ou une journaliste confondant des manifestants avec des partisans du Hamas : la liste des “déviants” ne cesse de s’allonger.
Ce que l’on observe en Allemagne et au Royaume-Uni, c’est la normalisation d’une censure d’État, où la satire, la critique ou la colère populaire sont réprimées avec la même sévérité que des actes criminels. Le contraste est saisissant : les agresseurs violents sont parfois relâchés, pendant que les dissidents verbaux croupissent en garde à vue.
La liberté d’expression, pierre angulaire des démocraties occidentales, vacille. Les États occidentaux glissent doucement mais sûrement vers un contrôle orwellien des esprits, où le crime n’est plus l’acte, mais l’opinion.
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