L’Union portuaire rouennaise (UPR) a tenu son assemblée générale le 6 juin. Les professionnels de la place posent les grandes lignes d’action de cette année. Pour l’autorité portuaire, il s’agit de se projeter vers le futur plan stratégique.
« Rouen est le complément du Havre et de Paris », a rappelé Gilles Kindelberger, président de l’Union portuaire rouennaise (UPR) dans son discours de l’assemblée générale. Une complémentarité qui ne doit pas gommer les particularités du port.
L’avenir passe par un maintien des tarifs
Et pour confirmer cette complémentarité, il a repris à son actif la vision du maire du Havre, Édouard Philippe, qui rappelle que « l’axe Seine est l’avenir ». Alors, pour abonder dans ce sens, il appelle à revoir la façon de travailler du port. « Nous devons être vigilant sur le foncier portuaire. » Pour le président de l’UPR, l’arrivée de nouveaux acteurs est un sujet majeur pour la compétitivité du port. Une compétitivité qui doit se dessiner au travers du prochain Plan stratégique de Haropa Port pour la période 2026-2030. Elle passera aussi par un maintien des tarifs. « Nous ne pouvons pas subir une augmentation des coûts en raison des modifications de la réforme des retraites et de la pénibilité », avertit Gilles Kindelberger.
Une baisse de trafic de 21,9% à Rouen
Un discours entendu par la direction de Haropa Port. Dominique Ritz, directeur général délégué, a rappelé la situation des trafics sur la place rouennaise. Sur les quatre premiers mois de l’année, Haropa Port subi les effets du ralentissement économique. Le trafic s’établi à 26 Mt, soit une baisse de 8,2%. Sur le site de Rouen, la baisse est plus marquée. Avec 6,06 Mt, le port de Rouen perd 21,9%. Cependant, note le directeur général délégué, hors céréales la diminution n’est que de 3,8% à 3,9 Mt.
Hors céréales, la baisse est plus limitée
Alors, la direction de Haropa Port considère ce chiffre « moins pire qu’attendu ». « Au global, le site de Rouen a su faire preuve de résilience. Il diminue moins que Le Havre et Paris. » Quant aux céréales, flux majeur de la place rouennaise, elles affichent une chute de 42,4% à 2,1 Mt. Comparativement à la moyenne des cinq dernières années, ce courant se contracte de près de 1,2 Mt. L’effet des récoltes catastrophiques se répercute directement sur le port.
L’avenir du site de Notre Dame de Gravenchon
Outre les préoccupations des flux céréaliers, l’avenir du site d’Exxon à Port Jérôme suscite des interrogations. Les négociations du groupe américain avancent. Néanmoins, le sujet doit être analysé dans sa globalité. La reprise du site par une autre société ne signifie pas le maintien des trafics sur le site. « Cela soulève des questions pour tous les professionnels portuaires comme le pilotage, le lamanage et le remorquage », rappelle Dominique Ritz.
Le plan stratégique 2020-2025 réalisé à 90%
Le directeur général délégué est aussi venu rassurer les professionnels portuaires sur l’avenir. Le plan stratégique 2020-2025 touche à sa fin. « Au total, sur les 240 M€ d’investissements prévus, nous avons réalisé 215,2 M€, soit 90% du prévisionnel. » Une bonne note puisque sur l’ensemble des ports de l’axe Seine, le réalisé ne dépasse pas 80%. Il reste que le besoin en investissements à Rouen demeure.
46% des investissements pour l’entretien
Au cours de la période plusieurs chantiers ont vu le jour. Ainsi, la direction a entrepris plusieurs projets comme l’acquisition du dock flottant représente 18,2 M€, le renforcement du quai du bassin aux bois à hauteur de 16,5 M€ ou encore le développement des terminaux de Petit Couronne. Au global sur la période 2020-2025, 46% des investissements sont destinés à l’entretien et le renouvellement de l’existant. Les grands projets et le développement entrent à hauteur de 29%, la transition écologique pour 24% et la massification pour 1%.
