On ignore depuis quand les trois garçons sont assis là, sur le banc d’un square du XXe arrondissement de Paris, éclairés par un lampadaire blanc autour duquel virevoltent des moucherons. Eux-mêmes sont incapables de l’estimer. Il est 23 heures un vendredi de mai, mais leur soirée n’a pas vraiment d’heure ni de durée. Toutes les dix minutes environ, éclairés des flashs de leurs téléphones, ils attrapent la bonbonne bleue de gaz hilarant siglée «Cream Deluxe», remplissent un ballon de baudruche jaune fluo dans un bruit vif et perçant, puis en prennent une grande inspiration. L’ado à lunettes assis à gauche, maillot à damier du FC Barcelone sur les épaules, les fesses écrasées contre le dossier du banc, est pris d’un fou rire compulsif qui dure quelques dizaines de secondes. Ses deux autres camarades en tee-shirt noir se tordent aussi en deux, mais on ne sait pas si ce sont les effets du produit ou l’amusement de l’entendre pousser de petits cris sonores.

Lorsqu’ils reviennent à leur état normal – en moins de deux minutes – ils décrivent les effets du protoxyde d’azote qu’ils viennent d’inhaler : «Ça réchauffe partout dans le corps comme quand on a de la fièvre, on se sent heureux d’un coup, parfois je sens mon cœur qui s’accélère aussi», énumère le premier. «Moi, ça me fait une boule dans le ventre qui gonfle et me donne envie de rire», complète le second en montrant son abdomen de sa main. Les trois amis, prudents face aux questions de journaliste, disent être en