Malgré les maires de droite qui se sont succédé à Nice, la Fête du Château, organisée par le PCF dans un cadre idyllique, se tient depuis 1946.
Une petite fête de L’Huma au bord de la mer sur la Côte d’Azur, cela peut surprendre. «Mais c’est exactement ça, ce n’est pas du tout exagéré de dire ça», sourit Julien Picot, le secrétaire du PCF dans les Alpes-Maritimes. Presque tous les ans depuis 1946, les communistes niçois organisent leur raout dans l’un des cadres les plus idylliques de Nice, et ce malgré une ville ancrée à droite depuis des années par les différents maires qui se sont succédé.
Mais entre 30.000 et 40.000 personnes se pressent le temps d’un week-end sur la colline du Château, point haut emblématique de la capitale azuréenne, qui offre d’un côté une vue imprenable sur la baie des Anges et de l’autre, le port de Nice et ses yachts… loin des idéaux de la gauche.
Un contraste «vraiment atypique», en convient Julien Picot, désormais en charge de l’organisation. «On est encore des ovnis en 2025 dans cette ville de droite», s’amuse-t-il, bien qu’attaché à la bonne tenue de cette fête connue dans le langage courant des Niçois, et qui débute ce vendredi. «Cela a toujours été une bataille pour l’organiser car on ne nous a jamais faits de cadeaux, de (Jacques) Médecin à (Christian) Estrosi. Mais on fait aussi en sorte que ce soit une fête populaire», poursuit-il.
Même au sein de la municipalité actuelle, on reconnaît que ce rendez-vous détonnant fait partie du «particularisme niçois» et qu’il est donc délicat de l’empêcher. Avant d’être dans la maison Estrosi, certains élus s’y rendaient d’ailleurs sans complexe. Ce sont bien les services de la mairie qui acceptent la privatisation de cet espace public très prisé le dernier week-end de juin, alors que la cité s’avère déjà bondée de touristes venus du monde entier. Au total, l’organisation de cette fête coûte près de 125.000 euros au PCF, indique Julien Picot.
«Pas la fête de la Palestine»
«Je connais des gens de droite qui viennent à la Fête du Château !», lance le secrétaire départemental du PCF comme une invitation au Figaro. «C’est une fête fréquentée par tous les Niçois : trouvez une autre fête gratuite de deux jours sur la Côte d’Azur. Ça n’existe pas !», scande-t-il. Des Niçois interrogés confirment : «Le soir, il y a surtout des gens qui veulent manger, boire et faire la fête pour pas trop cher. C’est aussi un moyen d’exprimer sa Nissartitude !», explique Toni, qui compare l’événement à une fête de village.
Au programme donc, une ambiance festive le soir avec une dizaine de groupes sur deux scènes, et la journée, des débats néanmoins très politiques. Dans le contexte actuel, des échanges sur la situation au Moyen-Orient avec comme invitée l’ambassadrice désignée de la Palestine en France sont prévus. De quoi gâcher la fête et cliver sur un sujet sensible, particulièrement à Nice, où le maire Christian Estrosi (Horizons) revendique un soutien infaillible à Israël ? «Non, le but n’est pas de faire de la Fête du Château la fête de la Palestine», assure Julien Picot, qui défend «le débat contradictoire» et conteste le «dogmatisme». Il n’empêche, il reste probable de voir des drapeaux palestiniens brandis presque chaque semaine par une poignée de militants qui manifestent dans le centre-ville.
Ian Brossat et le président du Medef des Alpes-Maritimes
Des discussions sur les thématiques plus habituelles du logement, du travail et des transports auront aussi lieu en présence de Ian Brossat, sénateur parisien et porte-parole du PCF. Celui qui a participé à la mise en place de l’encadrement des loyers à Paris viendra le défendre à Nice, alors que Christian Estrosi avait un temps émis l’idée de l’appliquer avant de se rétracter. Pierre Ippolito, président de l’Union des entreprises et du Medef dans les Alpes-Maritimes, se prêtera aussi au jeu d’un débat, annonce le PCF 06. «On veut débattre avec la droite», martèle Julien Picot, qui à Nice, le fait déjà depuis quelque temps.
La Fête du Château ne s’était plus tenue depuis deux ans, d’abord en raison d’une transition dans les instances locales du parti, puis l’an dernier, à cause de la dissolution et la tenue des élections législatives anticipées. Ces festivités se tiennent cette année à moins d’un an des municipales de mars 2026. Un moment pour afficher une union de la gauche ? PCF, Verts, et PS travaillent aujourd’hui ensemble en vue d’une candidature unique à Nice, persuadés d’un espace dans le duel annoncé Estrosi-Ciotti, mais les relations sont compliquées avec LFI, qui indique d’ailleurs ne pas avoir été convié officiellement à participer à un débat lors de la Fête du Château.
Tous se croiseront néanmoins vendredi et samedi en essayant au moins de prouver, malgré les idées reçues, qu’une gauche existe aussi au bord de la Méditerranée. Lors des législatives de juin dernier, les candidats de gauche avaient battu les «estrosistes» dans les trois circonscriptions niçoises. Pendant quelques mois, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Virgile Barrel fut un maire communiste de Nice, et laisse donc en héritage cette insolite Fête du Château.