Le futur Plan stratégique avec trois volets
Ce bilan du projet stratégique en fin de parcours, Dominique Ritz a présenté les orientations du futur Plan stratégique pour la période 2026-2030. Les procédures de consultation sont en cours. Déjà, l’autorité portuaire souhaite asseoir ce plan sur trois axes principaux : la stratégie et le développement, le développement durable et la multimodalité.
Consolider et diversifier les trafics
Le premier volet de ce plan vise à faire des ports de l’axe Seine un acteur majeur dans la conteneurisation. Une vision qui ne doit pas faire oublier que les ports ont besoin de diversification. « Nous devons éviter que Rouen ne soit qu’un port céréalier. Nous avons besoin de nous diversifier » a rappelé le directeur général délégué. Dans cet état d’esprit, il s’agit de consolider les trafics actuels et de regarder les autres filières. Ainsi, l’avenir du site de Notre Dame de Gravenchon doit être un moteur de cette diversification. De plus, le port a initié un appel à projets pour plusieurs sites du port de Rouen comme Saint Wandrille et Radicatel. « Nous devons avoir des activités liées à la logistique portuaire pour ces sites. »
Adapter le port au changement climatique
Le deuxième volet de ce projet de Plan stratégique concerne le développement durable. Cette partie vise à concilier les activités portuaires et les démarches en faveur de la préservation des ressources. Elle doit aussi entreprendre une démarche pour mieux faire accepter les activités portuaires dans un environnement qui s’urbanise. Enfin, il vise aussi à adapter le port au changement climatique et à ses effets.
La multimodalité : faire de Seine-Nord un atout
Le dernier volet de ce plan concerne la multimodalité. L’ambition du port est de faire de l’axe Seine un outil de développement des modes de transport décarbonés. La Seine traite chaque année un trafic d’environ 20 Mt. Or, elle est dimensionnée pour en accueillir 70 Mt. Ainsi, le potentiel de développement du fluvial est important. Une ambition qui doit aussi se combiner avec le futur canal Seine-Nord-Europe. « Nous devons faire de ce projet un bénéfice pour notre port », souhaite Dominique Ritz. Et pour accompagner les chargeurs qui se tournent vers le fluvial, Haropa Port met en place des incitations financières pour absorber le surcoût par rapport à la route.
Un an de répit pour les aides à la pince
D’un autre côté, la multimodalité n’est pas naturelle. Le système des « aides à la pince » revient régulièrement sur le devant de la scène. Des nouvelles modalités doivent intervenir. Leur application ne devrait pas se faire dans le courant de cette année, s’est aventuré Dominique Ritz. L’avenir est plus incertain. Les nouvelles dispositions sont issues de négociations au niveau européen. Ni la Commission européenne ni la DGITM ne souhaite que ce dossier soit réétudié, selon certains opérationnels. Depuis cinq ans, les différentes parties négocient âprement. « Il faut se faire à l’idée qu’en 2026 les aides à la pince se feront sur de nouvelles règles. Il est encore trop tôt pour dire si nous maintiendrons nos volumes par les modes massifiés », nous a confié un opérateur.
Dragage : appréhender le dossier du point de vue de Haropa Port
Enfin, le sujet du dragage n’a pas été oublié. Rouen, situé dans un estuaire a besoin de moyens pour draguer le chenal d’accès. Aujourd’hui, le port assure un tirant d’eau à 11,2 m. Il est adapté aux navires venant charger des céréales. Pour l’avenir, le port a besoin de matériel pour maintenir ses capacités nautiques. Or, la drague Daniel Laval a coûté 30 M€. Acquise par le GIE Dragages & Ports est en arrêt depuis deux ans. Les dragages pour le port ont coûté 20 M€. Des travaux réalisés par une société extérieure. Pour l’avenir, Haropa Port envisage d’acquérir sa propre drague. L’investissement sera partiellement remboursé par la location de cette drague. De plus, Haropa Port disposera de sa propre drague pour réaliser les travaux. « En regardant ce dossier avec un angle Haropa Port, nous pouvons mobiliser plus facilement les fonds », assure Dominique Ritz.