Dans son dernier rapport, la Cour des comptes qualifie l’état des routes franciliennes de « pire du pays ». Derrière cette formule choc se cache une réalité que connaissent bien les 4 millions d’automobilistes qui empruntent quotidiennement les 621 kilomètres de routes nationales d’Île-de-France.

Les magistrats déclarent à son propos : « Un réseau dense, ancien et en mauvais état, à rénover et moderniser. » Cette déclaration fait écho aux préoccupations croissantes des usagers qui subissent les nids-de-poule, fissures et autres dégradations sur leurs trajets quotidiens.

Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 Millions d’automobilistes, s’exprime sur RMC : « Je suis très en colère parce que la seule étude en France qui vient comptabiliser le nombre d’accidents imputables à l’état routier date de 1995. Ça fait 30 ans qu’on n’a pas fait ce genre d’étude. »

Quand l’infrastructure montre ses limites

Le réseau francilien compte 312 échangeurs, 1 117 ponts, 53 aires de services et pas moins de 2 632 caméras de surveillance, de quoi avoir un besoin de surveillance accrue. La Direction des routes d’Île-de-France (DiRIF) gère ce mastodonte avec 900 agents et un budget de 290 millions d’euros. Sur le papier, ces moyens paraissent conséquents pourtant dans les faits, ils semblent insuffisants face à l’ampleur de la tâche.

Les incidents récents illustrent parfaitement cette situation préoccupante. En 2018, l’affaissement de la chaussée sur le viaduc de Gennevilliers sur l’A15 avait provoqué un chaos dans la circulation. Plus récemment, la découverte de fissures sur l’A13 a contraint les autorités à fermer l’axe pendant plusieurs semaines, paralysant les déplacements de milliers d’usagers.

La Cour des comptes identifie trois causes principales à cette dégradation. D’abord, le vieillissement naturel d’un réseau construit pour l’essentiel dans les années 1970-1980. Ensuite, une gestion trop fragmentée de la DiRIF qui nuit à l’efficacité des interventions. Enfin, des budgets insuffisants qui privilégient les réparations d’urgence au détriment de l’entretien préventif.

Cette approche « curative » plutôt que préventive coûte finalement plus cher. Réparer une route complètement dégradée revient beaucoup plus cher que l’entretenir régulièrement. Un cercle vicieux qui s’autoalimente.

L’association 40 Millions d’automobilistes rappelle que l’étude parlementaire de 1995 établissait que l’état de la route constituait un facteur dans plus d’un accident sur deux. Trente ans après, aucune nouvelle étude n’a été menée pour actualiser ces données pourtant cruciales pour la sécurité routière.

Le rapport révèle des défaillances organisationnelles stupéfiantes. La DiRIF ne dispose pas d’un inventaire informatisé de son patrimoine routier. Pire encore, elle ne sait pas exactement quand ont eu lieu les derniers entretiens de certaines routes et ponts.

Cette méconnaissance de l’état réel des infrastructures empêche toute planification rationnelle des interventions. Comment établir des priorités d’entretien sans connaître précisément l’état de chaque tronçon ?

La Cour des comptes note également l’absence de moyens pour évaluer précisément le trafic sur l’ensemble du réseau.

Face à ce constat accablant, la Cour des comptes formule des recommandations concrètes pour moderniser la gestion du réseau routier francilien d’ici 2026.

Les mesures prioritaires incluent la création d’un inventaire informatisé du patrimoine routier, l’amélioration du suivi du trafic et l’établissement d’une programmation pluriannuelle des investissements.

Reste à savoir si les pouvoirs publics trouveront la volonté politique et les moyens financiers pour les mettre en œuvre.

Les routes françaises seront-elles un jour en bon état ?

Pierre Chasseray se montre néanmoins optimiste : « Maintenant, c’est la Cour des comptes qui en parle, donc on va peut-être se bouger du côté de Bercy. » L’intervention de cette institution respectée pourrait effectivement déclencher la prise de conscience nécessaire au niveau gouvernemental.

Les enjeux dépassent largement le simple confort de circulation. Avec 4 millions d’usagers quotidiens, le réseau routier francilien constitue un maillon essentiel de l’économie régionale et nationale. Sa dégradation progressive menace non seulement la sécurité des automobilistes, mais aussi la fluidité des échanges économiques.

La région Île-de-France représente près de 30 % du PIB national. Négliger l’entretien de ses infrastructures routières reviendrait à scier la branche sur laquelle repose une part importante de l’activité économique française.

  • La Cour des comptes qualifie l’état des routes franciliennes de « pire du pays » avec 4 millions d’usagers quotidiens exposés aux risques
  • Le budget de 290 millions d’euros est insuffisant et l’absence d’inventaire informatisé révèle une organisation défaillante
  • 13 recommandations concrètes d’ici 2026 ont été faites pour moderniser la gestion et éviter une crise majeure du réseau routier francilien

📍 Pour ne manquer aucune actualité de Presse-citron, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.