Depuis 25 ans, le Stade toulousain n’a perdu que trois finales de championnat de France. En 1991, les Stadistes s’inclinent 19-10 face à Bègles au Parc des Princes, au bout d’une saison déjà rocambolesque. Quatorze ans après, Christian Gajan, l’entraîneur de l’époque aux côtés de Jean-Claude Skrela, revient sur ce fameux match face à la première ligne Simon – Moscato – Gimbert, surnommée les « Rapetous ».
Les plus jeunes auront peut-être du mal à y croire, mais il fut un temps où le Stade toulousain perdait des finales de championnat. La dernière en date ? Le 10 juin 2006, face à un Biarritz Olympique de gala (40-13). Mais remontons encore quinze années en arrière pour revenir au temps où le rugby n’était pas encore un sport professionnel.
Le 1er juin 1991, Bègles-Bordeaux s’imposait 19 à 10 en finale face au Stade toulousain et remportait son deuxième Bouclier de Brennus après le titre de 1969. Si tout le monde a en mémoire le parcours des Bordelo-Béglais, celui des Toulousains mérite aussi le détour. Christian Gajan, qui a entraîné le « Stade » au début de trois décennies (années 80, 90 et 2000), raconte : « Je me souviens très bien de cette saison. Notre arrivée en finale relevait du miracle. On se qualifie difficilement en quart de finale contre Brive, avant de déjouer les pronostics en quart contre Narbonne, qui était le favori de l’époque. En demie, on l’emporte grâce à un drop de Philippe Rougé-Thomas qui passe sous la barre mais qui est accordé par l’arbitre ! Il n’y avait pas la vidéo à l’époque (rires). »
Après les titres de 85, 86 et 89, revoilà le Stade toulousain en finale du championnat. Mais entre la mise en retrait de Pierre Villepreux, les nombreux blessés au fil des mois, cette saison 90-91 fut « très moyenne », à en croire l’ancien protégé de Robert Bru. « Nous avions eu beaucoup de blessés, notamment au niveau de la troisième ligne. À partir des quarts de finale, nous avions titularisé deux juniors, Olivier Marin et Bruno Dalla-Riva. Les deux avaient d’ailleurs fait de belles phases finales. »
Nous étions déjà contents d’être en finale
Avant d’imaginer un 11e Bouclier de Brennus, la redoutable et populaire équipe de Bègles se dresse face aux Stadistes en ce début de mois de juin. Des décennies plus tard, à l’évocation de cette saison 90-91, reste en mémoire la demi-finale face à Toulon et cette bagarre mythique lors des huitièmes en aller-retour. « Honnêtement, nous n’étions pas prêts comme le Stade a pu l’être par la suite, reconnaît l’ancien éducateur sportif. On se laisse aussi avoir par les discours… Leur dynamique, le fameux match rendu célèbre par les gifles, tout le monde ne parlait que d’eux. Les ‘Rapetou’, la tortue béglaise avec le début des pénaltouches et des mêlées ouvertes. Ils étaient redoutables. Je pense qu’on a subi ce contexte, et qu’inconsciemment, dans l’approche, ils avaient fait le plus dur. »
Le match en lui-même ? Au vu du score, la finale fut assez serrée (19-10), du moins pas forcément représentative de la domination bordelo-béglaise sur la rencontre, les Toulousains sauvant les meubles dans le second acte en inscrivant dix points. « La deuxième période est plus équilibrée, détaille Gajan. Ce n’était pas suffisant. À l’époque, c’était un peu un passage de génération. […] Une fessée ? Non, jamais nous y avons pensé. Le Stade reste le Stade. Nous avions un bon équilibre entre jeunes et anciens. Et puis, nous étions quand même sacrément équipés avec Gérard Portolon, Patrick Soula, Claude Portolan, Jean-Marie Cadieu, Jérôme Cazalbou, Philippe Rougé-Thomas… »
Une sorte d’apprentissage pour cette équipe toulousaine, qui allait rafler six titres à partir de 1994. « Cette haine de la défaite, elle est née à travers le jeu dans les années 80. Très honnêtement, quand Guy Novès arrive en 1993, il a exacerbé cet état d’esprit, ce caractère qui perdure aujourd’hui. On aime gagner dans ce club, et la victoire amène la confiance, c’est la base. »
Christian Gajan, pourtant, ne garde pas un si mauvais souvenir de cette finale perdue. « J’étais un jeune entraîneur, même si j’avais commencé dix ans plus tôt aux côtés de Robert Bru à 24 ans. Je n’ai pas un souvenir si désagréable de cette finale. Mes détracteurs diront que je manque d’esprit de compétition, mais nous étions déjà contents d’être arrivés jusqu’à la finale au vu des circonstances de la saison. » 34 ans après, il est peu probable que les Toulousains se contentent de la deuxième place malgré les nombreux rebondissements vécus par le club président par Didier Lacroix cette dernière année…